Ce sont des auditions très éclairantes sur un sujet qui est désormais une réalité et qui a mis du temps à être considéré comme tel. Il était important pour nous de faire le point sur Covid long, même si nous n'en sommes qu'au début de la connaissance.
Concernant le filtre des cohortes et le filtre hospitalier, vous avez bien expliqué que la gravité des symptômes dans la phase infectieuse n'est pas en relation directe avec l'apparition du Covid long. Certaines personnes ont été testées positives et sont suivies en ambulatoire, mais n'appartiennent pas pour autant à une cohorte. J'aimerais savoir ce qui empêche de mettre en place une telle cohorte, dans la mesure où les tests positifs sont tous enregistrés via le dispositif SI‑DEP, auquel l'AP-HP a d'ailleurs participé. Qu'est-ce qui empêche de constituer une cohorte, ou de procéder à un échantillonnage représentatif en médecine générale et de mettre en place un questionnaire similaire à celui qui est utilisé auprès des patients hospitalisés ? Est-ce un problème financier ? Nous ne pouvons pas faire l'impasse sur cette question financière, dans la mesure où le Royaume-Uni et les États-Unis ont commencé à investir massivement, probablement pour faire face aux conséquences financières du Covid long, qu'elles résultent de dépenses de santé directement ou d'une désorganisation sociale et économique du fonctionnement du monde du travail. La France semble avoir engagé un certain nombre d'études, mais il demeure un « blanc » important alors que d'autres pays ont pris de l'avance.
La qualification du Covid long comme ALD est une question administrative, mais cela pourrait compter beaucoup dans la reconnaissance sociale de la pathologie. Je rappelle que la reconnaissance en maladie professionnelle est conditionnée au recours à l'oxygénothérapie. Or, manifestement, cette nécessité ou non de l'oxygénothérapie en phase aiguë n'a aucun lien avec la complexité et la gravité du Covid long. Considérez-vous que le Covid long peut être reconnu comme une maladie professionnelle ? Par ailleurs, considérez-vous que le critère d'oxygénothérapie reste une condition légitime de la reconnaissance comme maladie professionnelle ?
L'âge a été évoqué comme facteur de risque. Vous avez mis en évidence, certes sur une cohorte particulière, le fait que les femmes étaient beaucoup plus touchées que les hommes. Cette cohorte est-elle représentative ? Ce phénomène est-il observable aussi pour les autres syndromes post-viraux ? Dans l'évaluation des symptômes neurologiques et psychologiques – tout cela est lié – pouvons-nous isoler la part liée à un syndrome post-traumatique ? Certains n'ont pas vécu le traumatisme physique et réel de la maladie aiguë, mais la situation de crise épidémique est vécue comme un traumatisme par un grand nombre. En d'autres termes, ne sommes-nous pas, finalement, sur une origine multiple, dont la dimension mentale et psychologique serait prégnante ? Avons-nous des études qui s'intéressent à cette dimension ?
Un certain nombre de maladies sont qualifiées de psychosomatiques, souvent celles que nous parvenons plus ou moins bien à caractériser. Ces maladies n'ont-elles pas, en fait, une origine bien réelle dont les mécanismes chimiques, biologiques, physiques et autres seront probablement objectivés plus tard ? La pandémie actuelle ne permet-elle pas de montrer que de nombreuses maladies sont mises dans le grand fourre-tout du « psychosomatique » alors que nous ne les avons pas encore identifiées dans leur réalité pathologique ?