Intervention de Pauline Oustric

Réunion du jeudi 8 avril 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Pauline Oustric, présidente de l'association Après J-20 :

Merci beaucoup de donner la parole aux patients, surtout pour un sujet aussi important que le Covid long.

Je suis ingénieur en nutrition. Je finissais ma thèse sur le comportement alimentaire et l'obésité quand j'ai eu le Covid en mars dernier. Je n'ai malheureusement pas guéri, comme de nombreux patients. C'est pour cela que j'ai participé à la création de l'association Après J-20, association Covid long France. Elle porte le nom « Après J-20 » parce qu'on nous avait dit qu'au bout de vingt jours nous serions guéris, que ce serait fini. Or ce n'était pas le cas pour de nombreux patients.

Nous avons créé l'association en octobre 2020. Un peu plus de 700 adhérents nous suivent maintenant. L'association a pour but de fédérer et d'informer sur le Covid long. Je précise que c'est une demande des patients comme des médecins. Notre association collabore avec les patients, les médecins, les chercheurs et les institutions pour apporter un soutien aux patients et de la connaissance sur le Covid long.

Nous nous sommes formés en octobre et notre message principal était que le Covid-19 concerne tout le monde. Malheureusement, nous portons toujours le même message aujourd'hui. En effet, on parle souvent du Covid-19 pour dire qu'il y a des hospitalisations, des décès ou des cas asymptomatiques, mais c'est beaucoup plus nuancé que cela : il y a aussi tous les patients qui n'ont pas guéri, donc les patients Covid long. À présent, le Covid long est un peu mieux compris, même si la communication est encore insuffisante. Il a été reconnu par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et par la HAS avec qui nous avons collaboré pour écrire des réponses rapides sur le Covid long à destination des médecins généralistes.

Qu'est-ce que le Covid long ? Pour résumer en quelques mots, cela correspond à des symptômes prolongés, fluctuants et multisystémiques. Multisystémique signifie que cela touche plusieurs organes, plusieurs fonctions, et que les problèmes sont donc de nature respiratoire, cardiaque, neurologique, vasculaire, dermatologique, ORL, digestive, etc. Cet ensemble de symptômes caractérise le Covid long. Par « fluctuant » – c'est aussi ce qui est difficile pour les patients –, on entend le fait que les symptômes peuvent apparaître au début de la phase aiguë, disparaître puis revenir. Le Covid long, ce sont donc ces symptômes prolongés, fluctuants et multisystémiques qui se sont développés pendant la phase aiguë et qui apparaissent ou persistent après quatre semaines.

L'autre point important à mentionner est qu'un test positif – PCR ou sérologique – ne doit absolument pas être un prérequis pour poser un diagnostic de Covid long. Cela a été bien expliqué par la HAS dans sa recommandation, mais ce n'est pas encore bien compris par la population générale. Pourtant, nous savons maintenant qu'un test n'a de valeur médicale probante que s'il est positif. Quand il est négatif, cela ne veut pas forcément dire qu'il n'y a pas de Covid, et c'est pour cela que nous avons besoin d'une compréhension globale du Covid long, de manière prolongée, fluctuante et multisystémique pour diagnostiquer un patient. Cette précision est importante car cela a un impact sur les soins : beaucoup de patients n'ont pas accès aux soins du fait d'un test négatif. Je laisserai les médecins et les chercheurs l'expliquer bien mieux que moi, mais nous savons par exemple qu'en matière de sérologie, tout le monde ne développe pas d'anticorps et que ceux-ci peuvent disparaître avec le temps.

La question de la prévalence a quelque temps été posée : le Covid long est-il une maladie rare ? Ce n'est pas du tout une maladie rare ou franco-française, c'est un problème de santé mondial. L'OMS a déjà fait plusieurs réunions à ce sujet, auxquelles nous avons été conviés ; elle a parlé de millions de patients Covid long. Il est toujours compliqué de donner des chiffres de prévalence parce que les études actuelles se fondent sur des populations différentes. Mais l'on peut dire que 10 à 30 % des patients qui ont eu un test Covid positif ont une forme longue de la maladie.

Par ailleurs, nous ne parlons pas du Covid mais des Covid longs. Plusieurs phénotypes pourront être expliqués par la physiopathologie, malheureusement encore peu comprise, et des hypothèses existent, que Dominique Salmon présentera.

Pour finir sur la définition du Covid long, il est important de rappeler les symptômes, qui ont été bien étudiés en France et à l'étranger ; en France, par exemple, l'étude ComPaRe a identifié au moins 53 symptômes rapportés par les patients : fatigue terrassante – qui n'est pas juste une fatigue apparue parce que nous avons un peu travaillé, mais une fatigue empêchant de réaliser les actes du quotidien –, brouillard mental, soit l'impossibilité de penser clairement, maux de tête, pertes de mémoire, troubles thoraciques, tachycardies, diarrhées, douleurs articulaires, etc. Ce sont des symptômes multisystémiques et invalidants pour les patients.

S'agissant du ressenti des patients, donc la voix des malades, notre association recueille chaque jour des dizaines de témoignages sur nos différents réseaux sociaux et sur nos messageries électroniques. Nous avons classé ces témoignages sous trois thèmes caractéristiques de ce que les patients nous rapportent.

Le premier thème est l'impact de la gestion du Covid long sur le ressenti des malades. L'absence de reconnaissance et de soins, la mécompréhension du Covid long ont vraiment eu un impact sur les malades. Ceux-ci rapportent que la maladie est stigmatisée en problème psychique, qu'ils ne se sentent pas écoutés ni crus par les médecins, qu'ils ont un sentiment d'abandon, de perte de confiance, d'isolement. On leur dit que c'est dans leur tête parce que leur sérologie est négative. Ils font des dépressions. Je cite là ce que les patients nous rapportent. Il y a donc un vrai problème de compréhension de la maladie, qui sera remédiable par la recherche et par la découverte des causes de la maladie. Les patients rapportent ce manque de reconnaissance, cette errance médicale, cette sensation d'être des malades imposteurs, cette culpabilité d'être malades, même si le guide de la HAS a apporté un progrès ; malheureusement, il n'est pas connu de tous. Il faut donc accomplir un important travail de communication sur le Covid long, notamment sur ses fondements biologiques. Ce n'est pas du tout une maladie psychosomatique.

Le deuxième thème caractéristique est l'impact sur la santé physique et mentale. Le point commun à tous les témoignages est que le Covid long est un ensemble de symptômes prolongés invalidants. Évidemment, il existe des nuances, un prisme, une intensité variable selon les malades, mais beaucoup rapportent un réel handicap dans la vie de tous les jours, une réduction de leur autonomie, de leur force dans les activités quotidiennes. Par exemple, je cite : « si je veux prendre une douche mais que je sais qu'il peut y avoir un malaise post-douche, alors je ne prendrai pas de douche ». L'évocation d'un malaise post-effort revient souvent. Ce sont des malaises qui apparaissent directement après une activité cognitive ou physique et qui empêchent les patients de vivre normalement leur vie quotidienne.

Il existe aussi un impact sur la santé mentale. Des patients rapportent des troubles du sommeil, de l'anxiété, de la dépression, du stress, comme conséquence de la maladie, des symptômes invalidants et de l'errance médicale, du manque de compréhension vis-à-vis de leur entourage.

Enfin, la dernière catégorie de témoignages rapportés par les patients concerne les conséquences du Covid long sur la vie au travail, dans les études, auprès de leur famille, de leurs proches. Ils rapportent une précarisation. Beaucoup de patients ont perdu leur emploi. L'aspect financier, l'impact économique, est important du fait de l'incapacité à avoir une vie normale, physique ou cognitive. Cela impacte aussi la vie de famille, par exemple pour des parents qui sont fortement touchés et qui ont donc des problèmes pour s'occuper de leurs enfants, pour cuisiner, pour s'occuper des tâches quotidiennes. Ces personnes demandent par exemple des congés qui ne sont pas acceptés.

Enfin, demeure l'incertitude quant aux séquelles. Le fait que les symptômes du Covid apparaissent, reviennent, disparaissent, s'étendent sur le long terme – sur plus d'un an pour la plupart des Covid –, le fait qu'il n'y ait pas de visibilité sur l'évolution des symptômes, tout ceci crée une incertitude difficile à vivre pour la majorité des patients.

À présent que nous avons vu ce qu'est le Covid long en tant que maladie, avec ses symptômes fluctuants, multisystémiques et prolongés, et les plaintes des patients avec ces trois caractéristiques majeures, je vais vous parler rapidement des propositions qui nous paraissent importantes à partager en tant qu'association de patients. Ces propositions sont au nombre de quatre, et sont les objectifs de l'association : la reconnaissance du Covid long, la mise en place de soins pluridisciplinaires dans tous les territoires, une communication vers le grand public et le médecin, et le développement de la recherche sur la cause du Covid long.

Il nous paraît important que la reconnaissance soit concrétisée. Pour concrétiser ce qui a été commencé par le guide de la HAS, il faudrait par exemple instituer une « affection de longue durée (ALD) Covid long », qui a sa justification, parce que le Covid long est maintenant bien caractérisé. C'est une maladie longue durée qui nécessite un traitement coûteux et prolongé de plus de six mois. Obtenir une ALD permettrait de faciliter la prise en charge des soins et d'éviter la précarisation des personnes atteintes de Covid long. Je ne l'ai pas beaucoup mentionné, mais il y a aussi la reconnaissance du Covid long pédiatrique, qui malheureusement est peu connu actuellement, mais dont beaucoup de personnes, notamment des parents, nous rapportent l'existence.

Au niveau des soins, il est nécessaire d'avoir un parcours pluridisciplinaire mieux organisé. Nous espérons donc un parcours de soins pluridisciplinaires pour que le malade puisse aller voir son médecin généraliste. Nous souhaitons un médecin coordinateur avec des médecins spécialisés Covid long pour faciliter la prise en charge et le soin du Covid long.

Pour ce qui concerne la communication, c'est simple : il doit y avoir une communication globale vers le grand public, comme pour les vaccins et l'hospitalisation. Il faut aussi parler du Covid long, qui fait partie de l'image, de la compréhension globale du Covid. Cela permettrait d'en faciliter la compréhension chez les médecins et le grand public.

Pour la recherche, le plus important sujet de notre liste, il faut absolument des financements français spécialisés sur le Covid long, notamment sur la physiopathologie, pour expliquer d'où viennent les symptômes, pourquoi certains sont malades et pas d'autres, etc. C'est vraiment important, car tant que nous ne saurons pas cela, nous ne pourrons pas spécialiser les traitements.

L'Angleterre a décidé de consacrer 20 millions d'euros spécialement au Covid long, et les États-Unis 1,2 milliard d'euros. Il est essentiel que des financements soient aussi dégagés en France sur la physiopathologie du Covid.

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