Intervention de Olivier Robineau

Réunion du jeudi 8 avril 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Olivier Robineau, coordinateur de la stratégie Covid long de l'ANRS-maladies infectieuses émergentes :

Merci de m'avoir invité à cette table ronde. Mes collègues et les associations ont déjà développé largement les problématiques de l'audition. Toutes ces problématiques que nous avons plutôt abordées par le versant du soin se retrouvent également dans la recherche. Si nous résumons, il y a une grande hétérogénéité des symptômes et une grande hétérogénéité de patients.

Sur le plan épidémiologique, il est difficile d'avoir des chiffres fiables. De manière assez caricaturale, la littérature portant sur les patients ambulatoires, donc ceux qui n'ont pas eu besoin d'être hospitalisés initialement mais qui présentent des symptômes persistants, dénombre, selon les articles, entre 2,6 % et plus de 40 % de patients qui présentent encore des symptômes de trois à six mois après la fin de l'infection virale. Nous voyons donc une grande hétérogénéité, et cela dépend évidemment des populations étudiées et de la qualité du suivi des patients.

Sur ce dernier point, nous sommes dans une période pandémique marquée par un nombre très important de patients. C'est une maladie qui se superpose aux autres. Il est donc assez difficile d'organiser des suivis de qualité, surtout en médecine ambulatoire où il est beaucoup plus difficile de faire de la recherche qu'en médecine hospitalière.

Le premier enjeu consiste donc à définir l'impact de la pathologie étudiée sur la configuration du dispositif de recherche. En effet, nous ne créons pas les études de la même manière selon que nous avons affaire à une pathologie plutôt fréquente ou plutôt rare. Il faut également apprécier l'impact sur la prise en charge des patients, notamment sur ce que nous devons élaborer, de manière très pragmatique, pour mettre en place une prise en charge clinique multidisciplinaire – c'est absolument indispensable.

La deuxième hétérogénéité dont il faut tenir compte est la sévérité de la maladie. Nous avons raisonné pendant très longtemps sur la base d'une dichotomie entre les patients de ville et les patients hospitalisés, les deux catégories étant réputées différentes au regard de la maladie. Initialement, il est vrai que les patients de ville et les patients hospitalisés sont dans des configurations cliniques très différentes, mais il est probable qu'à terme, un certain nombre de symptômes et de conséquences à long terme seront reconnus comme étant communs.

Enfin, sur une maladie émergente et, surtout, ses conséquences, la recherche se déploie sur différents niveaux. Le premier est épidémiologique et cherche à savoir ce qui est associé à la pathologie et ce qui ne l'est pas. Cela nécessite d'étudier les patients et des individus en population générale, c'est-à-dire de comparer des personnes qui ont eu le Covid à d'autres ne l'ont pas eu ou qui ont eu une autre infection. En France, les équipes de recherche se sont efforcées d'utiliser les cohortes en population générale déjà existantes pour faire des études sur le Covid en ambulatoire ; ces cohortes intègrent des personnes qui ont été sélectionnées de manière à être représentatives de la population et qui sont suivies depuis des années. Certaines vont avoir le Covid. Nous allons donc pouvoir comparer, au sein de ces cohortes, chez des gens qui ont l'habitude de répondre à des questionnaires, un certain nombre de choses. C'est la première étape.

La deuxième étape consiste à s'intéresser spécifiquement aux gens qui ont eu le Covid pour essayer de comparer ceux qui ont fait une forme courte et ceux qui se plaignent de symptômes qui persistent au-delà d'une certaine durée. Cela peut éventuellement être fait en cohorte de population générale, mais également à partir d'un suivi de patients. Ce suivi est beaucoup plus « facile », parce qu'une infrastructure technique le permet chez les patients hospitalisés, surtout dans les hôpitaux universitaires, avec des équipes de recherche, des personnels formés à la collecte de données, etc. Il est plus difficile à réaliser en ville.

Une fois que les patients ont été définis, il faut les comparer sur des critères autres que l'épidémiologie pure, notamment sur les facteurs de risque clinique. Nous savons que, par exemple, pour les formes graves, l'obésité est un facteur de risque majeur. Une fois que l'on a passé ces étapes d'analyse sur les données cliniques, sur les antériorités, l'âge, les données sociodémographiques, etc., il faut aller plus loin dans l'exploration des différentes hypothèses, telles que celles qu'a évoquées Dominique Salmon : les troubles fonctionnels, l'inflammation persistante, le virus persistant, etc., tout en sachant qu'elles ne sont pas forcément exclusives. Cela nécessite de suivre des patients montrant un groupe de symptômes particuliers pour créer une homogénéité. Il faut rappeler que le grand problème en recherche est l'hétérogénéité des patients. Faire des recherches de qualité suppose de trouver des patients similaires pour les comparer à des patients un peu différents, afin de voir quelles sont les différences. C'est difficile. Les recherches fondamentales à réaliser sont d'ordre physiopathologique, autour des cellules et de l'inflammation dans le sang. Elles sont également cognitives, neurologiques et psychiatriques, grâce à des questionnaires formalisés, réalisés auprès du patient. Tout cela demande du temps, et évidemment beaucoup d'argent.

Nous avons parlé de la recherche sur la causalité épidémiologique, puis fondamentale. La recherche se veut aussi thérapeutique, parce qu'évidemment les patients sont en demande de solutions, ainsi que les médecins. Nous sommes à vrai dire extrêmement désarmés face à la pandémie. Les corticoïdes sont efficaces pour les patients hospitalisés mais, globalement, à l'heure actuelle, l'arsenal thérapeutique contre cette pathologie est pauvre.

Pour les personnes qui présentent des symptômes persistants, il s'agit de savoir si un médicament va agir et, surtout, de manière très pragmatique, s'il existe une prise en charge efficace. Il faut faire de la recherche sur ce que nous connaissons déjà et sur ce que nous pouvons déjà utiliser – je pense notamment à la prise en charge multidisciplinaire – et évaluer quels sont les parcours de soins efficaces pour améliorer la condition des patients et quels sont ceux qui ne le sont pas.

Pour aller plus loin sur l'axe thérapeutique, au sens médicamenteux, il faut d'abord voir une cause physiopathologique pour comprendre le mécanisme sur lequel on peut éventuellement jouer. Mais avant tout, de manière pragmatique, l'évaluation qui fait du bien à tous les patients est la prise en charge pluridisciplinaire.

Voilà l'état de la recherche : différentes strates s'imbriquent sur la recherche fondamentale et épidémiologique. Une recherche très pragmatique est aussi urgente pour améliorer au plus vite le sort des patients, pour trouver des solutions avec les moyens que nous connaissons déjà.

En France, depuis le début du Covid, beaucoup de projets ont été financés, dont plus de 80 grâce aux appels d'offres publics. Parmi eux, deux ou trois de manière directe, une dizaine au moins de manière indirecte, ont un volet relatif aux conséquences du Covid-19 à long terme. Voilà où nous en sommes. Pour ce qui est de la recherche thérapeutique, deux essais randomisés sont en cours d'élaboration ou vont débuter sur l'évaluation des prises en charge multidisciplinaires chez ces patients. Nous en espérons au moins deux autres à moyen terme.

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