Intervention de Bernard Doroszczuk

Réunion du jeudi 27 mai 2021 à 8h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire :

‑ Ce sont encore des projets papier correspondant à des conceptions très différentes. Cela va de micro-SMR de très faible puissance, d'1 mégawatt par exemple, à des réacteurs de 300 mégawatts. La gamme est très large, de 1 à 300 mégawatts. Ce peuvent être des SMR à eau sous pression – c'est notamment le cas du projet français et du projet américain. Ce peuvent être des SMR à sels fondus, au plomb, au sodium. On voit un foisonnement de concepts extrêmement variés.

Dans le monde, on recense à peu près 70 projets. Très peu sont à un stade avancé. C'est le cas notamment aux États-Unis et en Chine, mais cela se compte sur les doigts de la main. À ma connaissance, un seul SMR est en exploitation, sur une barge flottante en Russie.

Un premier SMR d'une puissance de 120 mégawatts a été homologué par les autorités de sûreté américaine et canadienne. Il pourrait entrer en service en 2029.

Un consortium français constitué d'EDF, du CEA, de TechnicAtome et de Naval Group travaille sur un projet de SMR de 170 mégawatts. Ce consortium vise essentiellement, à ce stade, le marché étranger de remplacement des centrales au charbon ou au gaz. Il envisage de construire en France un démonstrateur qui permettrait de valider les concepts.

Les SMR présentent-ils des avantages significatifs en matière de sûreté ? C'est effectivement le cas, en tout cas au vu des discussions avec nos homologues au niveau international – Olivier Gupta évoquait WENRA. Ces petits réacteurs modulaires présentent, tout d'abord, une capacité intrinsèque de sécurité ou de sûreté passive : en cas d'accident, une intervention humaine et des sources d'énergie externes ne sont pas nécessaires pour maintenir leur niveau de sûreté.

Ensuite, ce sont des réacteurs de petite puissance. La puissance à évacuer en cas d'accident est donc plus faible. Le projet français pourrait conduire à un petit réacteur qui fonctionnerait sans bore. Le bore est un poison utilisé dans la conduite des réacteurs, surtout en situation accidentelle, pour réduire les effets de radioactivité et d'emballement du réacteur. L'absence de bore permet d'éviter les accidents de dilution et limite la production d'effluents, puisque le bore est aussi utilisé pour faire fonctionner le réacteur en situation normale. La sécurité passive, une puissance résiduelle moindre à évacuer et un fonctionnement sans bore pourraient constituer des avantages significatifs à considérer en cas de renouvellement du parc nucléaire, surtout pour des durées de soixante à quatre-vingts ans. Ces SMR présenteraient l'avantage de ne pas être exposés au risque de rejet en cas d'accident. C'est un aspect fondamental de ces réacteurs modulaires de petite taille.

Il reste encore beaucoup d'étapes à franchir. Tout cela est encore assez théorique, à l'état de papier. Les projets ne sont pas encore au stade des études. De nombreuses hypothèses de conception restent donc à valider, un certain nombre de verrous technologiques sont encore à lever et il faudra vraisemblablement des outils de calcul spécifiques, certainement des maquettes représentatives, pour pouvoir valider les différentes options. Il faut donc rester prudent. Sur le papier, le concept des SMR paraît très intéressant. Si c'est avéré, c'est certainement une option à mettre sur la table dans une réflexion à moyen terme sur le nucléaire, compte tenu de l'avantage que représente l'absence de risque de rejet en cas d'accident. Mais il reste beaucoup de travail.

Le dernier avantage des SMR est leur conception d'ensemble. Ces réacteurs seraient enterrés ou semi-enterrés, ce qui conférerait à l'installation une robustesse supérieure face à des risques d'agression, notamment la chute d'avion et les risques d'attentat. Voilà en ce qui concerne les avantages de ces réacteurs.

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