Intervention de Dominique Salmon-Céron

Réunion du jeudi 8 avril 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Dominique Salmon-Céron, présidente du groupe de travail sur le Covid long à la HAS :

Il y a beaucoup de questions sur l'ALD et la reconnaissance en maladie professionnelle. Le Covid long ne fait pas partie des 30 maladies reconnues comme ALD. Toutefois, les médecins peuvent demander un classement en longue maladie, puisque le Covid long répond au critère d'une maladie grave avec des conséquences handicapantes. Je pense que ce n'est pas suffisamment connu des médecins et reconnu par les caisses d'assurance maladie. Pourtant, cette possibilité existe et il est important de l'utiliser dans un premier temps, avant que le Covid ne soit peut-être un jour susceptible de donner lieu à une prise en charge en ALD ou reconnu comme maladie professionnelle.

Je pense que ce dernier point relève plutôt de la loi. Pour l'instant, la reconnaissance comme maladie professionnelle est conditionnée au recours à l'oxygénothérapie. C'est beaucoup trop restrictif. Certains patients ont maintenant un an de recul. Ils ne peuvent plus reprendre leur travail, ils ont une maladie professionnelle avérée – avec anticorps ou pas – qui n'est pas reconnue par leur médecin du travail. Les conséquences sont absolument majeures. Ils doivent reprendre à tout prix leur travail, fût-ce à temps partiel, ou se mettre en disponibilité, ou prendre une retraite anticipée. Il est urgent de pouvoir reconnaître ces patients en maladie professionnelle et que les médecins experts reconnaissent qu'une grande partie de ces patients n'ont pas d'anticorps – cela a été intégré dans les recommandations de la HAS : il est possible d'avoir avoir un Covid long avec ou sans anticorps. Malgré tout, je vois beaucoup de collègues médecins experts déboutant les patients au bout d'un an en leur disant que ce n'est pas reconnu. Il faut donc faire un effort important pour changer de vision.

Nous avons tout de même des approches thérapeutiques, mais sur une base symptomatique : nous pouvons donner des traitements liés aux symptômes. Par exemple, nous voyons une gastrite, nous traitons la gastrite ; nous voyons une inflammation majeure, nous donnons des anti-inflammatoires comme l'aspirine. Nous traitons aussi par rééducation, c'est extrêmement important. En fait, notre cerveau est extraordinairement plastique et même si des zones dysfonctionnent, la rééducation est très efficace : rééducation de l'olfaction, pour ceux qui ont des troubles de l'odorat ; rééducation neuropsychologique, beaucoup plus longue, mais elle marche bien aussi ; rééducation par le sport ; rééducation d'un syndrome d'hyperventilation. S'agissant de cette dernière, les patients n'arrivent plus à respirer, n'utilisent plus leurs muscles diaphragmatiques et leurs muscles respiratoires principaux mais des muscles accessoires. En 20 séances, ils réapprennent à respirer. La rééducation est le deuxième pilier de traitement.

Le troisième consiste à apprendre au patient à reconnaître sa maladie et à éviter les situations qui le mettent en danger. Il faut qu'il sache, par exemple, que s'il fait du sport de façon trop intensive, cela va être contreproductif. Il faut qu'il sache reconnaître les situations lui permettant d'éviter les exacerbations.

La prise en charge psychologique est également importante. Beaucoup de patients sont anxieux, possiblement en raison de leur situation, et ils ont besoin d'une telle prise en charge psychologique, parfois accompagnée de médicaments, antidépresseurs, anxiolytiques, qui d'ailleurs peuvent agir au niveau du cerveau et du système nerveux autonome par d'autres mécanismes que les mécanismes classiques.

Ces méthodes ne sont pas complètement satisfaisantes. Nous voudrions tous avoir un traitement antiviral comme l'Aciclovir, et que les gens soient contrôlés. Mais dans l'attente de traitements efficaces, les quatre approches que je viens de mentionner sont synergiques.

Pour répondre à Mme Lassarade, tout est à faire en pédiatrie. Les enfants ne se plaignent pas. Ce sont les parents qui remarquent qu'ils ont changé, qu'ils ne sont pas bien, qu'ils ne suivent plus à l'école ; de leur côté, les professeurs s'aperçoivent que les enfants ont décroché. Je suis médecin adulte, je vois que des jeunes âgés de 15 ou 16 ans sont devant le tableau et n'arrivent plus à comprendre une leçon de philosophie ou à faire leur devoir d'espagnol. Ils sont tout de suite taxés d'enfants déprimés et adressés aux psychiatres. Je pense que, comme nous l'avons fait pour les médecins des adultes, les pédiatres doivent mettre en place des cohortes de patients pour essayer de lever l'ambiguïté entre des troubles psychologiques liés au stress post-traumatique – c'est possible, il en est énormément question – et les cas plutôt liés à des Covid longs.

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