Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
Jeudi 27 mai 2021
La réunion est ouverte à 8 h 40.
Examen des conclusions de l'audition publique sur les enjeux de la recherche polaire (Huguette Tiegna, députée, et Angèle Préville, sénatrice, rapporteures)
. – Nous examinons les conclusions de l'audition publique sur les enjeux de la recherche française en milieu polaire avec nos deux rapporteures, Huguette Tiegna et Angèle Préville.
. – L'audition publique sur la recherche française en milieu polaire s'est tenue le 6 mai 2021, quelques semaines avant la 43e Réunion Consultative du Traité sur l'Antarctique et de la 23e réunion du Comité pour la protection de l'environnement antarctique, mis en place par le Protocole de Madrid de 1991 qui a ajouté, à l'initiative de la France et de l'Australie, un volet environnemental au Traité sur l'Antarctique. Ces réunions seront présidées par la France et auront lieu du 14 au 24 juin 2021.
L'objectif de cette audition était d'actualiser les connaissances de l'OPECST, qui a déjà eu l'occasion de se pencher sur la recherche française en milieu polaire à travers plusieurs rapports publiés entre 2007 et 2011. La première table ronde portait sur la logistique mise au service de la recherche en milieu polaire et sur les enjeux de la coopération internationale. La seconde table ronde traitait du rôle de la recherche polaire pour comprendre les enjeux de notre planète.
Les pôles font l'objet d'un regain d'intérêt, compte tenu de leur rôle clé dans le système climatique et la protection de la biodiversité. Le réchauffement climatique ouvre de nouvelles perspectives économiques au pôle Nord, qui attisent les convoitises, tout en créant de nouvelles menaces sur des écosystèmes particulièrement vulnérables, menaces qui affectent à leur tour l'ensemble de notre planète.
Les pôles sont des territoires contrastés. L'Antarctique est un continent plus grand que l'Europe entouré par l'océan Austral, ouvert sur le large. L'Arctique est un océan entouré de continents, objet de convoitise de plusieurs pays, notamment les États‑Unis, par le biais de l'Alaska, le Canada, le Danemark par le biais du Groenland, la Norvège et la Fédération de Russie. L'Antarctique n'a pas de population permanente, à l'exception de quelques centaines à quelques milliers de chercheurs. En Arctique, les enjeux économiques sont importants, notamment en raison de sa richesse en pétrole, en gaz et en minéraux ainsi qu'en ressources forestières et halieutiques. Le tourisme constitue également une voie de développement économique. Les Chinois sont très présents sur ce secteur en Antarctique.
Au‑delà de cette présence humaine liée aux richesses en ressources naturelles des pôles et au tourisme, il existe d'autres enjeux environnementaux qui ont été décrits au cours de cette audition. Ils sont liés à la fragilité des écosystèmes polaires, particulièrement affectés par le réchauffement climatique ou la pollution transportée par les océans.
C'est la raison pour laquelle la France souhaite profiter de la réunion consultative du traité qu'elle présidera pour proposer la création d'aires marines protégées en Antarctique Est, sur une surface de quatre millions de kilomètres carrés.
Cette initiative se heurte toutefois à des enjeux géopolitiques et certaines parties prenantes, notamment la Russie et la Chine, restent encore à convaincre du bien‑fondé de cette proposition.
. – Je vais parler de la recherche polaire, dont les enjeux dépassent très largement le cadre polaire. La recherche en milieu polaire joue d'abord un rôle clé pour comprendre le réchauffement climatique, à travers la recherche sur les calottes glaciaires. Dans ce domaine, la France a une expertise reconnue et recherchée. Les calottes glaciaires sont les mémoires du climat passé. Catherine Ritz a expliqué que les carottages permettaient d'analyser des glaces vieilles de plus de 800 000 ans. De cette manière a été démontrée l'existence de cycles de périodes chaudes et de périodes froides, corrélés à des alternances de valeurs hautes et de valeurs basses de méthane et de dioxyde de carbone. Ces recherches ont également permis d'établir que sur 800 000 ans, la variation était quasiment régulière alors que récemment, les quantités de dioxyde de carbone observées sortent complètement du cadre établi jusque‑là. Cela indique que nous nous trouvons dans un moment très particulier en matière de réchauffement climatique.
Les calottes glaciaires sont également des éléments actifs du système climatique, notamment à travers leur rôle dans l'élévation du niveau des mers. Catherine Ritz a rappelé que les glaces de l'Antarctique et du Groenland constituent d'énormes réserves d'eau douce, représentant respectivement 60 mètres et 6 mètres de hausse possible du niveau des mers. D'ici 2300, ces calottes glaciaires vont perdre une fraction de leur glace, ce qui va conduire à une élévation du niveau de la mer de plusieurs mètres. Les observations confirment que ce phénomène a déjà débuté et que les sociétés humaines vont donc être impactées. Jérôme Chappellaz a rappelé que les deux tiers de l'Humanité vivent à moins de 100 kilomètres des côtes. Cela constitue donc un problème important que nous devons regarder en face. Catherine Ritz a néanmoins souligné les incertitudes qui entourent ces prévisions et a insisté sur la nécessaire poursuite des recherches, en se fondant à la fois sur les observations satellitaires, les modélisations et les observations de terrain.
La scientifique Marie‑Noëlle Houssais a évoqué les recherches sur les océans polaires. Elle a expliqué le rôle majeur des océans, en particulier de l'océan Austral, dans le système climatique. Ils interviennent dans l'absorption de l'énergie solaire – entre 1971 et 2018, les océans ont absorbé 90 % de l'excédent d'énergie de l'atmosphère – dans l'absorption des émissions de dioxyde de carbone d'origine anthropique et dans la circulation océanographique globale. On parle du « tapis roulant » de la circulation océanique qui tend à transformer les eaux de surface qui sont chaudes en une circulation profonde, beaucoup plus lente et froide. Cette circulation est activée aux pôles, qui sont le siège de cette transformation. Les modélisations montrent actuellement une amplification du ralentissement de cette circulation, dans un scénario qui prend en compte la fonte du Groenland. La fonte des glaces polaires a donc un impact très fort sur les mécanismes de transformation qui entretiennent cette circulation océanographique globale et elle aura donc des effets probables sur le climat, notamment sur le climat de la France.
La recherche polaire est aussi à l'origine d'innovations technologiques et biomédicales majeures. Parce que les régions polaires sont des régions hostiles, soumises à des conditions climatiques extrêmes et difficiles d'accès, des avancées technologiques ont été mises en place pour s'adapter à ces milieux extrêmes, notamment en termes d'automatisation, d'autonomie de capteurs et de technologies de communication.
Le Protocole de Madrid interdit toute dégradation de l'environnement antarctique et soumet toute activité, dont l'activité scientifique, à une étude d'impact environnementale préalable. Afin de respecter cette contrainte, le développement des technologies est indispensable, que ce soit pour réduire l'empreinte écologique des infrastructures (par l'installation de panneaux solaires, d'éoliennes, ou la gestion des eaux usées), ou pour limiter les effets nocifs des expérimentations qui sont menées, dans le cadre de l'observation des animaux. À cet égard, Yan Ropert‑Coudert a montré que les enjeux sont doubles : ne pas faire souffrir les animaux et éviter de mesurer des paramètres qui seraient faussés par la démarche scientifique.
Yvon Le Maho a rappelé que les chercheurs français ont été pionniers dans l'utilisation de puces RFID pour la radio‑identification des animaux dans leur milieu naturel. Ces puces ne pesant qu'un gramme et ne contenant pas de batteries peuvent être implantées sous la peau des manchots. Contrairement au baguage d'ailerons, qui était utilisé jusque‑là, elles n'entraînent pas de gêne hydrodynamique pour ces animaux. On a en effet pu mettre en évidence les effets désastreux de la gêne hydrodynamique provoquée par le baguage précédemment utilisé.
Yan Ropert‑Coudert a présenté la révolution technologique que représente le bio‑logging pour le suivi des animaux, mais également pour d'autres domaines scientifiques. L'équipement des animaux avec des appareils d'enregistrement miniaturisés permet de suivre leurs déplacements, de reconstituer leurs activités et d'obtenir des informations sur divers paramètres. Étendu à plusieurs espèces clés, le bio‑logging fournit des informations sur leur localisation et les zones dans lesquelles ils se nourrissent, ce qui permet d'identifier les zones écologiquement riches en proies variées et donc importantes à protéger. L'observation des animaux peut donc nous aider à délimiter les futures aires marines protégées. Le bio‑logging permet aussi d'utiliser certains prédateurs pour faire des mesures, par exemple des éléphants de mer qui parcourent des distances très importantes et plongent jusqu'à 2 000 mètres, et recueillir des informations sur la température, la salinité de l'eau, la concentration en chlorophylle, l'état des ressources trophiques, etc. D'après Yan Ropert‑Coudert, 80 % des profils océanographiques, au sud des 60 degrés, sont échantillonnés par les phoques austraux.
J'en viens maintenant à une innovation biomédicale à travers l'exemple de la sphéniscine. Yvon Le Maho a insisté sur le rôle de la recherche polaire dans le développement d'innovations biomédicales et a cité cet exemple emblématique. Les manchots royaux assurent généralement la dernière phase de l'incubation en conservant de la nourriture dans leur estomac qu'ils donnent aux poussins. Cette nourriture n'a pas été digérée et est restée intacte, en dépit d'une température corporelle de 38 degrés Celsius. Cette conservation a donc été observée, et la présence d'un peptide dans l'estomac du manchot a été décelée, la sphéniscine. Cette molécule, antibactérienne avérée et efficace contre les agents de certaines maladies nosocomiales, telles l'aspergillose et le staphylocoque doré, pourrait se substituer aux antibiotiques face à l'antibiorésistance croissante constatée actuellement, mais également en raison de la mauvaise efficacité des antibiotiques en milieu salin. C'est le cas notamment pour les infections oculaires. Par ailleurs, la sphéniscine pourrait être utilisée pour la conservation des aliments.
La recherche en milieu polaire offre également des outils précieux pour la décision politique. Comme l'a fait remarquer Sabine Lavorel, la recherche polaire en sciences juridiques et politiques porte sur des thématiques stratégiques telles que les enjeux géopolitiques ou les enjeux liés à la protection de l'environnement. En matière d'enjeux géopolitiques et de relations internationales, Sabine Lavorel a décrit plusieurs des thèmes abordés par la recherche polaire.
L'un des sujets est celui de l'analyse des coopérations internationales : la diplomatie polaire est devenue un instrument privilégié par certains États pour influencer les relations internationales en leur faveur, par des moyens autres que coercitifs ( soft power ), et pour renforcer la légitimité de leur action internationale. L'analyse de la gouvernance des pôles à travers cette question pose le problème plus général de la gestion des biens communs, c'est‑à‑dire des espaces non appropriés qu'il faut gérer collectivement, comme c'est le cas pour l'Antarctique, dans le but de les préserver et de les pérenniser. Il s'agit des forêts, des rivières, de l'atmosphère. Ce sujet rejoint celui de la gouvernance de l'espace extra‑atmosphérique, qui va constituer une nouvelle frontière.
L'analyse des enjeux de puissance autour des pôles constitue un autre thème d'investigation. L'ouverture de nouvelles voies maritimes dans l'océan Arctique et un accès facilité aux ressources minérales du Grand Nord entraînent la résurgence de tensions internationales. En Antarctique, de nouvelles puissances, telles que la Chine, émergent, alors qu'elles n'étaient traditionnellement pas des puissances polaires et pourraient chercher à remettre en cause le fonctionnement multilatéral du traité de l'Antarctique.
Enfin, la recherche polaire s'intéresse à l'analyse des enjeux de défense et de coopération militaire : le Traité sur l'Antarctique interdit toute présence militaire, mais cette région devient une zone stratégique pour les intérêts de défense, notamment à travers la rhétorique sur l'axe indopacifique.
En matière d'environnement, les activités touristiques sont un sujet pour les recherches polaires, ainsi que la bio‑prospection ou encore la géo‑ingénierie. L'apparition de nouveaux risques environnementaux, au cours des dernières décennies, a entraîné un renouvellement de ces recherches qui concluent à l'insuffisance les dispositifs juridiques actuels face aux nouveaux risques. L'essor des activités d'extraction a des répercussions particulièrement néfastes sur les sociétés humaines qui avaient su, pendant des millénaires, conserver ces environnements fragiles intacts.
Alexandra Lavrillier a rappelé qu'environ 100 millions de personnes étaient concernées par les recherches en zone arctique, en tenant compte de l'Arctique et du Subarctique, dont 110 peuples autochtones. Les chercheurs s'intéressent aux mécanismes juridiques nécessaires pour protéger les droits et les modes de vie spécifiques des populations autochtones. Au‑delà des peuples de l'Arctique, ces recherches posent la question du principe de la protection des droits des peuples autochtones, quel que soit le continent sur lequel ils vivent.
. – Le troisième volet de notre rapport concerne la position de la recherche française sur les pôles compte tenu des moyens insuffisants qui lui sont attribués.
Lors de l'audition, il a été insisté sur le fait que la France a été à la pointe de l'exploration et de l'étude des terres du Grand Nord et du Grand Sud. Elle fait partie des rares nations scientifiques à être présente dans les pôles des deux hémisphères, ainsi que dans les territoires subarctiques, et elle compte parmi les grands acteurs polaires. Néanmoins, son statut est menacé aujourd'hui, en raison d'un sous‑investissement chronique, à la fois dans la recherche et dans les opérations de logistique que cette recherche nécessite, mais également faute d'une stratégie globale à long terme.
Lors de l'audition, Olivier Poivre d'Arvor a rappelé les célèbres noms d'explorateurs que nous avons chacun pu connaître à travers nos études. Mais aujourd'hui, l'enjeu majeur concerne la présence française dans les pôles, les moyens humains, financiers et logistiques mis en œuvre. En Arctique, la France partage avec l'Allemagne une station de recherche scientifique, dans l'archipel de Svalbard, ce qui lui permet de participer, en tant qu'observateur, au Conseil de l'Arctique. Cette coopération internationale exige bien sûr des moyens et nous constatons que ceux mis à la disposition de la recherche française ne sont pas toujours à la hauteur de ses ambitions.
Certes, l'excellence de la recherche française est reconnue internationalement. Comme en témoignent les chiffres avancés par Charles Giusti, elle est au premier rang mondial pour la production d'articles scientifiques sur le subantarctique, au cinquième rang pour la production d'articles scientifiques sur l'Antarctique et au deuxième rang pour les index de citations d'articles. La recherche française en sciences sociales et humaines subarctique et arctique a une longue tradition en anthropologie, en linguistique, en littérature, en géographie.
Aujourd'hui, la recherche française peut s'appuyer sur des bases de données anciennes inestimables qui nous permettent d'innover, de mieux connaître l'histoire de notre Terre ainsi que les enjeux futurs afin d'agir pour sauver la biodiversité des pôles.
Concernant la stratégie polaire de la France, notre pays est distancé sur un certain nombre de sujets au regard de l'insuffisance chronique des financements et de moyens logistiques qui atteignent désormais leurs limites. Les personnes auditionnées ont rappelé que l'IPEV est chargée des infrastructures et de la logistique, en lien avec l'administration des Terres australes et antarctiques françaises. Toutefois, son budget annuel de 16 millions d'euros apparaît beaucoup trop faible. Les comparaisons internationales confirment l'inadéquation de ce budget par rapport à ses missions. Ainsi, le budget de l'agence italienne s'élève à 23 millions d'euros, ou, plus précisément à 18 millions d'euros si on extrait les financements dédiés aux laboratoires de recherche situés en Italie, afin de mieux le comparer au budget de l'IPEV. Le budget du service logistique de l' Alfred Wegener Institute, l'Institut allemand, pour les missions polaires, est de 53 millions d'euros et celui de l' Australian Antarctic Division est de 88 millions d'euros. Le budget de fonctionnement de l'IPEV n'apporte pas assez de marges de manœuvre en cas d'imprévus. Enfin, avec un budget d'investissement de 2 millions d'euros par an, l'IPEV est dans l'incapacité de financer ses investissements, pourtant indispensables compte tenu de la vétusté de certaines installations, de la nécessité de réduire leur impact environnemental et du développement des technologies. À terme, les contraintes budgétaires imposées à l'IPEV pourraient remettre en cause les partenariats historiques noués entre la France et d'autres grandes nations polaires comme l'Allemagne, l'Italie et l'Australie.
L'enjeu majeur aujourd'hui concerne l'investissement dans la logistique. Notre recherche est handicapée par l'absence de brise‑glace de recherche. Olivier Lefort a expliqué que la Flotte océanique française fait partie des trois premières flottes océaniques européennes et des cinq premières flottes mondiales. Elle est composée notamment de quatre navires hauturiers, dont le Marion Dufresne, propriété des TAAF, mais qui est sous‑affrété 217 jours par an par l'Ifremer, pour réaliser des missions océanographiques, principalement au sein de l'océan Austral. Toutefois, la Flotte océanographique française ne comporte pas de brise‑glace permettant de réaliser des campagnes océaniques dans les zones polaires. Même si la coopération internationale permet à la France d'utiliser des brise‑glaces pour des périodes limitées, l'absence de brise‑glace de recherche fait de la France une exception par rapport à d'autres nations polaires comparables comme l'Allemagne, l'Italie, le Royaume‑Uni et l'Australie. Les pistes évoquées et envisagées pour pallier cette difficulté sont notamment un partenariat entre l'Ifremer et l'Université de Laval. Les Canadiens profiteraient des navires océanographiques français en Atlantique Nord et la communauté de recherche française accèderait au brise‑glace canadien Amundsen pendant deux ou trois semaines par an environ.
Le sous‑dimensionnement des moyens logistiques attribués à la recherche française polaire est étroitement lié à l'absence de stratégie globale arrêtée au plus haut niveau. Cette absence de stratégie nationale a également des répercussions négatives sur le financement de la recherche. Jérôme Chappellaz a rappelé que les financements pour la recherche en milieu polaire étaient assez disparates, tout en insistant sur le rôle fondamental des financements européens. Sabine Lavorel a regretté le peu de visibilité de la recherche polaire française en droit et en sciences politiques, en l'absence de laboratoire de recherche dédié à ces thématiques. Au niveau international, la participation des scientifiques français à des groupes de travail est limitée, faute d'un nombre suffisant de chercheurs spécialisés dans ces disciplines, ce qui affaiblit le poids de la France dans la préparation des décisions.
Dans ce contexte, avec Angèle Préville, nous formulons des recommandations afin d'insuffler une nouvelle dynamique à la recherche française en milieu polaire. Nous espérons qu'à l'occasion de la présidence française de la RCTA, il sera possible d'obtenir des crédits supplémentaires permettant d'atteindre un niveau de financement équivalent à celui de nos homologues internationaux, voire supérieur.
Cette audition publique a rappelé l'importance des pôles au regard des enjeux économiques, géopolitiques et environnementaux, décisifs pour l'avenir de notre planète. La recherche scientifique en milieu polaire est fondamentale à un double titre. Non seulement elle joue un rôle clé dans la compréhension des enjeux mentionnés précédemment, mais elle est la condition nécessaire pour participer à la gouvernance des pôles. Par conséquent, au‑delà de son impact négatif sur le maintien de l'excellence de la recherche française en milieu polaire, le décrochage de la France par rapport aux autres nations polaires fragilise le rôle qu'elle souhaite jouer, à la fois dans la protection environnementale des pôles et dans la défense de ses intérêts stratégiques.
. – Les propositions que nous faisons s'inscrivent dans la logique des constats qui viennent d'être détaillés par Huguette Tiegna. Il s'agit d'abord de renforcer les moyens logistiques et financiers de la recherche et d'augmenter les moyens humains et financiers de l'Institut Paul‑Émile Victor afin de lui permettre de faire face aux frais opérationnels récurrents et de financer les coopérations bilatérales.
Les investissements structurants concernent d'abord la rénovation des stations Dumont d'Urville et Concordia, du siège de l'IPEV à Brest et des refuges subantarctiques, avec comme il a été dit précédemment, un haut niveau d'exigence environnementale, ce qui crée des frais supplémentaires.
En ce qui concerne le renforcement des moyens océanographiques de la recherche française en milieu polaire, il faut, à court terme, financer le renforcement des partenariats, avec l' Alfred Wegener Institute et l' Australian Antarctic Division, afin de pouvoir utiliser leurs brise‑glaces ; à moyen terme, il faut envisager la construction d'un navire à capacité glace, c'est‑à‑dire un navire qui serait moins coûteux qu'un brise‑glace, mais qui permettrait aux chercheurs de poursuivre leurs recherches et de ne pas être dépendants d'accords de partenariat.
Un accroissement des financements accordés à la recherche française polaire en sciences humaines et sociales est par ailleurs indispensable pour améliorer sa visibilité, aussi bien au niveau national qu'international, et développer des collaborations avec d'autres disciplines scientifiques. Il est également important de soutenir financièrement la participation d'autochtones arctiques et subarctiques à la recherche française. Voilà pour les recommandations financières.
La deuxième série de recommandations porte sur le renforcement des coopérations européennes et internationales. Il s'agit d'abord d'inciter l'Union européenne à inscrire certaines infrastructures françaises polaires dans la feuille de route stratégique recensant les priorités d'investissement dans les infrastructures de recherche européennes pour les 10 ou 20 prochaines années.
Ensuite, il faudrait renforcer les partenariats bilatéraux qui existent déjà et l'échange des services, afin de permettre aux chercheurs français d'accéder à des infrastructures importantes, notamment les brise‑glaces, à des coûts raisonnables.
Par ailleurs, nous recommandons de soutenir des projets de recherche internationaux ambitieux sur des sujets sociétaux majeurs, tels que l'évaluation de la contribution de l'Arctique et de l'Antarctique de l'Est à l'élévation future du niveau des mers ou la préservation de la biodiversité et la mise en place d'aires marines protégées.
Enfin, notre dernière recommandation vise à définir une stratégie polaire nationale ambitieuse, à la hauteur de l'intérêt de la France pour les pôles. Il convient de déterminer les intérêts et la stratégie de la France en Arctique, en Antarctique et dans l'océan Austral. Il sera ensuite primordial d'arrêter un plan d'action pour la recherche française en milieu polaire, pour les quinze prochaines années.
Il nous semblerait opportun de donner un signal fort de l'engagement scientifique de la France en Antarctique lors de la présidence française de la Réunion consultative du Traité sur l'Antarctique, qui aura lieu au mois de juin 2021, en présentant par exemple, à cette occasion, le plan de financement de la rénovation de la station Dumont d'Urville.
. – Je n'ai pas de question particulière mais je voulais dire toute ma satisfaction et ma fierté d'appartenir à l'OPECST lorsque j'entends des rapports comme celui‑ci. J'avais déjà beaucoup appris lors de l'audition publique du 6 mai dernier. Merci pour ce rapport.
. – Je voudrais aussi remercier les deux rapporteures et les services de l'OPECST. Le rapport est absolument passionnant. Olivier Poivre d'Arvor est venu parler avec beaucoup de diplomatie – c'est son rôle sur le sujet – du retard diplomatique accumulé par notre pays, en raison notamment d'une de ses prédécesseurs. Avez‑vous tenu compte aussi de ce sujet dans votre rapport ? Vous en parlez moins, à juste titre, puisque le rapport porte davantage sur l'aspect scientifique. Mais avons‑nous pris un retard diplomatique par rapport aux autres pays parties prenantes dans ces territoires ? Est‑ce encore rattrapable, ne serait‑ce que parce que nous allons prendre maintenant la présidence de la RCTA ?
. – Un grand bravo aux rapporteures pour leur travail qui nous fait prendre conscience, si besoin était, des difficultés auxquelles nous allons être confrontés. Pour ma part, je m'intéresse au volet curatif et poserai deux questions. D'une part, pourquoi ne s'attaque‑t‑on pas aux coupes de bois en général ? Autant le stockage de bois sous forme de poutres, pour stocker du carbone, est une bonne approche, autant continuer aujourd'hui à brûler du bois dans l'atmosphère me semble complètement incohérent. D'autre part, pourquoi observe‑t‑on une augmentation du CO2 et non pas une baisse de l'oxygène dans l'atmosphère ?
. – Je redis ici la qualité de l'audition et la qualité de cette note de synthèse. Félicitations aux rapporteures. Je vous rappelle que l'audition a été réalisée en partie en traduction simultanée. Les conditions étaient assez complexes et la qualité du rendu est remarquable. Je souhaite juste vérifier que la synthèse cite explicitement tous les intervenants des tables rondes, à un moment ou à un autre. J'attire également votre attention sur une proposition de résolution à venir du Modem, portée par Frédérique Tuffnell, visant à inciter le gouvernement à agir en faveur de la création d'aires marines protégées en Antarctique et dans laquelle Jimmy Pahun s'est largement impliqué. Il sera important de la suivre et, le moment venu, de participer à la discussion afin d'exprimer la position de l'OPECST par la voix d'Huguette Tiegna. Je crois comprendre que l'examen de cette proposition est prévu pour le mois de juin, mais la date n'est pas encore connue. Si le Sénat souhaitait la reprendre, nous en serions bien sûr ravis, tout cela étant en cohérence avec la date de mi‑juin à laquelle la France prendra la présidence de la RCTA.
En ce qui concerne la synthèse des auditions, je ferai les remarques suivantes. D'abord, nous pouvons signaler que les scientifiques eux‑mêmes nous avaient sensibilisés à ce rendez‑vous. C'est bien de le saluer. Nous sommes toujours ravis de répondre aux attentes d'une demande, soit politique, soit scientifique.
Les cartes sont très intéressantes. Dès le début, on parle du Conseil de l'Antarctique, du Conseil de l'Arctique. On comprend qu'il y a des similitudes et des différences importantes. D'un côté, il y a des États consultatifs et non consultatifs, de l'autre, les États du Conseil et les États observateurs. Il serait intéressant d'avoir, même si nous n'en avons pas discuté en détail, soit en note de bas de page, soit en appendice, une comparaison des deux systèmes. Géographiquement, le contraste est très bien expliqué. J'aimerais que l'on en dise un peu plus sur les systèmes de gouvernance. Dans un cas, il y a un moratoire sur l'exploitation ; dans l'autre cas, au contraire, l'exploitation augmente. Il serait intéressant d'avoir, du point de vue politique, une brève comparaison.
Au cours de l'audition publique, plusieurs intervenants ont exprimé leurs inquiétudes sur les évolutions observées aussi bien en Arctique qu'en Antarctique. Même si celles‑ci ont été décrites clairement, il serait bien de les souligner davantage : inquiétudes sur l'impact de l'exploitation minière, des forages, de la course aux hydrocarbures, des conditions dans lesquelles cela se fait, de la pollution qu'elle induit. On nous a parlé de rivières qui prennent feu dans des contextes très pollués, etc. Il faudrait insister également sur l'impact du tourisme en Antarctique, notamment avec le développement du tourisme chinois. Enfin, il faut insister sur la mise en danger des peuples autochtones Il me semble qu'il serait légitime d'ajouter une recommandation supplémentaire pour tenir compte de ces inquiétudes.
Les grands points de la conclusion sont de renforcer les moyens logistiques et financiers de la recherche, de renforcer les coopérations et de définir une stratégie polaire nationale ambitieuse. Il me paraît important d'ajouter que l'un des enjeux est aussi, pour la France, d'avoir une stratégie d'influence pour renforcer la protection de l'Arctique et de l'Antarctique sur les trois sujets que nous avons évoqués. Cet enjeu est évidemment lié au précédent, parce sans une stratégie nationale forte, la France ne sera pas crédible pour influer sur les autres parties prenantes, mais cette stratégie d'influence pourrait être explicitement visée dans les objectifs que la France doit se donner. Il est bien expliqué aussi que la Russie comme la Chine incitent à une exploitation croissante des ressources halieutiques en Antarctique, sachant que la Chine serait peut‑être prête à y renoncer si la Russie abandonnait ses prétentions.
Concernant la biodiversité, je suggère d'insérer un paragraphe spécifique, même s'il est bref, sur ce qu'apporte l'étude de la biodiversité. Il est bien expliqué comment on peut l'étudier sans la perturber. On peut développer le passage sur la robotique, parce que c'est spectaculaire, comme le petit robot qui se déguise en bébé manchot. Il faut aussi insister sur ce que cela peut avoir d'intéressant. Un thème qui est mentionné, mais qui pourrait être davantage abordé, concerne le fait que les pôles sont des réservoirs de spéciation, d'apparition de nouvelles espèces, peut‑être sous l'influence des conditions extrêmes. De façon générale, les conditions extrêmes font que les pôles sont particulièrement intéressants pour les enjeux climatiques, mais aussi pour les enjeux de biodiversité en tant que tels. Comme le dit très bien la note, les pôles sont aussi un laboratoire d'innovations, avec des éléments sur le repérage, le RFID et le GPS.
Sur l'histoire française, dans la lignée de la grande tradition d'exploration, j'aurais aimé que l'on dise quelques mots, bien que ce ne fût pas abordé dans l'audition, sur les motivations de cette exploration. Il me semble qu'il existe en particulier un idéal d'exploration de la France ‑ l'idéal universaliste ‑ et qu'un lien peut être fait entre le passé et le présent, même au plan symbolique, en rappelant par exemple que L'Astrolabe était le nom du navire de Dumont d'Urville, qui portait lui‑même le nom du navire de La Pérouse. La note pourrait encore davantage insister sur le fait qu'aujourd'hui, la France ne rend pas honneur à cette grande tradition d'universalisme et de connaissance qui l'a animée et l'a poussée à faire partie des grandes nations polaires, aussi bien au niveau des moyens accordés à la science qu'au niveau des ambitions et des idéaux qu'elle défend. On pourrait parler de trahison.
La note évoque l'excellence de la recherche française reconnue internationalement. Le terme est trop faible. Les chiffres que vous évoquez prouvent qu'elle n'est pas seulement reconnue internationalement, elle est vraiment l'un des premiers acteurs mondiaux. C'est une raison supplémentaire de donner à la recherche, à nos chercheurs et à nos chercheuses, les moyens de leurs ambitions.
Le lien avec le précédent rapport de l'OPECST est bien fait. Je n'ai rien à redire.
Laure Darcos évoquait tout à l'heure l'excellente intervention d'Olivier Poivre d'Arvor. Nous avons réalisé des comparaisons internationales, mais elles sont assez compliquées parce que les périmètres ne sont pas exactement les mêmes. Il me semble que se dégageait de cette audition l'idée que les ajustements financiers nécessaires ne représentent pas des progressions de 10 ou 15 %, mais de l'ordre d'un facteur 2. Nous sommes la seule grande nation de recherche à ne pas avoir de navire brise‑glace et nos équipements sur place sont délabrés par rapport aux autres. Je pense qu'il faut être plus ambitieux sur les recommandations en termes budgétaires, pour dire clairement que le compte n'y est pas, d'un facteur 2 ou 3. En comparant avec les investissements énormes réalisés dans d'autres secteurs stratégiques, c'est juste incompréhensible. Olivier Poivre d'Arvor fait la comparaison avec les équipements militaires. Il dit que le budget de l'IPEV représente une mini‑fraction de ce qui est dépensé pour la défense. La comparaison est justifiée au sens où les intérêts stratégiques et géostratégiques sont aussi considérables et qu'il y a donc lieu d'investir dans ce domaine.
Vous n'avez pas mentionné la visite de la ministre de la recherche en Antarctique. Nous pouvons la mentionner : c'est une preuve supplémentaire du décalage entre les ambitions affichées et ce qui est réalisé sur le terrain. Une ministre se rend sur place pour la première fois depuis longtemps. Où est ensuite le budget qui va de pair ? Il faut insister sur le fait que la France ne sera pas crédible, dans sa stratégie d'influence géostratégique, si elle ne met pas elle‑même les moyens.
Quand il est dit que « la recherche pourrait jouer un rôle clé pour comprendre le réchauffement climatique », j'aimerais que soit mentionnée aussi l'étude sur la biodiversité et le vivant, soit dans une section supplémentaire, soit dans le titre. À la simple lecture des titres, la biodiversité et le vivant n'apparaissent pas. Il faut insister sur le sujet. Il existe toute une tradition dans ce domaine et il y a des équipes de naturalistes et de biologistes très importantes, dont fait partie Yvon Le Maho.
J'aimerais que ressorte également cette idée que les pôles sont un secteur clé pour la médiation et la culture scientifiques. Certains reportages ont été spectaculaires, par exemple sur ces robots ou sur l'étude des manchots, mais de façon générale, nous pouvons faire le parallèle avec l'espace. L'espace et l'Antarctique sont les deux seuls endroits qui ont une certaine gouvernance internationale, avec un moratoire, mais ils sont aussi deux espaces particulièrement intéressants pour la recherche en conditions extrêmes et pour la vulgarisation. Angèle Préville avait réagi lors de l'audition, en disant que l'évolution des proportions de CO2 à travers les âges était plus frappante que n'importe quel discours. Je pense que nous devrions insister sur ce point. J'avais relevé lors de l'audition que le navire britannique s'appelle le Sir David Attenborough, du nom du plus grand vulgarisateur scientifique britannique, ce qui montre le rôle des pôles dans la médiation scientifique.
. – J'ai bien mesuré la chance immense que nous avons d'avoir un ambassadeur des pôles qui s'investit, qui est très volontariste et qui a envie de faire bouger les choses. Je pense que nous pouvons compter sur lui pour mener ce travail diplomatique qui permettra à la France de mieux faire entendre sa voix.
. – J'ai été favorablement impressionné par son intervention, la façon dont il a saisi les enjeux à bras‑le‑corps et parlé avec des mots justes de l'importance de la recherche, de la place de la France, de son rayonnement et de cette volonté très ancienne de la France de vouloir influer sur la marche du monde dans son ensemble. Les pôles sont l'un des endroits où cette volonté doit se manifester.
. – Nous comptons sur lui. Nous l'avons entendu par exemple à la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable au Sénat, il n'y a pas si longtemps, je pense que nous l'auditionnerons à nouveau et que nous suivrons le sujet.
Sur la question d'André Guiol sur l'augmentation de dioxyde de carbone et la non‑diminution de l'oxygène, la proportion de dioxyde de carbone dans l'atmosphère est en réalité faible. Certes, on observe une augmentation, mais elle ne représente pas des quantités importantes. Le diagramme présenté par Catherine Ritz montrait que ces fluctuations, sur 800 000 ans, étaient restées quasiment les mêmes jusqu'à très récemment. Depuis, on constate une augmentation du CO2 qui est peu importante, mais qui suffit à tout perturber. La quantité d'oxygène est bien plus importante. Si elle subit une légère diminution, celle‑ci n'a pas d'impact.
Nous avons d'ailleurs l'intention d'inclure ce diagramme dans notre rapport, parce qu'il est très parlant. Je partage aussi ce qui a été dit sur la biodiversité. Nous insisterons sur ce sujet et en ferons une partie à part. Pour ce qui est de l'histoire française, je crois qu'il est important de mettre en avant la tradition d'exploration et cet idéal universaliste et de connaissance. Nous sentons que nous avons perdu un peu le fil de tout cela. Je pense que ce sont des choses qu'il faudra mettre plus en avant.
Bien que le rapport mentionne le fait que le compte n'y est pas sur les investissements, nous allons développer un peu les aspects quantitatifs.
Enfin, le rapport mentionne les inquiétudes sur l'évolution, notamment géopolitique, mais peut‑être pas suffisamment. Nous ferons les ajouts nécessaires.
. – Il faudrait inscrire dans les objectifs le fait d'avoir une politique d'influence plus ambitieuse.
. – En tant que parlementaires, par divers biais, nous constatons que les Chinois essaient de gagner du terrain et ont des stratégies très fortes que nous ne voyons pas toujours venir. J'ai été frappée par les photos de touristes chinois qui viennent sur les glaces poser en robe de mariée. C'est une pratique qui s'installe et comme les Chinois sont très nombreux, on peut s'attendre à ce que ce genre de tourisme se développe. Nous devons être particulièrement vigilants car ces pratiques auront un impact sur ces milieux très fragiles que sont les pôles.
. – Il en est de même pour l'exploitation halieutique. Côté chinois, une industrie dévastatrice continue à s'organiser.
. – Tout à fait. Ils ont des moyens que nous n'avons pas. Quand ils commencent à s'investir sur un sujet, nous ne les voyons pas venir, mais il ne faudrait pas qu'il soit trop tard pour réagir. Il faut notamment que nous soyons très vigilants sur les aires marines protégées à mettre en place en Antarctique. C'est pourquoi il ne faut pas perdre notre place dans la gouvernance. Or, cette place se justifie par le fait que nos chercheurs viennent réaliser des recherches en Antarctique. C'est une question de proportionnalité. Si nous n'avons quasiment plus personne, nous n'aurons plus d'influence sur la gouvernance de l'Antarctique. Nous avons bien entendu des chercheurs que l'absence de brise‑glace était un frein important. Sans ce matériel, ils ne peuvent pas poursuivre les recherches de manière complète.
. – Nous avons certes connu un retard en termes de diplomatie puisqu'entre son prédécesseur et Monsieur Poivre d'Arvor, il y a eu un arrêt, mais désormais, nous avons un nouvel ambassadeur qui est dynamique et qui a même demandé le soutien des parlementaires pour inciter l'État à déployer des moyens humains et financiers. Nous avons donc un rôle à jouer pour renforcer la diplomatie et les ambitions de la France dans les pôles.
Notre collègue a demandé pourquoi nous continuons de brûler du bois. Dans la comparaison des sources d'énergie qui sont utilisées par l'humain, nous partons du postulat qu'il faut éviter l'exploitation des énergies fossiles et privilégier l'exploitation des énergies « vertes ». Le bois fait partie des énergies vertes, mais son processus de transformation fait qu'il ne remplit pas toujours sa fonction d'énergie verte. En le comparant toutefois avec les énergies fossiles, on peut dire qu'il est utile. Cela dit, l'exploitation forestière est nocive pour l'environnement. Le bois qui est exploité doit donc être impérativement remplacé, même s'il faut 30 ou 40 ans pour arriver à une biodiversité forestière. C'est un sujet très compliqué, qui soulève de nombreuses divergences d'opinion.
Concernant la proposition de résolution de Frédérique Tuffnel, je verrai avec elle comment l'OPECST peut s'y associer dans la rédaction, mais aussi peut‑être par une prise de parole lors de sa discussion en séance publique.
S'agissant des remarques sur l'exploitation minière, en 2018, nous avions voté la loi qui interdisait l'exploitation des hydrocarbures sur les territoires français.
. – Le fait d'avoir voté cette loi donne un peu plus de crédibilité à la France pour proposer une évolution à l'international sur le sujet.
. – Tout à fait. Enfin, nous évoquerons dans notre rapport la visite de la ministre en Antarctique. C'est important. Je pense d'ailleurs qu'elle sera intéressée par ce rapport.
Nous ajouterons également un point spécifique dans les recommandations, sur la stratégie d'influence française dans les pôles.
. – Nous faisons confiance aux deux rapporteures pour prendre en compte les remarques qui ont été formulées. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de représenter formellement ces conclusions à l'Office, dans la mesure où aucune des évolutions demandées n'est polémique ou délicate. Nous vous remercions encore pour ce remarquable travail.
L'Office adopte les conclusions présentées et autorise à l'unanimité la publication du rapport présentant les conclusions et le compte rendu de l'audition publique du 6 mai 2021 sur les enjeux de la recherche française en milieu polaire.
Présentation du rapport annuel pour l'année 2020 de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), par M. Bernard Doroszczuk, président de l'ASN)
L'audition de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour la présentation de son rapport annuel est un sujet récurrent et quasi consubstantiel de l'activité de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ( OPECST). L'actualité nucléaire dense rend ce rendez-vous d'autant plus important aujourd'hui.
Monsieur le président, Monsieur le directeur général, je vous remercie de votre présence. Sans plus de formalités, je vais vous donner la parole, que vous organiserez comme vous le souhaitez. Votre présentation sera suivie d'un temps d'échanges, en donnant la priorité aux quatre rapporteurs de l'Office engagés aujourd'hui dans des missions ayant trait au nucléaire civil : Émilie Cariou, Thomas Gassilloud, Stéphane Piednoir et Bruno Sido.
Je suis accompagné par Olivier Gupta, le directeur général de l'ASN, ainsi que par l'ensemble des membres du collège et du comité exécutif de l'ASN, qui sont en visioconférence.
J'introduirai l'audition par un propos liminaire consacré à l'année 2020 et au début de l'année 2021, en insistant sur les principaux enseignements et enjeux qui en ressortent. Puis Olivier Gupta vous parlera de la manière dont nous avons exercé notre contrôle pendant cette période, ainsi que des enseignements opérationnels que nous en tirons à ce stade. Il évoquera ensuite notre contribution aux travaux techniques internationaux dans ce contexte inédit.
Ma présentation liminaire s'articulera autour de deux constats généraux, puis de la mise en évidence de deux faits marquants.
Le premier constat général n'est pas une surprise : la crise liée à la Covid-19 a profondément marqué l'année 2020 et le début de l'année 2021. Durant cette période, l'ASN estime que le niveau de sûreté et de radioprotection est resté satisfaisant. Face à la crise sanitaire, les exploitants nucléaires et les responsables d'activité, notamment dans le domaine médical, ont fait preuve d'une grande réactivité et d'une bonne capacité d'adaptation.
Durant la première période de confinement, les exploitants nucléaires ont su maîtriser la situation en mettant en application leur plan de continuité d'activité, et les activités non indispensables ont été suspendues, par exemple les activités de recherche du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
Les responsables d'activité dans le secteur médical ont adapté leur organisation pour gérer la situation sanitaire et assurer globalement la permanence des diagnostics et des soins faisant appel aux techniques mobilisant les rayonnements ionisants.
L'ASN a surveillé de près les conséquences immédiates de la crise. S'agissant des centrales nucléaires et des installations du cycle du combustible, l'ASN n'a pas constaté de dégradations liées à la crise, ni pendant la période initiale de confinement, ni par la suite. Le report de nombreuses activités, intervenu au printemps 2020, a conduit à une situation tendue, très dure, notamment chez EDF. Les arrêts de réacteurs qui avaient dû être décalés ont été reprogrammés. Certains arrêts ont été réalisés durant la période hivernale – comme cela sera le cas lors de l'hiver 2021-2022 – ce qui crée des tensions sur l'approvisionnement en énergie électrique pour l'ensemble de notre pays. Cette reprogrammation, et l'effet domino qu'elle induit sur les années à venir, engendre également des tensions en matière de mobilisation des prestataires et de respect des obligations de contrôle de chaque réacteur.
Dans le nucléaire médical, l'ASN n'a pas constaté d'augmentation des effets significatifs de radioprotection lors de la reprise de l'activité après le premier confinement. La gestion de la situation de crise sur la durée a cependant soulevé, dans certains cas, des questions en matière de radioprotection des patients, liées au manque de disponibilité ou à la surcharge de travail des professionnels médicaux.
Face aux bouleversements induits par la crise sanitaire, l'ASN a engagé une réflexion sur ses propres modalités de contrôle, dont Olivier Gupta vous parlera. Elle a aussi lancé une étude sur les questions de nature systémique qui pourraient se poser dans les mêmes termes en cas de crise nucléaire, telles que la confiance des citoyens dans la parole des experts et des autorités ou les conditions d'élaboration et d'acceptabilité sur le terrain des mesures contraignantes de protection des populations prises par les pouvoirs publics.
Ces réflexions ont été engagées par l'ASN dans le cadre, d'une part des travaux du Comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle (CODIRPA), groupe pluraliste créé en 2005 et piloté par l'ASN, et d'autre part du nouveau mandat reçu du Premier ministre dans ce domaine. L'ASN estime que le retour d'expérience de la crise sanitaire et les travaux du CODIRPA, menés avec l'appui de relais locaux comme les commissions locales d'information, seront des éléments clés pour progresser.
Enfin, plus globalement, l'ASN estime que les premières analyses tirées des difficultés rencontrées lors de la crise sanitaire confirment le besoin impératif, qu'elle a régulièrement souligné, d'entretenir une culture d'anticipation et de précaution pour l'ensemble des acteurs du nucléaire. L'illustration de deux faits marquants me permettra d'y revenir par la suite.
Le second constat général concerne les résultats de sûreté et de radioprotection, qui sont globalement en amélioration en 2020. Chez EDF, par exemple, l'ASN considère que la rigueur d'exploitation – sujet que j'avais souligné l'année dernière – a progressé, avec une meilleure surveillance en salle de commande, un pilotage plus rigoureux des installations et l'amélioration de la gestion des écarts affectant celles-ci. Les évolutions d'organisation, les reports d'activités liés à la crise sanitaire ou l'évolution des comportements induits par la crise, notamment une meilleure présence des managers sur le terrain, une grande attention à la réalisation des travaux, une pression moindre concernant la durée des arrêts, ont pu contribuer à cette amélioration.
Chez Orano, l'ASN a constaté le maintien d'un bon niveau de sûreté pour l'ensemble des installations, avec la poursuite des efforts de rigueur pour maîtriser les enjeux de confinement et de radioprotection. À l'issue de la démarche expérimentale d'inspection des projets que nous avons menée en 2019, notamment de la conduite des projets de démantèlement, de reprise et de conditionnement des déchets anciens, nous avons noté, en 2020, une amélioration dans leur organisation, qui devrait conduire à une plus grande robustesse dans leur gestion.
Au CEA, l'ASN considère que la sûreté des installations demeure globalement satisfaisante, dans un contexte d'activité moindre, et souligne, au vu du retour d'expérience des incidents, le travail mené par le CEA en matière de renforcement de la culture de sûreté des responsables d'installation.
Quelques constats viennent cependant nuancer cette appréciation générale positive pour les exploitants nucléaires. Chez EDF, l'ASN a constaté une régression dans la prise en compte de la radioprotection des travailleurs. Cette régression, déjà observée en 2019, s'est accentuée en 2020, ainsi que la persistance d'écarts de conformité affectant des matériels, ce qui remet en cause leur capacité à remplir leurs fonctions en cas d'accident. C'est le cas, par exemple, des nombreux écarts détectés sur les groupes électrogènes de secours à moteur diesel.
Chez Orano, l'ASN constate pour certaines installations des améliorations encore trop lentes dans la gestion du risque incendie et une vigilance à maintenir sur la reprise et le conditionnement des déchets anciens pour permettre le respect des délais prévus par la loi .
Au CEA, l'ASN souligne des retards manifestes dans la mise en œuvre de la stratégie de démantèlement des installations anciennes présentant les risques les plus élevés, sur laquelle l'ASN et l'Autorité de sûreté nucléaire défense (ASND) s'étaient prononcées en 2019.
Dans le domaine médical, malgré des résultats satisfaisants au regard du nombre d'actes, l'ASN relève encore des défaillances organisationnelles et techniques, très peu nombreuses mais évitables, comme les erreurs de côté ou de fractionnement de doses, et les mauvais paramétrages de logiciels, qui sont à l'origine d'événements significatifs de niveau 2 ou 3 en radiothérapie, qui ont des effets aigus ou tardifs pour les patients.
Je terminerai ma présentation en soulignant deux faits marquants de la période 2020 - début 2021, qui illustrent la nécessité d'entretenir et de développer la culture d'anticipation et de précaution que j'évoquais précédemment.
La période récente a été marquée par une décision importante de l'ASN, concernant la poursuite d'exploitation des réacteurs de 900 mégawatts. À l'issue d'un long travail commencé en 2013 qui a fortement sollicité l'ASN, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et les équipes d'EDF, le volet générique du quatrième réexamen de sûreté des réacteurs de 900 mégawatts a débouché sur la définition d'améliorations significatives de la sûreté et sur une décision de l'ASN, prise le 23 février 2021. Ces améliorations concernent, en particulier, la maîtrise des risques liés aux agressions comme l'incendie, l'explosion, l'inondation ou le séisme, la sûreté des piscines d'entreposage des combustibles et la gestion des accidents avec fusion du cœur.
En février dernier, l'ASN a estimé que ces améliorations permettaient d'ouvrir la perspective d'une poursuite de fonctionnement des réacteurs de 900 mégawatts pour les dix ans suivant leur quatrième réexamen. Cette poursuite de fonctionnement sera à confirmer pour chacun des réacteurs à l'issue de leur visite décennale, selon un processus qui a déjà démarré et s'étalera, pour les 32 réacteurs concernés, jusqu'en 2031.
Le réexamen de sûreté des réacteurs d'EDF a soulevé deux points de vigilance que je souhaiterais évoquer devant vous.
D'abord, la question de la capacité industrielle d'EDF et des intervenants de la filière à faire face aux travaux issus du réexamen avec le niveau de qualité attendu. Les travaux du Grand carénage prévu par EDF, qui va au-delà des travaux d'améliorations de sûreté prévus par le réexamen mais qui les inclut bien évidemment, conduiront à augmenter notablement la charge de travail des industriels de la filière, avec une attention particulière à porter sur certains segments en tension, comme la mécanique ou l'ingénierie, tant chez l'exploitant que chez les prestataires. Dès cette année, les travaux connaîtront une montée en puissance importante, avec quatre réexamens de sûreté à réaliser en 2021 et un pic d'activité industrielle en 2026.
EDF estime, par exemple, que la charge de travail des secteurs du génie civil et du contrôle commande sera multipliée par trois dans les cinq années qui viennent. Dans le secteur de la mécanique, cette charge sera multipliée au moins par six, alors que ce segment a connu quelques difficultés ces dernières années pour arriver au niveau de qualité attendu, notamment dans le domaine du soudage.
Si les perspectives de montée en charge des travaux sur le parc existant constituent un point de vigilance, elles représentent également une opportunité pour la filière nucléaire qui a souffert, par le passé, de l'absence de projets et donc de travaux en volume suffisant pour entretenir ses compétences.
L'ASN voudrait souligner que, dans la période actuelle, une attention particulière doit être portée à certains acteurs clés de la filière nucléaire qui peuvent aussi être sollicités dans d'autres secteurs de haute technologie, comme l'aéronautique, pour lesquels ils travaillent également. Mais il faut aussi porter attention aux restructurations d'ensemble de grands groupes ayant décidé de se retirer de l'activité nucléaire.
C'est le premier point de vigilance que je voulais souligner. Il s'est traduit, dans la décision de l'ASN, par une demande spécifique – c'est la première fois que nous formulons une telle demande : rendre compte annuellement de la capacité des industriels de la filière à assurer les travaux qui résultent des prescriptions que nous avons prises, dans le calendrier que nous avons défini.
Le second point de vigilance qui ressort du réexamen de sûreté des réacteurs d'EDF se situe à un horizon plus éloigné et concerne l'articulation avec la politique énergétique. L'un des enseignements tirés du réexamen des réacteurs de 900 mégawatts est le caractère déterminant des justifications apportées pour la tenue des cuves, les caractéristiques mécaniques du matériau qui les constitue se dégradant du fait de l'exposition aux rayonnements.
À ce stade, les justifications apportées par EDF couvrent les dix ans à venir. Ces justifications étant probantes, l'ASN a pris une décision positive concernant cette période. Mais EDF n'a transmis un dossier de justification que jusqu'à cinquante ans, c'est-à-dire pour ces dix années supplémentaires. Ce dossier montre que plusieurs réacteurs ne disposent que de très peu de marge pour un fonctionnement au-delà de cinquante ans. Pour justifier la tenue des cuves d'un maximum de réacteurs jusqu'à soixante ans, EDF devra faire évoluer sa méthode de justification en s'appuyant sur des travaux de recherche.
L'aboutissement de telles démarches n'est aucunement garanti. Le point principal de préoccupation de l'ASN est l'horizon 2040, c'est-à-dire le moment où la durée de fonctionnement des réacteurs les plus anciens du parc nucléaire sera de cinquante à soixante ans. Dans les années qui précéderont cet horizon, si les perspectives de développement de nouvelles capacités de production, telles qu'elles sont prévues ou seront prévues par la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), n'étaient pas au rendez-vous, et si les gains attendus en matière d'efficacité énergétique n'étaient pas suffisants, la tentation pourrait être de vouloir prolonger la durée d'exploitation des réacteurs en service pour disposer d'un socle de production électrique pilotable non carboné suffisant. Rien ne permet, aujourd'hui, de garantir que cela sera possible.
Dans ce contexte, nous estimons qu'il est absolument nécessaire que la décision de prolonger ou non le fonctionnement de certains réacteurs à l'échéance 2040 soit anticipée et fasse l'objet d'études préalables, pour qu'elle ne soit pas une décision subie le moment venu. Compte tenu des délais nécessaires pour faire aboutir toute nouvelle démarche de justification ainsi que pour décider et réaliser de nouveaux projets, éventuellement en substitution, il conviendrait de poser dès à présent, dans le cadre de la prochaine PPE, la question de la durée de fonctionnement des réacteurs en exploitation, de manière transparente et réaliste, pour pouvoir anticiper les décisions à prendre et maintenir des marges suffisantes pour la sûreté.
Le second fait marquant de la période 2020 - début 2021 concerne la gestion des matières et des déchets radioactifs. Le cinquième plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), valable pour une durée de cinq ans, est en cours de préparation. Dans ce cadre, l'ASN a émis, en 2020 et au début de 2021, plusieurs avis organisés par filière de gestion, sur lesquels nous pourrons revenir si vous le souhaitez. L'enjeu principal qui ressort de manière transversale de ces différents avis est l'urgence à choisir et, là aussi, à anticiper.
Si les plans précédents ont permis de développer de nombreuses études, de partager avec les parties prenantes un grand nombre de données et de résultats pour faire un état des lieux des solutions possibles, il s'agit maintenant, selon nous, d'avancer concrètement pour la mise en œuvre de solutions dans ces filières.
Dans ses avis, l'ASN souligne que c'est notamment le cas pour les déchets très faiblement radioactifs, les TFA – ferrailles, gravats, terres essentiellement –, pour lesquels les capacités de stockage existantes seront saturées d'ici à 2028 ou 2035, selon les options à l'étude.
L'ASN souligne que c'est également le cas pour les déchets de faible activité à vie longue (FAVL), qui regroupent un ensemble hétérogène de déchets anciens, comme les déchets de graphite, les déchets radifères ou encore les déchets bitumés, pour lesquels aucune solution de gestion claire n'a été arrêtée à ce stade.
Enfin, c'est le cas du projet Cigéo de stockage en couche géologique profonde des déchets à haute activité à vie longue (HAVL), qui reste controversé, bien qu'il soit le résultat d'un long processus législatif ayant ouvert la réflexion et d'une longue concertation sur le choix de cette option de stockage préconisée au niveau international, au regard des risques et de la durée du stockage.
Pour l'ASN, le prochain plan, d'une durée de cinq ans, devra clairement être celui du choix des solutions pour faire face, dans les vingt ans qui viennent, aux besoins capacitaires de stockage des déchets générés par les opérations de démantèlement, de reprise et de conditionnement des déchets anciens, et par la poursuite de l'exploitation du parc nucléaire.
Nous le savons, le nucléaire est le domaine du temps long. Les projets demandent un temps considérable, de l'ordre d'une quinzaine d'années, avant de pouvoir être opérationnels après qu'ils ont été décidés. Il faut donc que d'ici à 2025 des décisions soient prises sur les solutions à mettre en œuvre si nous voulons pouvoir faire face, à l'horizon 2040, aux besoins de stockage de tous les types de déchets en France.
À plus long terme, l'ASN estime qu'une approche prudente de la qualification en « matière radioactive » devra être retenue, notamment lorsque les perspectives de valorisation ne sont pas réalistes. La prochaine PPE devra se positionner sur la question de la poursuite ou non du retraitement des combustibles usés au-delà de 2040, date figurant dans l'actuelle PPE.
Quelle que soit la décision prise, il faudra en effet anticiper ses conséquences, là encore, d'une quinzaine d'années. Si le retraitement est prolongé, Orano devra construire de nouvelles installations, ou remettre significativement à niveau celles existantes, comme le fait par exemple EDF pour le Grand carénage de ses réacteurs. S'il est décidé d'arrêter le retraitement, les conditions d'entreposage et les dimensions du stockage ultime devront être anticipées.
L'exemple du projet de piscine centralisée d'entreposage des combustibles usés d'EDF, identifié comme nécessaire dès 2010 et devant être opérationnel en 2030, dont EDF annonce aujourd'hui la disponibilité pour 2034, montre la nécessité d'anticiper largement ces sujets.
Au printemps dernier, vous nous aviez interrogés sur l'activité de l'ASN dans le contexte de la crise sanitaire. Je commencerai donc par vous rendre compte de l'exécution de nos missions en 2020 et des premiers enseignements que nous tirons de la situation actuelle.
À l'heure où il est beaucoup question d'Europe en matière de vaccins, je vous parlerai aussi d'un sujet qui me tient personnellement à cœur : l'harmonisation de la sûreté nucléaire à l'échelle européenne.
La crise sanitaire a débuté il y a maintenant plus d'un an et je vous confirme que nous avons réussi à faire ce que nous devions faire, malgré les périodes de confinement. En particulier, nous avons réalisé les contrôles que nous estimions nécessaires, compte tenu de la situation, dans les installations nucléaires et dans les hôpitaux. Cela représente 1 573 inspections pendant l'année 2020.
Si nous avons pu assurer nos missions correctement, c'est bien sûr grâce à l'engagement de l'ensemble des personnels de l'ASN. Permettez-moi de les saluer ici. C'est aussi grâce aux moyens que nous avons obtenus avec votre soutien et celui du Gouvernement. Je pense aux moyens financiers, en particulier à des dépenses qui avaient pu être considérées comme superflues avant la crise et qui se sont avérées essentielles.
Je vous donne un exemple. À la fin de l'année 2019, nous avons investi une somme relativement modeste, qui nous a permis de raccorder les postes informatiques de nos divisions territoriales directement au réseau informatique du siège. Sans le meilleur débit de données qu'a permis ce raccordement, la moitié des personnels de l'ASN n'aurait pas pu travailler à distance pendant les confinements.
Je pense aussi aux renforts obtenus en matière d'effectifs ces dernières années, qui nous ont permis de disposer à temps de personnels formés et compétents pour préparer, dans le calendrier prévu, notre prise de position générique sur la poursuite d'exploitation des réacteurs de 900 mégawatts, et – cela est moins connu – pour rendre, par exemple, la réglementation du nucléaire de proximité mieux proportionnée aux enjeux de la radioprotection.
Un aspect immatériel nous a également été très précieux pendant cette crise et nous nous attachons à le préserver : il s'agit de la culture commune aux personnels de l'ASN, de l'attachement à nos valeurs et à notre mission, de notre capacité à faire émerger collectivement des décisions. Tout ceci nous a permis, je crois, de travailler ensemble sans être ensemble.
Quelles premières leçons pouvons-nous tirer de cette situation quant à nos modalités de contrôle ? La toute première est assurément l'importance d'un contrôle responsabilisant. Nous avons salué la capacité d'adaptation des acteurs du nucléaire industriel ou médical face à la crise. Notre contrôle doit absolument préserver cette capacité d'adaptation.
C'est le cas aujourd'hui, je pense, mais nous devons y veiller, car la pente naturelle est inverse. Un incident appelle une règle de plus pour qu'il ne se reproduise pas. C'est notre tentation naturelle et c'est aussi ce vers quoi les parties prenantes nous poussent. Or, la sûreté n'est pas qu'un ensemble de règles. C'est aussi l'intelligence des situations et la capacité d'adaptation des différents acteurs en temps réel, pour peu qu'ils aient suffisamment de marges de manœuvre.
Un contrôle responsabilisant va de pair avec un dialogue technique franc et approfondi entre l'ASN et les différents exploitants ; chacun dans son rôle, naturellement. Tout au long de l'année 2020, nous avons eu un dialogue de bonne qualité avec tous les grands exploitants, y compris avec EDF. Je le souligne, car ceci n'a pas toujours été le cas par le passé. Ceci s'est avéré très précieux, en particulier pendant la crise sanitaire.
Au-delà de la crise sanitaire, le contexte actuel révèle l'importance de la prise en compte des questions économiques et industrielles dans le ciblage de nos actions de contrôle, dans un souci d'anticipation. C'est ce que nous faisons. Je vous en donne un exemple. Bernard Doroszczuk évoquait les tensions sur les capacités industrielles de l'ensemble des entreprises sous-traitantes, dans certains secteurs en particulier. Sur ce point, nous avons programmé, dès cette année, plusieurs inspections chez des fournisseurs en situation de monopole vis-à-vis d'EDF. Ce sont les premiers enseignements que nous tirons de cette période.
J'en viens maintenant au second point de mon propos. Vous serez peut-être surpris que je vous parle d'international, alors que les déplacements à l'étranger sont très fortement restreints depuis un an et demi. Nous notons cependant des avancées, en particulier à l'échelle européenne, dans le cadre de l'Association des responsables d'autorités de sûreté nucléaire d'Europe de l'Ouest, dont l'acronyme anglais est WENRA. Cette association a été créée il y a une vingtaine d'années pour bâtir une approche commune de la sûreté nucléaire en Europe. L'ASN y a toujours joué un rôle moteur. J'en ai été élu président fin 2019. Cette année, nous avons avancé sur plusieurs points.
WENRA avait publié, en 2010, des objectifs de sûreté pour les nouveaux réacteurs. Ces objectifs étaient très largement inspirés de ceux fixés par l'ASN pour le réacteur EPR. WENRA s'était engagée à les réexaminer au bout de dix ans pour tenir compte, si nécessaire, du progrès des connaissances. Ce réexamen vient de se conclure.
À l'issue de notre dernière réunion plénière, nous avons adopté la position suivante, qui vient tout juste d'être publiée : d'une part, les objectifs de sûreté définis en 2010 sont toujours valides, donc applicables aux futurs réacteurs nucléaires ; d'autre part, tels qu'ils sont formulés, ils sont aussi applicables aux petits réacteurs modulaires ( small modular reactors – SMR), qui connaissent un regain d'attention en France et à l'étranger. Cependant, pour les SMR, ces objectifs ne sont qu'un minimum à atteindre. En effet, au regard du potentiel de ce genre de technologie, des exigences de sûreté plus importantes pourraient être attendues.
Nous comptons poursuivre nos travaux sur cette base et définir des exigences communes à l'échelle européenne sur ces petits réacteurs modulaires.
Au-delà de ces objectifs généraux de sûreté, WENRA développe, depuis une vingtaine d'années, des normes harmonisées à l'échelle européenne, que nous appelons « niveaux de référence de sûreté ». Nous les élaborons en commun, puis nous en vérifions ensemble la transcription – j'utilise ce terme à dessein – dans nos réglementations nationales, même s'il n'y a pas d'obligation juridique : tout repose sur l'engagement volontaire de chacun d'entre nous. Je dirai presque que c'est justement en raison de cette absence d'obligation juridique que cette démarche fonctionne, que nous parvenons à des consensus et que nous arrivons ensuite à les transcrire – je reprends ce terme – dans les réglementations nationales.
De tels niveaux de référence existent pour les centrales nucléaires. Nous en avons publié une mise à jour, à la fin de l'année 2020, tenant compte de l'état de l'art en matière de sûreté nucléaire. Nous en avons aussi développé en matière de démantèlement et de gestion des déchets. En 2021, nous avons publié un nouvel ensemble de niveaux de référence pour les réacteurs de recherche.
WENRA a suscité un intérêt au-delà de l'Europe. Depuis quelques années, des pays non européens comme la Russie, le Canada et le Japon participent à nos réunions, ce qui est certainement une forme de reconnaissance de nos travaux. Depuis une vingtaine d'années, il s'est construit, pas à pas, une doctrine de sûreté, des règles de sûreté harmonisées à l'échelle européenne. La Commission européenne n'en est pas le porteur principal, ce sont les autorités de sûreté nationales elles-mêmes, ce qui est tout à fait singulier. Ce point me paraît essentiel pour préparer l'avenir.
Au fond, ce travail montre que les autorités de sûreté des différents pays de l'Union sont capables d'harmoniser leurs exigences sans abandonner leurs responsabilités nationales. Si jamais il devait y avoir une intégration plus forte, par ce travail au sein de WENRA, l'ASN aura pu réellement exercer une influence sur les pratiques et les normes à l'échelle européenne.
Merci beaucoup. Je vais commencer par relayer une question du sénateur Stéphane Piednoir, qui a dû nous quitter il y a quelques minutes, du fait d'un engagement en séance au Sénat :
« Le 5 mai dernier, vous déclariez que les petits réacteurs modulaires présentent potentiellement des avancées très significatives en termes de sûreté – cela fait écho à ce que vous nous expliquiez il y a quelques instants – et invitiez le gouvernement à étudier cette option comme alternative à l'EPR 2, tout en soulignant son coût probablement supérieur. Quels sont les atouts de ces réacteurs en termes de sûreté ? Pouvons-nous parler davantage du fond sur la sûreté ? En termes de calendrier, la fin du développement du SMR français étant prévue au mieux en 2030, n'est-il pas trop tard, compte tenu de l'âge du parc, pour l'envisager ? »
‑ Merci pour cette présentation du rapport annuel de l'ASN qui est toujours très attendu et que je trouve toujours en demi-teinte.
Vous nous faites part d'un certain nombre d'améliorations – vous avez prononcé ces mots – dans la gestion de la sûreté. Cependant, quand je vous écoute, je suis malgré tout inquiète quant à la gestion de l'avenir et des travaux à venir. Cela fait maintenant quatre ans que nous vous auditionnons sous cette législature. Vous alertez tous les ans sur la nécessité de disposer du personnel nécessaire pour la réalisation des travaux à venir. J'ai toujours l'impression d'un pilotage à vue et je ne vois pas de stratégie ministérielle qui inclurait l'enseignement supérieur et la recherche afin d'être à même d'assurer ces travaux avec le personnel nécessaire. Pourriez-vous nous dire quel est l'état des réflexions, d'un point de vue stratégique, pour disposer du personnel nécessaire à la réalisation de ces travaux ?
Pour ce qui concerne la prolongation des réacteurs, vous nous dites qu'il va falloir se poser la question et anticiper quant à ce que nous voulons faire des réacteurs – lesquels prolongeons-nous et de quelle manière ? – même si nous nous acheminons déjà vers des travaux sur les 32 réacteurs. Le sénateur Bruno Sido et moi sommes chargés d'évaluer le PNGMDR. Ce plan a deux ans de retard. Vous nous avez dit qu'il devait être produit tous les cinq ans par le Gouvernement. Il doit, en fait, l'être tous les trois ans. Le Gouvernement n'a pas respecté la loi et a prolongé le délai de deux ans. Cette loi n'étant pas rétroactive, j'estime que nous sommes aujourd'hui en violation de la loi, ce qui ne permet pas aux parlementaires de disposer d'un délai suffisant pour évaluer le plan. Si nous ne parvenons pas à produire un rapport d'évaluation du PNGMDR pendant cette législature, c'est extrêmement problématique quant au contrôle parlementaire et à la transparence sur les sujets nucléaires.
Dans le cadre de ces travaux, le sénateur Bruno Sido et moi avons récemment auditionné des personnes qui nous ont alertés sur le niveau de sûreté des cuves des réacteurs. L'acier de certaines cuves subit un vieillissement accéléré préjudiciable à leur sûreté. Trois d'entre elles sont particulièrement problématiques. Selon les dires des personnes auditionnées, la plus problématique est celle du Tricastin. Sommes-nous sûrs qu'il faille prolonger les 32 réacteurs ? Ne serait-il pas plus avantageux, sur le plan économique et de la sûreté, de n'en prolonger que certains, pour pouvoir assumer les coûts, la gestion de la charge de travail et garantir la sûreté ? Pourriez-vous nous donner votre avis à ce sujet ?
Il est très ennuyeux de ne pas disposer du PNGMDR. Nous travaillons donc en parallèle du ministère et de toutes les autorités concernées. Cela étant, vous soulignez qu'un certain nombre de matières et de déchets n'ont aujourd'hui pas de solution de gestion et que ce plan est absolument nécessaire pour pouvoir les anticiper.
Je partage tout à fait ce que vient de dire ma collègue Émilie Cariou. Que nous nous penchions, depuis maintenant plus d'un an, sur l'évaluation d'un PNGMDR qui n'est pas encore publié ni même finalisé, est problématique. Cela ne nous empêche cependant pas de travailler.
S'agissant du PNGMDR, votre rapport évoque en page 369 l'arrêté du 15 janvier 2016 qui prévoit, peu après sa publication, une mise à jour des coûts de l'enfouissement des déchets. Ces coûts ont été estimés à environ 25 milliards d'euros. Le temps n'est-il pas venu d'une réévaluation ? Dans quelles proportions la réversibilité du stockage, également rappelée dans le document, affecte-t-elle ces coûts ?
L'ASN a alerté à plusieurs reprises, par le passé, de la nécessité de disposer de marges suffisantes de production d'électricité pour faire face à une éventuelle décision d'arrêt de plusieurs réacteurs, en particulier des réacteurs de 900 mégawatts. Émilie Cariou a eu parfaitement raison de rappeler que des problèmes sont vraisemblablement survenus sur les cuves. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces cuves des réacteurs de 900 mégawatts ? L'avertissement que vous avez donné est-il toujours d'actualité ? La montée en puissance de l'éolien, du solaire et des interconnexions avec nos voisins constitue-t-elle pour vous une réponse adaptée ?
Le 23 février dernier, l'ASN a pris position sur les conditions génériques de la poursuite de fonctionnement des réacteurs de 900 mégawatts. À l'occasion d'une audition dans le cadre de l'évaluation du PNGMDR, un spécialiste, dont je ne citerai pas le nom, nous a interpellés sur une grave question quant à la sûreté de ces cuves. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Pourriez-vous faire un point sur l'EPR de Flamanville, notamment au regard de la réparation des soudures et des circuits principaux et secondaires pour lesquels vous avez accepté, le 22 mars 2021, une réparation télé-opérée ? Quel est l'impact des problèmes identifiés sur les EPR finlandais et chinois ? Quelles sont les étapes restant à franchir avant la mise en service du réacteur de Flamanville ? L'objectif d'une entrée en service l'année prochaine est-il réaliste ?
‑ Je remercie le président et le directeur général de l'ASN pour cette présentation et pour leur précieuse vigilance sur le temps long.
Le sénateur Stéphane Piednoir et moi menons actuellement une mission sur les conséquences de l'arrêt d'ASTRID. Cela m'amène à vous interroger sur le sujet de l'uranium appauvri. Cette mission nous a rappelé l'intérêt de conserver ces réserves d'uranium appauvri, compte tenu de leur faible dangerosité a priori, de leurs faibles coûts d'entreposage, et, à l'inverse, de leur important potentiel énergétique, notamment avec les réacteurs de nouvelle génération qui nous font dire que ces réserves ont une dimension stratégique. Pour autant, force est de constater que ces volumes sont importants. S'agissant des critères définis par l'ASN, est-il envisagé de rétrocéder certaines de ces matières – je parle de l'uranium appauvri – à des pays qui désireraient se constituer une réserve énergétique stratégique de long terme ?
J'aimerais aussi vous interroger sur le lien qui peut exister entre le niveau de sûreté et le rythme de construction. Le chantier de l'EPR de Flamanville a bien mis en évidence le risque de perte de compétences associé à un rythme de construction peu soutenu. Avez-vous étudié ce sujet, à la fois en flux de construction et en stock ? Ne crée-t-on pas un risque pour la sûreté à trop diminuer la part du nucléaire dans notre mix énergétique, diminution qui pourrait conduire à affaisser notre maîtrise globale en la matière ?
Pour la lutte contre le réchauffement climatique, le nucléaire est une option intéressante au niveau mondial, notamment pour remplacer les centrales à charbon et disposer d'une source pilotable d'électricité. Cependant, nous voyons bien que cela ne peut pas être tout à fait généralisable. En effet, pour le simple remplacement des centrales à charbon d'ici à 2050, il faudrait construire de l'ordre de 2 000 réacteurs, à un rythme impossible pour l'humanité. Dans la période la plus prospère du nucléaire, on construisait une vingtaine de réacteurs chaque année. Il faudrait donc plus de cent ans pour y parvenir, alors que nous sommes dans l'urgence climatique.
J'ai récemment demandé à un chercheur si la fusion nucléaire sera disponible dans cinquante ou cent cinquante ans. Il m'a répondu qu'elle le sera quand l'humanité en aura besoin. Pouvez-vous nous confirmer que la fusion nucléaire représente bien un Graal, que ce soit en termes de faible risque en matière de sûreté ou de faible production de déchets ? Nos efforts sont-ils suffisants ? Avez-vous une idée des masses financières qui seraient nécessaires pour développer la fusion, afin d'aboutir au nucléaire idéal, sans risque et sans production de déchets ?
Je vais ajouter mes propres questions ou des prolongements aux questions déjà formulées.
Le dossier de Flamanville s'est invité à de nombreuses reprises dans nos auditions. Pouvons-nous aussi faire un point sur le dossier de Fessenheim ? Le plan de démantèlement prévoit notamment de recycler les générateurs de vapeur, ce qui est usuel dans des pays comme l'Allemagne et la Suède, mais pas en France. Pouvons-nous faire le point sur les évolutions techniques et réglementaires en cours pour permettre ce recyclage dans des conditions de sûreté maîtrisée ? Existe-t-il des difficultés particulières ou est-ce une opération à envisager avec une relative sérénité ?
La question des ressources humaines s'est beaucoup invitée dans nos auditions. Vous avez insisté sur ce sujet, avec la demande adressée à EDF de rendre compte annuellement de sa capacité à agir, au regard des ressources humaines nécessaires.
Dans votre éditorial, monsieur le directeur général, vous soulignez la complexité croissante des questions à traiter, qui nécessite le recrutement de personnels expérimentés ou disposant de compétences rares, dans un contexte où une relative désaffection pour certains métiers de la filière nucléaire provoque des difficultés pour trouver ces personnels. À ce jour, l'ASN recrute plutôt des ingénieurs généralistes issus des grands corps de l'État. Pouvez-vous nous donner des exemples de sujets justifiant une évolution des compétences souhaitées ? Pourquoi les questions traitées deviennent-elles plus complexes et comment envisagez-vous l'avenir par rapport à cela ? Une action des pouvoirs publics est-elle nécessaire pour favoriser l'émergence des profils recherchés ?
La sous-traitance est un autre sujet qui s'invite régulièrement, et encore récemment. Nous nous étions fait le relais des préoccupations des acteurs du nucléaire, dès 2011, dans la mission post-Fukushima de l'OPECST, quant à la nécessité de gérer de façon plus sûre les conditions de la sous-traitance. Vous signalez, dans votre rapport, une augmentation très importante des travaux sur les centrales nucléaires. Nous savons que la question de la sous-traitance est délicate. Des alertes ont encore été émises récemment sur des fraudes intervenues dans ce cadre, même si elles ne semblent pas avoir eu de conséquences inquiétantes. Pouvons-nous faire un point sur la sûreté dans ce domaine ?
Les moyens consacrés aux recherches liées à la sûreté nucléaire vous semblent-ils à la hauteur des enjeux ? Des risques doivent-ils être éventuellement anticipés sur l'expertise et le contrôle ? Quelle est votre politique et quelles sont vos recommandations en matière de crédits de recherche ? Quels organismes de recherche est-il utile de mobiliser en France ou à l'étranger dans ce cadre ?
Deux organisations, Greenpeace et négaWatt, ont récemment publié un rapport estimant que, dix ans après Fukushima, seules douze des 23 mesures structurantes identifiées ont été mises en place sur l'ensemble du parc nucléaire d'EDF. Partagez-vous ce constat alarmiste ? Faut-il le nuancer ? À quelle échéance estimez-vous que l'ensemble des mesures post-Fukushima pourront être appliquées ?
Beaucoup de questions ont déjà été posées. Je m'interroge sur les cuves. Vous avez parlé de leur exposition aux rayonnements et des éventuels problèmes à venir sur le prolongement. Ces cuves ont-elles été fabriquées sur le même modèle pour les 32 réacteurs ? Savez-vous combien de cuves seraient concernées par cette problématique ?
Je m'interroge également sur les enceintes de confinement en béton. Ce matériau devenant poreux au cours du temps, existe-t-il aussi une vigilance à ce sujet ?
S'agissant des matières et déchets radioactifs, le bilan que vous avez établi montre qu'il n'existe apparemment aucune solution pour les déchets de faible activité à vie longue, graphites ou bitumés. De plus, le projet Cigéo n'est pas encore effectif. Finalement, en considérant tous ces déchets, nous pourrions presque conclure que nous sommes face à une absence de solutions, même en nous projetant dans un avenir proche, voire à moyen terme. Je trouve cela plutôt inquiétant.
J'ai omis d'évoquer la faille de sécurité constatée sur la centrale de Flamanville. Le sujet a été médiatisé, et l'intégralité des documents de sécurité, y compris la vidéoprotection et toutes les données, ont été rendus publics. Avec la députée Mathilde Panot, nous avons déposé une proposition de résolution pour demander la création d'une commission d'enquête. Tout cela va avancer. Que pensez-vous de cette faille de sécurité ?
‑ Je vais commencer par le sujet des SMR, notamment l'opportunité que pourraient présenter ces petits réacteurs modulaires dans le cadre des réflexions en cours sur la politique énergétique de la France. Ce sujet suscite un fort intérêt et de forts soutiens à l'innovation, notamment dans les pays anglo-saxons. Aujourd'hui, à peu près 70 projets de SMR sont recensés dans le monde. Certains sont déjà en exploitation, comme une barge flottante en Russie, d'autres sont à un stade avancé de conception, notamment aux États-Unis, en Chine et en Corée du Sud.
Quand vous dites 70 projets, s'agit-il de 70 modèles différents ou de 70 constructions se répartissant selon différents modèles ?
‑ Ce sont encore des projets papier correspondant à des conceptions très différentes. Cela va de micro-SMR de très faible puissance, d'1 mégawatt par exemple, à des réacteurs de 300 mégawatts. La gamme est très large, de 1 à 300 mégawatts. Ce peuvent être des SMR à eau sous pression – c'est notamment le cas du projet français et du projet américain. Ce peuvent être des SMR à sels fondus, au plomb, au sodium. On voit un foisonnement de concepts extrêmement variés.
Dans le monde, on recense à peu près 70 projets. Très peu sont à un stade avancé. C'est le cas notamment aux États-Unis et en Chine, mais cela se compte sur les doigts de la main. À ma connaissance, un seul SMR est en exploitation, sur une barge flottante en Russie.
Un premier SMR d'une puissance de 120 mégawatts a été homologué par les autorités de sûreté américaine et canadienne. Il pourrait entrer en service en 2029.
Un consortium français constitué d'EDF, du CEA, de TechnicAtome et de Naval Group travaille sur un projet de SMR de 170 mégawatts. Ce consortium vise essentiellement, à ce stade, le marché étranger de remplacement des centrales au charbon ou au gaz. Il envisage de construire en France un démonstrateur qui permettrait de valider les concepts.
Les SMR présentent-ils des avantages significatifs en matière de sûreté ? C'est effectivement le cas, en tout cas au vu des discussions avec nos homologues au niveau international – Olivier Gupta évoquait WENRA. Ces petits réacteurs modulaires présentent, tout d'abord, une capacité intrinsèque de sécurité ou de sûreté passive : en cas d'accident, une intervention humaine et des sources d'énergie externes ne sont pas nécessaires pour maintenir leur niveau de sûreté.
Ensuite, ce sont des réacteurs de petite puissance. La puissance à évacuer en cas d'accident est donc plus faible. Le projet français pourrait conduire à un petit réacteur qui fonctionnerait sans bore. Le bore est un poison utilisé dans la conduite des réacteurs, surtout en situation accidentelle, pour réduire les effets de radioactivité et d'emballement du réacteur. L'absence de bore permet d'éviter les accidents de dilution et limite la production d'effluents, puisque le bore est aussi utilisé pour faire fonctionner le réacteur en situation normale. La sécurité passive, une puissance résiduelle moindre à évacuer et un fonctionnement sans bore pourraient constituer des avantages significatifs à considérer en cas de renouvellement du parc nucléaire, surtout pour des durées de soixante à quatre-vingts ans. Ces SMR présenteraient l'avantage de ne pas être exposés au risque de rejet en cas d'accident. C'est un aspect fondamental de ces réacteurs modulaires de petite taille.
Il reste encore beaucoup d'étapes à franchir. Tout cela est encore assez théorique, à l'état de papier. Les projets ne sont pas encore au stade des études. De nombreuses hypothèses de conception restent donc à valider, un certain nombre de verrous technologiques sont encore à lever et il faudra vraisemblablement des outils de calcul spécifiques, certainement des maquettes représentatives, pour pouvoir valider les différentes options. Il faut donc rester prudent. Sur le papier, le concept des SMR paraît très intéressant. Si c'est avéré, c'est certainement une option à mettre sur la table dans une réflexion à moyen terme sur le nucléaire, compte tenu de l'avantage que représente l'absence de risque de rejet en cas d'accident. Mais il reste beaucoup de travail.
Le dernier avantage des SMR est leur conception d'ensemble. Ces réacteurs seraient enterrés ou semi-enterrés, ce qui conférerait à l'installation une robustesse supérieure face à des risques d'agression, notamment la chute d'avion et les risques d'attentat. Voilà en ce qui concerne les avantages de ces réacteurs.
Une standardisation plus importante des petits réacteurs modulaires simplifie l'évaluation de sûreté et le chantier et réduit potentiellement les délais de construction et de mise en œuvre, n'est-ce pas ?
‑ Tout à fait. Ces petits réacteurs pourraient essentiellement être fabriqués en usine. En termes de maîtrise des conditions de construction, ce serait vraisemblablement un avantage. La fabrication serait aussi plus simple. Ces réacteurs sont modulaires, il est donc possible de les assembler pour augmenter la puissance d'ensemble. C'est aussi un élément qui peut être favorable. En revanche, ce sont des réacteurs qui présentent un coût important. Seules de grandes séries permettraient de fournir des réacteurs produisant de l'électricité à un coût compétitif.
Il demeure donc beaucoup de sujets à étudier mais, à l'évidence, des avantages en termes d'industrialisation et de sûreté existent.
J'en viens à la question posée à plusieurs reprises sur les cuves des réacteurs, pour rappeler ce que nous avons été amenés à faire dans le cadre de l'instruction du dossier de réexamen périodique des réacteurs de 900 mégawatts d'EDF, et la manière dont nous avons traité le sujet des cuves. Je l'ai dit dans mon intervention liminaire, il est clair que la tenue des cuves est un élément déterminant de la durée de vie des réacteurs. Le métal des cuves est exposé aux rayonnements, et les caractéristiques mécaniques de ce métal se dégradent au fil du temps, du fait de ces rayonnements.
À l'origine de la construction des réacteurs de 900 mégawatts, la durée de vie qui avait été envisagée était de quarante ans. Les études de conception, à ce moment-là, étaient réalisées avec une vérification de la tenue des cuves pour quarante ans. C'est la raison pour laquelle le réexamen de sûreté des réacteurs de 900 mégawatts pour aller au-delà de quarante ans est un sujet sensible. Bien évidemment, EDF a fourni un certain nombre de justifications qui ont été analysées par l'IRSN et par le groupe permanent d'experts de l'ASN. Ces justifications nous ont semblé suffisamment probantes pour accepter un prolongement de quarante à cinquante ans.
Une dizaine de cuves de réacteur de 900 mégawatts sont affectées de défauts d'origine. Au moment de leur fabrication, quelques microfissures ont été détectées. Elles sont suivies en permanence et n'ont pas évolué depuis la fabrication. L'ensemble de ces éléments, le contrôle de l'état réel des cuves, notamment celle de Tricastin 1, et les études réalisées par EDF ont été analysés et nous ont conduits à estimer qu'il était envisageable de prolonger de dix ans la durée de fonctionnement des réacteurs de 900 mégawatts.
Comme je le disais dans mon propos liminaire, les éléments qui nous ont été fournis n'ont qu‘un horizon de cinquante ans. Nous n'avons donc pas, pour l'instant, d'éléments permettant de nous positionner au-delà de cinquante ans. Pour certaines cuves, il faudra vraisemblablement qu'EDF fasse des analyses et des justifications complémentaires. C'est la raison pour laquelle j'ai dit que nous devions anticiper le plus possible ces analyses et nous interroger sur la possibilité d'aller au-delà de cinquante, voire de soixante ans, suffisamment tôt pour permettre au Gouvernement et aux opérateurs de prendre les décisions qui s'imposent, au cas où la tenue de ces cuves au-delà de cinquante ans ne pourrait pas être justifiée. Mais jusqu'à cinquante ans, les analyses faites jusqu'à présent nous permettent de dire que c'est possible.
Il est exact que la durée du futur PNGMDR a été prolongée de trois à cinq ans et que nous observons un retard par rapport à l'échéance normale d'élaboration du cinquième PNGMDR. Le plan a été élaboré par le ministère de la Transition écologique. L'ASN participe à l'élaboration de ce plan, mais n'en est plus le co-maître d'ouvrage.
Comment expliquer ce retard ? Pour la première fois, la préparation du plan a fait l'objet d'un débat public important, qui s'est étalé sur quasiment une année. Au vu des conclusions de ce débat, le ministère de la Transition écologique a souhaité mettre en place une commission dite d'orientation, rassemblant les parties concernées. Il s'agit d'exploiter non seulement les conclusions du débat public, mais aussi les avis émis par l'ASN, afin de proposer au ministère de la Transition écologique les éléments d'orientation les plus stratégiques et les plus importants. Ce processus d'élaboration, différent de celui des plans précédents, peut expliquer le retard.
De notre point de vue, les enjeux sont d'ailleurs considérables. Beaucoup d'analyses préalables ont été réalisées pour rechercher des solutions pour chacune des filières de gestion, mais aucune décision n'a été prise.
Je prendrai l'exemple des déchets très faiblement radioactifs, ce qui permettra de répondre à la question portant sur la valorisation des déchets TFA métalliques, liée au projet de démantèlement de la centrale de Fessenheim. Aujourd'hui, la capacité de stockage de ces déchets très faiblement radioactifs est limitée à 650 000 mètres cubes. Moyennant quelques aménagements, elle pourrait être portée à 900 000 mètres cubes. Le volume total de déchets TFA à stocker est estimé à 2,3 millions de mètres cubes au minimum. L'écart est évidemment considérable. La saturation des capacités pourrait apparaître d'ici à 2028 ou 2035, selon l'option retenue.
Trouver un nouveau site centralisé demande du temps. D'abord, il faut concevoir le nouveau projet, puis trouver un site qui l'accueille. Il faut donc anticiper pour disposer, à partir de 2030-2035, d'une solution continuée. La décision doit être prise dans les cinq ans qui viennent faute de quoi il n'y aura aucune chance que la France dispose d'une capacité de stockage à l'horizon 2035.
Si d'autres options permettent de réduire le volume des déchets à stocker in fine, elles sont à étudier et à mettre en œuvre. Une piste consiste à valoriser les déchets métalliques, qui sont, en volume, parmi les plus importants quand on additionne les équipements métalliques des installations d'Orano ou d'EDF.
‑ Une partie du débat public a porté sur cette capacité de valorisation. L'ASN et le ministère de la Transition écologique ont défini une orientation qui consisterait à permettre la valorisation des déchets métalliques dans le cadre d'un processus industriel, dans une installation centralisée unique, une installation de refusion dans laquelle l'ensemble des déchets métalliques TFA serait refondu. Cela permettrait, d'ailleurs, d'éliminer une part substantielle de radioactivité et d'avoir, in fine, un produit après refusion métallique dont le niveau de radioactivité serait extrêmement faible, et surtout inférieur aux seuils de libération très réduits définis au niveau communautaire.
Le seuil de libération pour ce type de déchets est de 10 microsieverts par an. À l'issue du processus industriel, les déchets deviendraient des produits valorisables dont le niveau de radioactivité serait inférieur à 10 microsieverts par an, soit 30 fois moins que l'exposition annuelle de la population française aux rayons cosmiques, par exemple. Ce sont des valeurs bien plus faibles que celles de l'exposition naturelle de la population.
Ce projet nous semble crédible parce qu'il est industriellement contrôlable : nous pouvons faire un contrôle des produits à l'entrée, un contrôle lors de la mise en place du processus de fusion et un contrôle pièce par pièce des produits qui sortent de l'usine. Ce n'est pas du tout le cas pour les autres déchets TFA, notamment les gravats, qui constituent l'autre volume majeur de ces déchets. Il n'est pas du tout possible d'envisager à ce stade un processus industriel qui permettrait d'avoir, pour les gravats, autant de garanties en matière de contrôle.
La position de l'ASN sur les déchets TFA reste celle que nous avons exprimée dans un avis en 2020 : nous ne sommes pas favorables à la mise en place de seuils de libération généralisés, parce que ce sont des opérations complexes à contrôler et vraisemblablement peu acceptables. En revanche, nous pensons que, de manière ciblée, pour les déchets métalliques, les enjeux en valent la peine parce qu'il serait fait appel à un processus industriel pouvant être mis sous contrôle. Cela réduirait de manière substantielle le volume final de déchets TFA à stocker. Pour l'instant, ces décisions ne sont pas prises, mais il faut les prendre.
Comme vous le dites, beaucoup de problèmes et d'obstacles sont identifiés, beaucoup d'analyses et de propositions sont à réaliser. À un moment, il faut choisir, et ces décisions doivent être prises dans les cinq années à venir. Sinon, nous allons nous retrouver à la fin de la décennie qui commence face à une saturation des capacités de stockage.
Une série de questions concerne l'EPR. L'EPR est un projet qui reste complexe et a subi de très nombreux aléas. Ces deux dernières années, un certain nombre d'étapes ont été franchies, par exemple le programme d'essais qui est extrêmement complet. Plus d'un millier d'essais, des essais de performance du réacteur, à la fois en situation normale et en situation accidentelle, ont été déroulés et leurs résultats sont globalement satisfaisants. Un certain nombre d'écarts, de non-conformités, appelleront des modifications de l'installation, avant la mise en service ou juste après, et la réalisation de nouveaux essais de validation. Nous avons autorisé, en octobre 2020, la livraison du combustible neuf. Ce combustible est entreposé dans les piscines du réacteur.
EDF doit réaliser un retour d'expérience sur les réacteurs en exploitation à Taishan, en Chine, et sur le réacteur en phase préalable de mise en service en Finlande. Une corrosion sous contrainte sur les pilotes, c'est-à-dire les tiges des soupapes du circuit primaire, a notamment été découverte sur ce dernier. Cela nécessite des modifications de ces pilotes. EDF travaille sur le sujet. En Chine, diverses anomalies ont été détectées sur la distribution de puissance dans le cœur des réacteurs de Taishan, ce qui nécessite des investigations et des modifications de la part d'EDF, ou en tout cas une vigilance particulière de sa part au moment de la mise en service de l'EPR de Flamanville.
Hormis les soudures, de nombreux sujets sont encore ouverts, et l'ASN ne dispose pas toujours de l'ensemble des éléments de la part d'EDF pour les instruire et donc pour trancher. Il est assez urgent qu'EDF termine ses analyses sur tous ces sujets et en transmette les conclusions à l'ASN, notamment si elle veut tenir l'objectif d'une mise en service fin 2022.
Le sujet le plus important concerne les soudures. Une centaine de soudures du circuit vapeur principal sont concernées par des écarts. EDF a prévu d'en réparer certaines et d'en maintenir d'autres en l'état, après justification. Les procédés de soudage ont été définis. Ils ont fait l'objet d'essais spécifiques et nous avons accepté les propositions d'EDF. Les réparations sont réalisées par lots. À ce stade, treize soudures, sur une cinquantaine du circuit vapeur, ont fait l'objet d'un feu vert de la part de l'ASN. Sept sur treize ont été réparées entièrement, de manière tout à fait satisfaisante, ce qui montre que c'est tout à fait possible lorsque les procédés de soudage et les soudeurs sont qualifiés, ce qui est une exigence minimale.
À la mi-mars, l'ASN n'a pas émis d'objection au démarrage de la réparation des huit soudures de traversée d'enceinte du circuit vapeur. Ce sont les plus difficiles. Ces soudures devront être réparées avec un robot. Nous avons donné notre feu vert. Nous n'avons donc pas d'objection par rapport aux propositions faites par EDF, mais EDF prend la responsabilité du choix de la méthode de réparation mise en œuvre.
Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots qui fabrique le robot et quels sont les points importants de la réalisation des soudures ?
Le robot avait déjà été mis en œuvre par Westinghouse à l'étranger. En France, une telle opération de réparation des soudures par l'intérieur des tuyauteries n'avait jamais été réalisée avec un robot. Le robot a été qualifié pour la dimension des tuyauteries et des soudures à réaliser. Les opérations ont consisté à enlever une manchette sur le circuit secondaire, de manière à pouvoir faire entrer le robot ainsi qu'un soudeur, parce qu'il a fallu faire à la main une phase d'accostage que le robot ne pouvait faire seul. Pour vous donner un exemple de la complexité de l'opération, le soudeur est entré dans la tuyauterie avec une combinaison réfrigérée, la température interne étant de 150 degrés.
Tout ceci s'est déroulé, pour une première soudure, de manière satisfaisante. La machine de soudage automatique est maintenant en place et réalise les premières soudures suivant les procédés qui ont été qualifiés et mis en œuvre par Westinghouse. Le processus de validation du procédé de soudage a été très long, suivi de l'entraînement des soudeurs et de la vérification des paramètres. Il a maintenant débuté sur les huit soudures de traversée d'enceinte. C'est la partie la plus complexe de la réparation. Une cinquantaine de soudures du circuit secondaire restent à réparer et une trentaine de soudures du circuit d'alimentation, soit environ 80 soudures au total. Si tout se passe bien, ces opérations de réparation vont se poursuivre jusqu'au début de 2022. La réparation de ces soudures est clairement sur le chemin critique du projet. Il n'y a plus de marge par rapport à l'objectif d'EDF d'obtenir une autorisation de mise en service pour fin 2022.
En mars dernier, nous avons été informés d'une nouvelle non-conformité en matière de soudage, qui ne concerne pas les soudures du circuit secondaire, mais certaines soudures de piquage présentes sur le circuit primaire principal, le circuit en eau sous pression qui est en contact direct avec le cœur du réacteur et les générateurs de vapeur. Trois soudures n'ont pas été réalisées conformément à ce qui était prévu à la conception : elles ont une dimension plus grande. Leur rupture n'est pas prise en compte par la démonstration de sûreté initiale, qui prenait en compte des soudures de piquage de dimension moindre. Après vérification, les soudures réalisées ne remplissent pas la totalité des critères qui sont exigés pour pouvoir bénéficier de la fameuse clause d'exclusion de rupture. La qualité des soudures n'est pas telle que l'on puisse postuler une très faible probabilité pour qu'elles se rompent, et nous ne pouvons exclure leur rupture. Il faut donc bien évidemment les consolider ou les réparer.
EDF est en train de réfléchir aux stratégies possibles pour remettre en état l'installation. Trois options sont étudiées : consolider les piquages, en mettant en place des colliers de maintien démontables permettant de limiter les conséquences d'une éventuelle rupture, couper et remplacer les tronçons comportant ces piquages, ou réparer les soudures pour qu'elles puissent remplir les critères de la clause d'exclusion de rupture. Ces trois options n'ont absolument pas le même impact sur le projet. Seule la première permettant d'espérer une mise en service de l'EPR avant fin 2022, elle est privilégiée par EDF. Nous prendrons position sur sa faisabilité durant l'été.
En ce qui concerne la politique énergétique de la France et le besoin de marges pour la sûreté, je confirme la position assez ancienne de l'ASN : il faut maintenir des marges sur le système électrique pour pouvoir faire face à des risques en termes de sûreté. Nous l'avons vu par le passé, nous ne pouvons pas exclure un aléa qui nous conduirait, pour des raisons de sûreté, à arrêter un, voire plusieurs réacteurs. Il faut que le système électrique dispose de marges, notamment pour faire face aux situations hivernales qui sont les plus tendues. Les interconnexions internationales des réseaux peuvent évidemment être utilisées pour compléter les marges françaises, mais elles doivent pouvoir être valorisées. Un exemple est souvent cité : si ces interconnexions permettent d'alimenter le réseau électrique national du fait de la production électrique éolienne à l'étranger et qu'il n'y a pas de vent, elles ne sont pas opérantes et ne donnent pas de solution.
Il faut donc rester prudent. C'est le deuxième message. Non seulement il faut des marges, mais il faut rester prudent parce que nous ne pouvons garantir qu'en situation de risque pour le réseau électrique, la France pourra bénéficier du soutien de productions étrangères. Divers dispositifs permettent d'alléger la demande d'électricité adressée au réseau ; RTE peut les actionner en tant que régulateur. Par exemple, des coupures peuvent être organisées. Ces éléments doivent être pris en compte pour faire face à une situation tendue sur le réseau électrique, parce qu'il ne faudrait pas – telle est notre préoccupation – qu'une situation tendue influence ou conditionne les décisions que nous aurions à prendre en matière de sûreté nucléaire. Il faut des marges pour la sûreté, pour qu'il n'y ait pas de doute sur notre capacité à agir.
Sur le plus long terme, non seulement il faut des marges, mais il faut aussi anticiper. Les centrales nucléaires ne sont pas éternelles. Elles devront être mises à l'arrêt. Si les projections faites aujourd'hui dans le cadre de la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie, qui postulent la possibilité de disposer de capacités de production électrique renouvelable suffisantes, ou si les marges dégagées par les politiques d'efficacité énergétique permettant l'arrêt des réacteurs n'étaient pas au rendez-vous, il ne faudrait pas que la conséquence soit la prolongation du fonctionnement des réacteurs actuels. C'est pourquoi il faut absolument anticiper. On rejoint la problématique des cuves évoquée précédemment. Il faut donc anticiper les recherches et le débat sur ce sujet, pour savoir exactement ce qu'il en sera et prendre des décisions en conséquence.
‑ En lien avec l'importante remarque que vous venez de faire, je me permets de revenir sur cette question des cuves au-delà de 50 ans. Est-ce que des éléments spécifiques appellent à la vigilance, sur une durée particulière ? Est-ce qu'il y a des caractéristiques physiques précises à surveiller ? Pourquoi évoquez-vous une vigilance particulière sur ces cuves, au-delà de 50 ans ?
La caractéristique mécanique qui s'affaiblit au fil du temps est la fluence du matériau. Si cette dégradation est importante, il peut y avoir un risque pour la tenue des cuves. Il existe plusieurs parades pour éviter la dégradation du métal de la cuve, par exemple une répartition du combustible adaptée à l'intérieur du cœur, de façon que le métal, notamment le plus proche des crayons de combustibles en périphérie, soit moins affecté par le rayonnement. Des mesures de gestion permettent de réduire l'exposition du métal de la cuve à travers le temps. Des réflexions sont également à mener sur les traitements éventuellement réalisables sur le matériau lui-même, pour améliorer ses caractéristiques mécaniques. D'après ce que je sais, cela se fait à l'étranger, notamment aux États-Unis. Nous n'avons pas exploré ces sujets en France, mais il faut absolument le faire pour savoir si des parades pourraient être mises en œuvre pour aller bien au-delà des 50 ans. Les analyses que nous avons obtenues de la part d'EDF et les conclusions des experts qui se sont prononcés sont claires : jusqu'à 50 ans, les cuves des réacteurs de 900 mégawatts, y compris celles qui font l'objet de défauts d'origine, ne sont pas en cause et ne portent pas de risque pour la sûreté. C'est pourquoi nous avons pris la décision générique. Néanmoins, les résultats montrent que les cuves de tous les réacteurs ne devraient pas pouvoir durer au-delà de 50 ans. Lorsque les analyses seront achevées, cela pourrait conduire EDF à choisir les réacteurs devant faire l'objet d'un arrêt d'ici 2035 – la programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit que douze réacteurs, en plus des deux arrêtés à Fessenheim, doivent être arrêtés entre 2028 et 2035. Il me paraît donc absolument indispensable de prendre en compte les sujets de sûreté, notamment celui que nous venons d'évoquer, pour articuler l'arrêt des réacteurs de 900 mégawatts avec l'échéance des 50 ans. D'ici 2035, 15 réacteurs de 900 mégawatts atteindront leurs 50 ans. Il conviendrait qu'EDF intègre les résultats d'analyses en termes de sûreté pour choisir, de manière judicieuse, les réacteurs à arrêter. C'est tout à fait possible, mais il faut se pencher sérieusement sur le sujet et réfléchir sur ce qui se passera après 50 ans. C'est fondamental, il faut anticiper.
Ce que vous avez évoqué est très substantiel, très significatif, et donne des pistes. Nous retenons bien sûr votre appel fort à anticiper, dans le cadre de ces opérations de prolongation et de sélection des réacteurs dont il faut envisager l'arrêt. La prise en compte de ces questions de sûreté dans les décisions futures est indispensable.
Une question portait sur la perspective de mise en place d'une filière nucléaire de fusion. Elle fait référence au projet ITER de démonstration de fusion nucléaire, par confinement magnétique de deutérium et de tritium, amenés à fusionner à l'intérieur du plasma à très haute température. L'installation ITER est unique au monde et sa construction est toujours en cours. Le planning prévisionnel de fonctionnement d'ITER comporte plusieurs phases. La première phase, qui pourrait advenir dans les prochaines années, est la réalisation d'un premier plasma qui ne serait pas radioactif, ce qui est prévu en 2025. Une première expérience de fusion thermonucléaire est envisagée en 2036. Le chantier est hors-norme et sa mise en place demande de réaliser de nombreuses expériences. Tout n'est pas encore prévu. Des innovations sont en cours pour pouvoir achever la construction du réacteur, certaines restent à valider. Par exemple, une recherche est en cours sur les nouveaux matériaux qui permettraient de réduire la propagation du flux neutronique considérable dégagé par la fusion à l'extérieur de la cuve et du bâtiment réacteur. Le choix du matériau dont sera constitué cet écran sera fondamental, ce flux neutronique conduisant à l'activation de matériaux à l'extérieur du réacteur lui-même. Les conditions d'injection du tritium sont également fondamentales pour faire fonctionner et maintenir le plasma en l'état. Ces deux sujets de recherche indispensables pour faire fonctionner l'installation ITER ne sont pas achevés.
Si la démonstration de fusion par confinement magnétique est concluante – elle ne sera réalisée qu'en 2036 – la deuxième étape, au-delà d'ITER, sera la décision de construire un pilote industriel de production d'électricité par fusion. Nous en sommes au démonstrateur et si tout se passe bien, la phase pilote aura lieu dans la deuxième moitié de ce siècle ; le développement d'une filière ne pourrait être envisagé qu'au XXIIe siècle. La fusion nucléaire peut apparaître comme un Graal, mais il reste encore beaucoup d'étapes à franchir et de technologies à maîtriser. Ce n'est pas gagné. Elle permettra de s'affranchir de la question de l'approvisionnement en combustible, et ainsi de valoriser un certain nombre de capacités dont nous disposons, mais elle ne supprimera pas la question des déchets. Il faudra gérer des déchets tritiés en quantité très importante et des déchets de produits activés dans l'installation par le flux neutronique. La fusion n'entraîne pas de miracle en termes de gestion des déchets.
‑ Grâce à la question de Thomas Gassilloud, nous avons abordé ce sujet de recherche de long terme sur la fusion qu'il est intéressant de remettre en perspective, avec les durées que vous évoquez. Vous parlez d'un projet qui utilise le confinement magnétique, mais il existe une voie alternative à celle du plasma, le confinement inertiel, dans lequel on bombarde une petite cible de combustible. Pouvez-vous dire quelques mots de son degré d'avancement ?
Je ne suis pas en mesure de le faire. Le seul projet dont j'ai connaissance est celui que je viens d'évoquer. C'est un projet déjà considérable, unique au monde.
Il faut faire très attention sur ces sujets. À un stade extrêmement préliminaire, les concepts peuvent apparaître très séduisants, mais des problèmes tout à fait concrets peuvent se poser ensuite, notamment en termes de résistance des matériaux. C'est d'ailleurs l'un des sujets sur ITER. Nous n'avons, à ce stade, pas d'interaction explicite avec d'autres porteurs de projets de fusion.
Je pensais au National Ignition Facility du laboratoire américain Livermore, avec des lasers surpuissants censés frapper une toute petite bille, pour créer les conditions de la fusion. C'est une voie peut-être encore moins avancée que le projet ITER. J'avoue mon manque de connaissances techniques sur ce dossier.
. ‑ En termes industriels, le projet ITER, d'envergure mondiale, est certainement le plus avancé.
Je continue maintenant sur les questions relatives aux matières radioactives, à leur valorisation et à l'uranium appauvri.
Nous avons récemment, toujours dans une approche de précaution, émis un avis sur les matières dans le cadre de l'élaboration du cinquième PNGMDR. Nous avons essayé d'y définir un certain nombre de principes pour l'appréciation du caractère valorisable des matières, qui pourraient guider les pouvoirs publics. Ce n'est pas de la responsabilité de l'ASN, mais de celle de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) et de la direction du Trésor. En France, nous avons ce double régime : tant qu'une matière est considérée comme valorisable, elle est désignée comme matière et il n'est pas nécessaire de provisionner des charges de long terme pour sa gestion. En revanche, si elle n'est plus considérée comme valorisable, elle devient un déchet.
L'avis de l'ASN définit trois principes. Tout d'abord, nous pouvons raisonnablement estimer qu'une matière est valorisable s'il existe ou s'il est réaliste d'espérer avoir une filière industrielle d'utilisation de celle-ci à un horizon de 30 ans et si la valorisation de ces matières porte sur des volumes cohérents avec les stocks détenus. Si la valorisation ne permet de valoriser qu'une infime partie du stock, ce n'est pas suffisant pour déclarer la totalité comme étant une matière valorisable. Premier principe : s'il existe une filière réaliste à horizon de 30 ans, nous pouvons considérer que la matière est valorisable.
Deuxième principe : au-delà de 30 ans et globalement jusqu'à 100 ans, il y a parfois des zones d'incertitude, nous ne savons pas si les matières pourront être valorisées, mais il faut avoir une démarche de prudence. S'il n'existe pas de filière industrielle réaliste pour valoriser l'ensemble des produits, il faut anticiper une requalification en déchets. Anticiper ne veut pas dire qualifier ces matières de déchets, mais réfléchir. Si ces matières étaient qualifiées de déchets, que faudrait-il faire en termes d'études, de recherche de sites potentiels ? Nous ne préconisons pas une requalification entre 30 et 100 ans, mais nous appelons à anticiper, parce que cela prend beaucoup de temps.
Troisième principe : en l'absence de perspectives au-delà de 100 ans, nous estimons qu'il faudrait requalifier la matière comme déchet.
Il revient évidemment à la DGEC et au ministère de la Transition écologique de traduire ces principes, s'ils les acceptent, dans le prochain PNGMDR. Cela conduira à des prescriptions particulières, soit en termes de requalification, soit en termes d'anticipation.
Le sujet de l'uranium appauvri peut typiquement entrer dans cette grille d'analyse. Comme il a été dit, les stocks d'uranium appauvri entreposés sont considérables. Je crois qu'ils sont de plus de 300 000 tonnes. Aujourd'hui, deux voies de valorisation sont envisagées par les exploitants. La première consisterait à utiliser cet uranium appauvri dans de futurs réacteurs à neutrons rapides, pour lesquels il n'existe pas aujourd'hui de projet concret, puisque la recherche sur les réacteurs à neutrons rapides, le projet ASTRID, a été repoussée. Ce serait possible s'il était un jour décidé de mettre en place une filière à neutrons rapides qui présente un certain nombre d'avantages, notamment en matière d'indépendance de l'approvisionnement en minerai d'uranium. Les réacteurs à neutrons rapides peuvent être des surgénérateurs et peuvent donc s'affranchir des besoins en uranium. Il apparaît que la quantité d'uranium appauvri qui pourrait être mobilisée pour faire fonctionner un parc de réacteurs à neutrons rapides équivalent au parc nucléaire actuel est infinitésimale par rapport aux 300 000 tonnes. Elle est de quelques pourcents et pourrait donc conduire à assurer le fonctionnement d'un parc de réacteurs à neutrons rapides pendant plusieurs milliers d'années. Cela n'a donc pas vraiment de sens par rapport aux critères que j'indiquais. De notre point de vue, si cette filière de valorisation était retenue, il faudrait requalifier comme déchet une partie substantielle de l'uranium appauvri et se préoccuper de ses conditions de stockage, parce que cette voie ne permettra pas d'utiliser tout le stock.
Une deuxième voie explorée par les exploitants consisterait à valoriser, sur une période plus courte, sept ou huit années, le stock d'uranium appauvri en cas de tension très forte sur le marché de l'uranium mondial. Cet uranium appauvri peut être ré-enrichi. Cela offrirait une certaine indépendance par rapport aux fluctuations des prix de l'uranium sur le marché mondial. Les procédés existent, c'est tout à fait possible industriellement. La totalité du stock d'uranium appauvri pourrait être valorisée dans une durée raisonnable, de sept à huit ans. Cette voie correspond à nos critères. Toutefois, la valorisation de ce stock d'uranium appauvri générerait, du fait de l'enrichissement, un stock équivalent d'uranium très appauvri. Le processus industriel conduit à ce qu'à l'issue du nouvel enrichissement de l'uranium, une partie très appauvrie soit conservée. Cela poserait donc le problème de la requalification en déchet de cet uranium très appauvri qui ne pourrait plus être valorisé. Même dans cette deuxième option, il faut réfléchir, en anticipation, à la question du stockage.
Voilà ce que je voulais dire sur les principes que nous avons formulés en termes de gestion des matières radioactives.
Sur la complexité croissante des questions à traiter mentionnée dans mon éditorial, un exemple tient justement à l'évaluation de la durée de vie des cuves. Il s'agit de déterminer si, au-delà des démonstrations de sûreté faites à l'origine, il est possible de faire des calculs plus raffinés pour mettre en évidence des marges et finalement exploiter les cuves au-delà de ce qui avait été envisagé au départ. Cela nécessite des calculs plus fins et donc des compétences plus importantes. Un autre exemple de compétences pointues et rares concerne celles dont nous avons besoin pour assurer le contrôle d'installations très spécifiques et uniques, comme ITER.
Nous avons mis en place un processus pour fidéliser et garder plus longtemps nos personnels, en leur proposant des parcours de carrière, de façon à entretenir et développer les compétences en interne. Vous évoquiez un vivier essentiellement constitué de fonctionnaires. Nous essayons de composer au mieux avec les règles et les contraintes qui sont les nôtres. Ce n'est pas toujours évident, mais nous menons toutes les actions nécessaires.
Une autre question concernait le béton des enceintes de confinement. L'enceinte est un composant non remplaçable. Elle participe à la limitation des rejets en cas d'accident grave. Par contre, elle n'est pas un élément aussi dimensionnant, aussi crucial que la cuve par rapport à l'évaluation de la durée de fonctionnement des centrales, parce que nous pouvons améliorer, lorsque c'est nécessaire, l'étanchéité des enceintes en béton en y apposant un revêtement composite. EDF l'a déjà fait sur différents réacteurs. C'est pourquoi nous avons fait ce focus sur les cuves, plutôt que sur les enceintes.
. ‑ L'ASN a un certain nombre de missions sur la recherche, décrites dans le code de l'environnement. Nous devons assurer un suivi des travaux de recherche et formuler des propositions ou des recommandations sur les besoins en recherche, en matière de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Ces propositions sont communiquées à la fois aux autorités et aux centres de recherche. Nous avons formulé, à ce stade, trois avis, en 2012, 2015 et 2018. Nous sommes en train d'en préparer un nouveau.
Notre stratégie, à ce stade, consiste à faire connaître ces avis. Nous prenons notre bâton de pèlerin, nous allons voir les centres de recherche, les grands organismes de recherche, le ministère de la Recherche et nous leur présentons ces avis, leur contenu, afin de jouer un certain effet d'influence pour qu'ils soient pris en compte dans les appels à projets.
Cette démarche a eu un certain nombre de résultats positifs, notamment sur des sujets comme le vieillissement des aciers et l'exposition aux faibles doses. Les avis de l'ASN ont été pris en compte dans les travaux de recherche ou dans les appels d'offres de recherche. Néanmoins, certains des sujets qui nous paraissaient importants n'ont pas été suffisamment suivis d'effet. Les centres de recherche nous disent souvent que les sujets sont intéressants, mais nous demandent quels sont les moyens dont nous disposons pour les aider à travailler dessus. Élément de faiblesse principale, l'ASN ne dispose d'aucun moyen financier pour appuyer cette stratégie d'influence.
Par ailleurs, certains travaux de recherche très spécifiques, d'ampleur moindre, et pouvant se réaliser sur deux ans par exemple, nous aideraient directement, dans le cadre des décisions que nous avons à prendre ; nous sommes les mieux à même de les piloter parce que nous connaissons parfaitement le besoin que nous avons nous-mêmes identifié. Dans ce cas, pourquoi faudrait-il que nous demandions à d'autres de piloter une recherche dont nous avons absolument besoin ?
Notre stratégie en matière de recherche est de continuer, avec l'appui du comité scientifique de l'ASN, à identifier les connaissances nécessaires pour asseoir notre mission et de disposer de moyens pour pouvoir influencer la recherche ou réaliser nous-mêmes un certain nombre de recherches. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2022, nous avons demandé à pouvoir disposer d'une enveloppe financière, modeste puisque nous avons demandé 300 000 euros, pour pouvoir notamment soutenir des projets de recherche ciblés, complémentaires aux travaux de recherche des grands organismes et qui seraient directement utiles à l'ASN. Une fois que nous aurons arrêté notre prochain avis, fin 2021 ou début 2022, notre ambition pour 2023 est de pouvoir disposer de crédits d'influence qui nous permettraient de participer à des tours de table et d'avoir un effet de levier sur les choix de thématiques de recherche, parce que nous apporterions une part de financement auprès d'opérateurs de recherches publiques.
La stratégie consiste donc à disposer de moyens financiers pour pouvoir réaliser des opérations ciblées dans un premier temps et pour avoir un degré d'influence plus fort dans les grands projets. L'ASN n'a évidemment pas l'intention – ce ne serait d'ailleurs ni raisonnable ni sérieux – de se substituer aux grands organismes de recherche dans le domaine de la sûreté et de la radioprotection, notamment l'IRSN et le CEA, ou aux centres de recherche dans le domaine médical. Il s'agit d'avoir une action complémentaire et de faire jouer un effet levier.
‑ Votre demande de 300 000 euros ne correspond pas à epsilon, mais à « epsilon au carré ». Une question concernait la sous-traitance et la façon dont les processus de vigilance étaient mis en œuvre. Une autre question concernait votre évaluation des alertes lancées récemment par des rapports de négaWatt et de Greenpeace sur le fait qu'à peine la moitié des mesures post-Fukushima ont été mises en place. Comment évaluez-vous la mise en œuvre des mesures post-Fukushima aujourd'hui, une dizaine d'années après ? Une autre question portait sur Fessenheim et les questions de recyclage.
. ‑ La sous-traitance est une pratique tout à fait normale dans le monde industriel et elle est développée dans le secteur nucléaire. La sous-traitance peut être bénéfique pour la sûreté lorsque des compétences pointues ne peuvent pas être entretenues à l'échelle d'un exploitant, mais que certains prestataires peuvent les développer en France et parfois à l'international. La sous-traitance est aussi nécessaire lorsque les opérations à réaliser n'entrent pas dans le cœur de métier de l'exploitant, auquel cas il est tout à fait naturel qu'il s'adresse à des sous-traitants. Ces sous-traitants peuvent, du fait de l'échelle du parc nucléaire français, entretenir leur expérience et leurs compétences.
Les sous-traitances en cascade, sans maîtrise du niveau de sous-traitance, ont été traitées dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Le point le plus important me semble être celui de la compétence. Dans les difficultés rencontrées, à la fois sur le parc en service et sur la construction des parcs neufs, la compétence peut être un point de faiblesse. Cette compétence n'est pas liée à la chaîne de sous-traitance. Il faut absolument que cette compétence soit vérifiée et évaluée régulièrement par le donneur d'ordres, notamment lorsqu'il fait le choix d'un nouveau prestataire, ou lorsque le prestataire n'a pas pratiqué d'activité dans le nucléaire depuis longtemps. De ce point de vue, le volume des travaux dans certaines filières, notamment la mécanique, qui seront multipliés par six dans les quelques années qui viennent, avec les travaux à réaliser sur les réacteurs en exploitation du fait du réexamen, sont un bon moyen d'entretenir cette compétence, de permettre aux prestataires de recruter, d'investir, de former, parce qu'ils ont une visibilité pour de nombreuses années. Le réexamen des réacteurs de 900 mégawatts va se dérouler jusqu'en 2031 et, à partir de 2025, il y aura le réexamen des réacteurs de 1 300 mégawatts. La filière nucléaire aura l'opportunité d'entretenir les compétences chez l'exploitant, ce qui est important aussi en termes d'ingénierie, mais également chez les sous-traitants. Je pense que la sous-traitance est un élément fondamental. Dans le cadre de notre mission d'inspection, nous avons prévu de réaliser des inspections chez les fabricants et chez les sous-traitants, de manière à pouvoir évaluer et contrôler cette compétence chez ces opérateurs.
L'exposition des sous-traitants aux rayonnements, notamment la différence entre les salariés d'EDF et ceux des prestataires, est souvent évoquée. Les travailleurs des entreprises sous-traitantes sont soumis aux mêmes règles de radioprotection que les salariés d'EDF. Le code du travail s'applique à tous. La différence en termes d'exposition aux rayonnements ionisants peut s'expliquer par les tâches confiées à ces sous-traitants, notamment en arrêt de tranche, dans le cadre de chantiers réalisés en zone contrôlée : des travaux, des modifications, mais aussi la pose d'échafaudages, la pose et la dépose de calorifuges, etc. Ces opérations, souvent sous-traitées, peuvent conduire les salariés des entreprises sous-traitantes à des expositions plus importantes que les salariés d'EDF.
‑ La sous-traitance s'est aussi invitée récemment dans l'actualité, dans le cadre d'un scandale de documents falsifiés par une entreprise de sous-traitance, afin que des soudeurs n'ayant pas toutes les certifications requises puissent intervenir à La Hague. La question du contrôle de la compétence dans la chaîne de la sous-traitance était ainsi posée.
. ‑ Vous avez raison : est posée non seulement la question de la compétence, mais aussi celle du risque de fraude. Cela concerne d'ailleurs l'ensemble des opérateurs : les prestataires, mais aussi les exploitants. Vous faites directement écho au plan d'action qui a été mis en œuvre par l'ASN, il y a quelques années, contre le risque de fraude, suite aux constats faits notamment au Creusot. Ce plan comporte plusieurs types d'actions, notamment un renforcement du contrôle par les exploitants, qui contrôlent leurs prestataires, ainsi que les documents et justifications fournis par ces derniers. Il y a aussi le recours à des organismes de contrôle extérieurs, qui permet d'avoir un regard indépendant sur les contrôles qui sont réalisés. L'ASN effectue des inspections sur ce thème du risque de fraude. Nous avons aussi mis en place un système de recueil des signalements, sur un portail Internet qui est ouvert aux lanceurs d'alerte. Toutes ces dispositions, qui sont maintenant opérationnelles, permettent de mieux identifier les anomalies ou les risques de fraude.
Le renforcement des contrôles mis en place par les exploitants concerne notamment le cas récent que vous citez chez Orano. Orano a en effet détecté qu'un prestataire croate qui réalisait des opérations de soudage dans son usine de La Hague, avait falsifié les procès-verbaux de qualification des soudeurs. Orano a détecté et déclaré immédiatement cet incident. Il a vérifié, sur ses autres sites, si cette entreprise était intervenue et nous avons nous-mêmes communiqué cette information à l'extérieur. Les risques de fraude concernent essentiellement les documents qui attestent des qualifications ainsi que ceux qui attestent d'un contrôle, notamment les contrôles non destructifs. Parfois, ce contrôle est attesté comme ayant été fait et ne l'a pas été. Puis, il y a des fraudes sur l'identité des personnels. Les noms sont changés pour pouvoir bénéficier des qualifications. Ce sont les écarts les plus fréquents.
‑ Passons à la question sur la mise en œuvre des mesures post-Fukushima sur l'ensemble du parc.
. ‑ Suite aux évaluations complémentaires de sûreté (ECS) réalisées après Fukushima, un programme de travail très important a été défini. Les premières modifications demandées correspondaient à la consolidation des dispositifs existant sur site, pour faire face à une perte totale d'alimentation électrique ou de source froide. Ce sont des dispositifs mobiles. Par exemple, la force d'action rapide du nucléaire (FARN) d'EDF existe aussi chez Orano. Ces dispositions ont été mises en place et sont opérationnelles.
Une deuxième étape de consolidation des installations a été définie et a été en grande partie réalisée. Cette deuxième phase consistait, pour simplifier, à faire « en dur » ce qui avait été mis en place grâce à des unités mobiles, pour que ces dispositifs supplémentaires soient présents à demeurent sur chacun des sites. Cette deuxième phase n'est pas terminée. Il y a eu des retards, mais ils sont relativement bien identifiés et peuvent parfois s'expliquer par des raisons industrielles. Il y a eu, par exemple, un retard sur les diesels d'ultime secours (DUS) à mettre en place chez EDF. Ce retard a été maintenant rattrapé, mais certaines opérations ne sont pas encore mises en œuvre chez tous les exploitants, par exemple les centres de crise bunkerisés. Néanmoins, les exploitants ont vérifié que les centres de crise actuels pouvaient résister à des aléas extrêmes. Les quelques écarts sont justifiés ou explicables sur cette deuxième phase.
La troisième phase est une phase à plus long terme, correspondant à des modifications plus importantes, qui ont été prévues dans le cadre du réexamen de sûreté des réacteurs, notamment le quatrième réexamen des réacteurs de 900 ou de 1 300 mégawatts et le troisième réexamen des réacteurs du palier N4. Cette phase de consolidation de long terme avait été prévue comme devant être interfacée avec le réexamen. Celui-ci étant en cours, cette phase n'est donc pas terminée. Globalement, nous estimons qu'à quelques écarts près, les exploitants ont plutôt bien suivi le calendrier prévu pour les évaluations complémentaires de sûreté post-Fukushima.
‑ Quand ce programme de mise à jour sera-t-il finalisé, avec la fin de la troisième phase ?
. ‑ La troisième phase est cadencée avec les réexamens. La date butoir doit être 2031 pour les réacteurs de 900 mégawatts et 2035 pour les réacteurs de 1 300 mégawatts.
Une autre question concernait Fessenheim et le recyclage des générateurs de vapeur. Est-ce qu'il y a des difficultés particulières ?
Vous nous parlez des trois phases, mais il me semble que la troisième phase entraîne des engagements financiers beaucoup plus lourds que les deux premières. Est-ce que vous pourriez nous donner un ordre d'idée ? La faisabilité et le respect des calendriers sont aussi conditionnés par le fait de pouvoir financer les travaux.
. ‑ Je n'ai pas de chiffre. Je ne sais pas si un représentant de l'ASN en a et peut répondre plus précisément à votre question. Ces travaux qui sont programmés dans le cadre des réexamens figurent dans le plan Grand carénage d'EDF. Ce plan conduit à une enveloppe financière de 50 milliards d'euros courants, qui a été actualisée récemment. Quel est leur coût réel ? Je ne sais pas répondre à cette question.
Le phasage a été défini au regard d'objectifs de sûreté. Comme Bernard Doroszczuk l'a dit, la première phase était vraiment très réactive et la deuxième consistait plutôt à augmenter la résilience des organisations et des installations. La troisième phase est une étape complémentaire permettant d'ajouter une ligne de défense. L'objectif est de prévenir les rejets massifs et les effets durables sur l'environnement, ce qui constitue un objectif du réexamen. C'est pourquoi cette phase est en lien avec le réexamen. Dans cette phase est bien inscrite la fonction de récupération de corium, au cas où le cœur fond, pour éviter la contamination des nappes, ainsi que le refroidissement de l'enceinte pour éviter les rejets. La nature et le niveau de sûreté atteints à la suite de ces phases ne sont pas du tout les mêmes. La dernière phase, en lien avec le réexamen, permet de se rapprocher des objectifs de sûreté des réacteurs de troisième génération, d'où le phasage en termes d'objectifs croissants de sûreté.
Ce sont effectivement des travaux très importants. Bernard Doroszczuk citait l'échéance de 2035. Une partie des travaux sont faits en quatrième visite décennale pour les réacteurs de 900 mégawatts, pour certains quatre ans après la visite décennale, puisque les travaux sont phasés sur deux arrêts, compte tenu de leur importance. Ceci nous amène à l'échéance de 2035. Je rappelle que les vérifications à faire à l'issue de Fukushima avaient été définies par un cahier des charges commun à l'échelle européenne, défini par l'association WENRA. Au regard des autres pays, la France n'est pas en retard, malgré le nombre très important de réacteurs à modifier. Au contraire, peu de pays ont décidé de procéder aux modifications correspondant à ce que Sylvie Cadet-Mercier appelait la troisième phase.
. ‑ Concernant les générateurs de vapeur de Fessenheim, je n'ai pas été tout à fait clair lorsque j'ai parlé de la mise en place d'un processus industriel de valorisation des déchets métalliques TFA. Ce projet est envisagé sur le site de Fessenheim, mais il pourrait être également réalisé sur le site du Tricastin. EDF a mis en avant ces deux options, mais je crois que l'option privilégiée est Fessenheim. Ce projet industriel permettrait notamment de valoriser le métal des générateurs de vapeur de Fessenheim, qui y serait refondu. L'opération est directement liée aux projets de textes diffusés récemment, qui font suite au débat public sur le cinquième PNGMDR et qui prévoient la possibilité de déroger à la réglementation actuelle, pour valoriser uniquement les déchets TFA métalliques, ce à quoi nous sommes favorables.
‑ Pour être sûr de bien clarifier la question, je reviens sur les mesures post-Fukushima. Le document auquel je faisais allusion est le rapport publié par l'association négaWatt, en date du 5 mars 2021, parlant des mesures de renforcement du parc nucléaire français dix ans après Fukushima. Ce rapport, qui interpelle, porte un jugement assez sévère sur certains retards, évoque le fait que dans le plan initial la plupart des mesures devaient être mises en œuvre à l'échelle d'une décennie et qu'elles ont été ensuite échelonnées en trois phases, dont une phase bien plus longue pour permettre à l'opérateur de s'adapter. Je cite la prise de position des auteurs. D'abord, ils insistent sur le retard de mise en œuvre des diesels d'ultime secours que vous évoquiez. En 2020, nous dit le rapport, alors que certains de ces diesels sont mis en service, de nombreuses avaries sont constatées, notamment des départs de feu lors du démarrage. En juin 2020, EDF déclare indisponibles les diesels de secours de six réacteurs. Aucun avis d'incident n'est publié sur le site de l'ASN, qui ne communique pas cet évènement malgré une consultation publique menée le même mois pour autoriser un nouveau report de l'échéance de mise en service de certains diesels. L'ASN décide une nouvelle fois de modifier ses prescriptions pour s'adapter aux capacités de l'exploitant et repousse l'échéance pour les centrales de Cattenom, Flamanville et Paluel. Les derniers réacteurs à avoir leurs diesels disponibles sont donc les réacteurs 1 et 2 de la centrale de Paluel, avec une échéance finalement fixée à fin février 2021. Je vous livre ici des éléments du rapport bruts, pour connaître vos réactions et savoir comment vous évaluez ce retard.
Nous n'avions pas fixé, à l'origine, d'échéance sur l'ensemble des aspects. Il n'est pas réellement exact de dire que tout était prévu sous une décennie et qu'ensuite la phase trois a été décidée. En revanche, il est vrai que des difficultés ont été rencontrées dans la construction des premiers diesels d'ultime secours, sur les 32 réacteurs de 900 mégawatts, ainsi que sur d'autres réacteurs. Nous avons accepté un report d'échéance, compte tenu des difficultés industrielles justifiées et vérifiées aussi par nos propres inspecteurs. Se posait une question de faisabilité, mais nous avons considéré qu'il valait mieux donner un peu plus de temps à EDF pour que ces travaux soient bien faits, plutôt que de les finir dans la précipitation. Après dix ans, ces travaux sur les diesels d'ultime secours sont réalisés et permettent aux centrales nucléaires d'être plus robustes à la perte d'alimentation électrique, dans le cadre des accidents de dimensionnement.
Vous dites que l'affaire est, de votre côté, documentée et que la solution qui mène au plus haut niveau de sûreté, d'une façon qui peut être mise en œuvre concrètement, aboutit à cet étalement sur trois phases qui prennent en compte les grandes opérations de maintenance sur les réacteurs : 2031 pour les 900 mégawatts, 2035 pour les 1 300 mégawatts. Par ailleurs, vous estimez que les retards sur la deuxième phase se comprennent et sont sous contrôle. Pour les diesels d'ultime secours en particulier, vous précisez qu'ils sont tous mis en œuvre à présent.
Oui. Pour revenir sur les dates, l'échéance est aussi à 2035 pour les réacteurs de 900 mégawatts, parce qu'en réalité, une partie des modifications est mise en œuvre au deuxième lot de modifications, quatre ans après la visite décennale. 2031 correspond à la fin des visites décennales et il faut compter quatre ans supplémentaires.
C'est bien noté. Je pense que nous sommes allés au bout de notre stock de questions. Nous avons pris sensiblement plus de temps que prévu et je vous remercie, monsieur le président, monsieur le directeur général, pour votre disponibilité et pour la patience avec laquelle vous avez répondu à toutes nos questions. Cette patience est nécessaire pour que cet échange avec le Parlement puisse aborder le fond des dossiers.
Nous avons bien noté certains messages qui sont venus de façon récurrente dans votre discours, sur l'importance des ressources humaines, la capacité à faire et à mettre en œuvre les opérations complexes à venir, les opérations qui ont tendance à être de plus en plus complexes, l'importance des choix stratégiques à faire, sur lesquels l'État doit se prononcer assez rapidement. Comme vous le dites, des choix décisifs doivent être faits dans les cinq années à venir.
Nous avons bien noté aussi ce que vous nous dites sur la recherche, et l'importance pour vous de disposer de financements destinés la recherche, si modestes soient-ils, étant entendu qu'ils viennent en complément d'autres moyens, pour participer à des recherches, non pour mener des recherches en propre.
Sur les marges de sûreté, sur les cuves, sur la fusion, sur les mesures post-Fukushima, sur la valorisation des déchets TFA métalliques et la libération, dans certains cas, des déchets de très faible activité, sur les filières à neutrons rapides, sur les petits réacteurs modulaires, sur les questions de contrôle des ressources humaines et de la sous-traitance, la variété et la complexité des questions abordées ont montré que la technicité du sujet est considérable et combien il est important d'avoir une autorité de contrôle, capable de jouer son rôle en toute indépendance, avec la plus grande compétence et la plus grande détermination. Elles ont montré également l'importance de pouvoir mener régulièrement ces séances, au cours desquelles vos rapports et vos conclusions sont présentés et discutés au Parlement.
Un grand merci pour le soin et la qualité avec lesquels vous préparez votre rapport et ces auditions. C'est avec plaisir que nous continuerons ce partenariat institutionnel de long terme, inscrit dans la loi, extrêmement important pour que l'Office puisse très régulièrement discuter et être éclairé par vos analyses. Tous nos souhaits pour la suite de l'accomplissement de vos missions qui sont à la fois délicates et fondamentales pour la France.
. ‑ Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les parlementaires. Nous restons à la disposition de l'Office, si vous souhaitiez des approfondissements. Je pense notamment à la discussion que nous avons eue sur le PNGMDR, dans le cadre des étapes à venir.
Vous avez tout à fait raison. Deux missions sont en cours, d'une part la mission Sido-Cariou sur le PNGMDR, d'autre part la mission Gassilloud-Piednoir sur l'état de la recherche et des orientations stratégiques françaises après l'abandon d'ASTRID. Ces deux missions donneront lieu à des rapports de l'Office et à des séances au cours desquelles nous aborderons tous ces sujets pour lesquels votre expertise, ainsi que votre contribution au débat public, seront précieuses. Pour l'évaluation du PNGMDR, nous sommes tributaires de la publication de ce document par le Gouvernement. Tout est prêt pour qu'après sa publication, nous puissions finaliser le rapport et ses conclusions et organiser le débat, mais pour l'instant nous devons évaluer une stratégie qui n'est officiellement pas connue. Nous revenons à ce que vous évoquiez dans le courant de l'audition sur les échéances stratégiques sur lesquelles l'État est très clairement en retard.
La réunion est close à 12 h 25.