Intervention de Bernard Doroszczuk

Réunion du jeudi 27 mai 2021 à 8h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire :

‑ Tout à fait. Ces petits réacteurs pourraient essentiellement être fabriqués en usine. En termes de maîtrise des conditions de construction, ce serait vraisemblablement un avantage. La fabrication serait aussi plus simple. Ces réacteurs sont modulaires, il est donc possible de les assembler pour augmenter la puissance d'ensemble. C'est aussi un élément qui peut être favorable. En revanche, ce sont des réacteurs qui présentent un coût important. Seules de grandes séries permettraient de fournir des réacteurs produisant de l'électricité à un coût compétitif.

Il demeure donc beaucoup de sujets à étudier mais, à l'évidence, des avantages en termes d'industrialisation et de sûreté existent.

J'en viens à la question posée à plusieurs reprises sur les cuves des réacteurs, pour rappeler ce que nous avons été amenés à faire dans le cadre de l'instruction du dossier de réexamen périodique des réacteurs de 900 mégawatts d'EDF, et la manière dont nous avons traité le sujet des cuves. Je l'ai dit dans mon intervention liminaire, il est clair que la tenue des cuves est un élément déterminant de la durée de vie des réacteurs. Le métal des cuves est exposé aux rayonnements, et les caractéristiques mécaniques de ce métal se dégradent au fil du temps, du fait de ces rayonnements.

À l'origine de la construction des réacteurs de 900 mégawatts, la durée de vie qui avait été envisagée était de quarante ans. Les études de conception, à ce moment-là, étaient réalisées avec une vérification de la tenue des cuves pour quarante ans. C'est la raison pour laquelle le réexamen de sûreté des réacteurs de 900 mégawatts pour aller au-delà de quarante ans est un sujet sensible. Bien évidemment, EDF a fourni un certain nombre de justifications qui ont été analysées par l'IRSN et par le groupe permanent d'experts de l'ASN. Ces justifications nous ont semblé suffisamment probantes pour accepter un prolongement de quarante à cinquante ans.

Une dizaine de cuves de réacteur de 900 mégawatts sont affectées de défauts d'origine. Au moment de leur fabrication, quelques microfissures ont été détectées. Elles sont suivies en permanence et n'ont pas évolué depuis la fabrication. L'ensemble de ces éléments, le contrôle de l'état réel des cuves, notamment celle de Tricastin 1, et les études réalisées par EDF ont été analysés et nous ont conduits à estimer qu'il était envisageable de prolonger de dix ans la durée de fonctionnement des réacteurs de 900 mégawatts.

Comme je le disais dans mon propos liminaire, les éléments qui nous ont été fournis n'ont qu‘un horizon de cinquante ans. Nous n'avons donc pas, pour l'instant, d'éléments permettant de nous positionner au-delà de cinquante ans. Pour certaines cuves, il faudra vraisemblablement qu'EDF fasse des analyses et des justifications complémentaires. C'est la raison pour laquelle j'ai dit que nous devions anticiper le plus possible ces analyses et nous interroger sur la possibilité d'aller au-delà de cinquante, voire de soixante ans, suffisamment tôt pour permettre au Gouvernement et aux opérateurs de prendre les décisions qui s'imposent, au cas où la tenue de ces cuves au-delà de cinquante ans ne pourrait pas être justifiée. Mais jusqu'à cinquante ans, les analyses faites jusqu'à présent nous permettent de dire que c'est possible.

Il est exact que la durée du futur PNGMDR a été prolongée de trois à cinq ans et que nous observons un retard par rapport à l'échéance normale d'élaboration du cinquième PNGMDR. Le plan a été élaboré par le ministère de la Transition écologique. L'ASN participe à l'élaboration de ce plan, mais n'en est plus le co-maître d'ouvrage.

Comment expliquer ce retard ? Pour la première fois, la préparation du plan a fait l'objet d'un débat public important, qui s'est étalé sur quasiment une année. Au vu des conclusions de ce débat, le ministère de la Transition écologique a souhaité mettre en place une commission dite d'orientation, rassemblant les parties concernées. Il s'agit d'exploiter non seulement les conclusions du débat public, mais aussi les avis émis par l'ASN, afin de proposer au ministère de la Transition écologique les éléments d'orientation les plus stratégiques et les plus importants. Ce processus d'élaboration, différent de celui des plans précédents, peut expliquer le retard.

De notre point de vue, les enjeux sont d'ailleurs considérables. Beaucoup d'analyses préalables ont été réalisées pour rechercher des solutions pour chacune des filières de gestion, mais aucune décision n'a été prise.

Je prendrai l'exemple des déchets très faiblement radioactifs, ce qui permettra de répondre à la question portant sur la valorisation des déchets TFA métalliques, liée au projet de démantèlement de la centrale de Fessenheim. Aujourd'hui, la capacité de stockage de ces déchets très faiblement radioactifs est limitée à 650 000 mètres cubes. Moyennant quelques aménagements, elle pourrait être portée à 900 000 mètres cubes. Le volume total de déchets TFA à stocker est estimé à 2,3 millions de mètres cubes au minimum. L'écart est évidemment considérable. La saturation des capacités pourrait apparaître d'ici à 2028 ou 2035, selon l'option retenue.

Trouver un nouveau site centralisé demande du temps. D'abord, il faut concevoir le nouveau projet, puis trouver un site qui l'accueille. Il faut donc anticiper pour disposer, à partir de 2030-2035, d'une solution continuée. La décision doit être prise dans les cinq ans qui viennent faute de quoi il n'y aura aucune chance que la France dispose d'une capacité de stockage à l'horizon 2035.

Si d'autres options permettent de réduire le volume des déchets à stocker in fine, elles sont à étudier et à mettre en œuvre. Une piste consiste à valoriser les déchets métalliques, qui sont, en volume, parmi les plus importants quand on additionne les équipements métalliques des installations d'Orano ou d'EDF.

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