Intervention de Pierre Médevielle

Réunion du jeudi 8 avril 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Pierre Médevielle, sénateur :

Je suis à peu près en accord avec ce qui a été dit par mes collègues. Je tiens à féliciter Antoine Herth pour ce travail d'une remarquable précision, même si, pris dans un contexte uniquement nutritionnel et avec des considérations sur l'impact carbone, il peut paraître légèrement à charge. Mais ce n'est pas le but. Ce n'est pas non plus l'esprit de l'Office.

Il faut globaliser la réflexion. Comme le disait Gérard Longuet, il aurait peut-être fallu plusieurs publications. En matière d'impact carbone, on peut montrer du doigt l'élevage en général, qui a une forte empreinte. Je veux cependant aussi le voir dans la perspective de la ressource en protéines. J'ai réalisé pour le ministère de l'Agriculture, en 2019, un rapport sur la pêche en mer, qui s'intéressait à la ressource protéine marine. C'est une ressource aujourd'hui limitée : pillée en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie, dans nos départements et territoires d'outre-mer, mais surtout limitée.

La viande est une importante ressource de protéines, que ce soit la viande rouge ou la viande blanche – là, il s'agit de viande rouge. Je vais prendre le sujet dans la perspective de l'aménagement du territoire. J'ai passé quinze ans de ma vie dans une ferme, avec 250 têtes de blondes d'Aquitaine. J'étais conseiller général du canton, qui était le plus gros canton d'élevage de la Haute-Garonne. Lors des élections sénatoriales de l'été dernier, j'ai fait une petite enquête au cours de ma tournée du département. Il s'avère que dans la moitié sud du département de la Haute-Garonne, qui comprend des zones de montagne, des zones de piémont, ainsi que des zones de plaines et de coteaux, nous avons perdu au cours des vingt-cinq dernières années 50 % des surfaces d'estive et de pâturage. La principale raison est le renoncement de certains éleveurs, qui ne vivent plus de leurs revenus. Il faut vraiment de la passion pour être éleveur aujourd'hui. C'est un beau métier, mais c'est un métier prenant. Il n'y a pas de dimanches ni d'étés. Quand ce ne sont pas les étables à nettoyer, ce sont les clôtures à réparer, etc.

On constate un renoncement de jeunes, qui se sentent totalement stigmatisés par certaines organisations – comme les agriculteurs en général et les pêcheurs aussi maintenant. C'est grave. En montagne, il y a ce que l'on appelle le pastoralisme, cette interdépendance entre l'homme, le milieu et l'animal. Avec 50 % de la surface d'estive en moins, que se passe-t-il à la place ? De la ronce, du noisetier. Cela fait du taillis. Avec le réchauffement climatique, c'est la porte ouverte aux incendies, donc ces zones vont devenir impropres à la promenade, avec des conséquences touristiques très fortes. Donc si nous abandonnons l'élevage dans ces zones, nous nous dirigeons vers une catastrophe écologique, économique et humaine. Cela concerne plusieurs zones en France. La Haute-Garonne n'a pas l'apanage de ce type de problème. Il faut y réfléchir.

Une réponse a été apportée avec les premiers dossiers de méthanisation, qui ont été travaillés au début avec Sébastien Lecornu. Or ces dossiers n'en finissent pas et se heurtent à des complexités. Les ONG attaquent systématiquement tous les dossiers présentés. Les contrats de rachat de l'électricité ont été revus à la baisse. Ces projets qui étaient censés améliorer les revenus des éleveurs s'avèrent de plus en plus coûteux et difficiles à mener. C'est dommage car la méthanisation est un bon complément de l'élevage. Cela permet de produire de l'énergie, au lieu de dépendre de fournisseurs extérieurs et de faire des fosses à déjections. Cela paraissait tout à fait positif, à condition que ce soit maîtrisé, comme l'a dit Jean-Luc Fugit.

Nous ne pouvons pas laisser tomber l'élevage comme cela. On parle d'insectes et de protéines végétales, mais je pense que les gens ne sont pas prêts. J'ai eu une discussion avec des avocats de l'ONG Sea Shepherd, qui veut interdire la pêche purement et simplement. Allez raconter à des Polynésiens, à des Néo-Calédoniens pour qui c'est la seule ressource – ils vivent tous en bord de mer et ont un bateau pour pêcher dans le lagon – qu'il faut arrêter la pêche. C'est ridicule. Nous n'en sommes pas à ce point. Je pense qu'il faut regarder l'élevage avec peut-être plus de circonspection. Il faut essayer de trouver des solutions d'amélioration, peut-être diminuer les consommations. Le downsizing, je n'y crois pas. Si nous devons faire de petites vaches, il faudra en faire deux fois plus, parce qu'il y a tout de même un problème de rentabilité des élevages. Je crois qu'il existe des solutions plus rationnelles. La méthanisation en est une, de même que la maîtrise de certaines techniques, ainsi qu'une meilleure gestion de l'eau.

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