Intervention de Patrick Netter

Réunion du jeudi 24 juin 2021 à 10h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Patrick Netter, membre de l'Académie nationale de médecine :

. – Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation à présenter ce rapport des Académies de médecine et de pharmacie. Nous sommes accompagnés de plusieurs membres, car ce rapport est un travail collectif. Je salue la présence du président de l'Académie de médecine, M. Bernard Charpentier, de Mme la Secrétaire perpétuelle de l'Académie de pharmacie, Mme Liliane Keros, de Mme Christiane Garbay, M. Bruno Clément, M. Patrice Debré, président du Comité international de l'Académie de Médecine, du professeur M. Patrice Tran Ba Huy, vice‑président de notre compagnie, de M. Christian Boitard, qui a été un acteur très important, et de M. Raymond Ardaillou.

Ce travail sur la réforme de la recherche en sciences biologiques et santé a donné lieu à un rapport en deux parties. En termes de genèse, un groupe de travail s'est réuni au sein des Académies de Médecine et de Pharmacie et a rendu un premier rapport fin 2019 de contribution au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. La pandémie de Covid‑19 a ensuite bouleversé les calendriers. La loi a été votée fin 2020. Le dispositif de recherche nous est apparu relativement défaillant, comme l'indiquait une première présentation de nos travaux à l'OPECST en juin 2020. Ce groupe de travail a poursuivi ses travaux pour approfondir ses recommandations, que nous vous présentons aujourd'hui. Les deux parties du rapport traitent, d'une part du financement, d'autre part de l'organisation.

Force est de constater le constant recul de la France dans le domaine de la recherche médicale et de l'innovation, passant, en termes de production de publications, de la 5e place en 2000 à la 6e en 2010 et la 10e depuis 2019. Dans le domaine de l'innovation dans les biotechnologies, la France est placée en 17e position. Les Académies ont donc souhaité formuler des propositions concrètes sur le financement et sur le dispositif de recherche en biologie‑santé.

Une chute de l'investissement consacré à la recherche en biologie‑santé explique cette situation. Les multiples sources de financement n'assurent en effet ni cohérence ni budget adapté. Ces sources incluent la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES), sur la base des programmes 150 et 172 (financement des organismes de recherche (INSERM, CNRS), des agences, des universités), les programmes d'investissement d'avenir (PIA), les programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC), les missions d'enseignement de recherche, de référence et d'innovation (MERRI) « socle », les collectivités territoriales, les contrats européens, ainsi que d'autres sources qui ne sont pas négligeables dans le domaine de la biologie‑santé (fondations, associations). Le budget de la MIRES en biologie‑santé a diminué de 22 % en 11 ans (en euros constants) et ne constitue plus que 17,2 % de la dotation totale. Cette baisse a été constante et conduit à un chiffre bas alors que nos voisins européens affichent plutôt un taux de 30 %. La première recommandation est donc la suivante : dans le cadre de l'augmentation des crédits programmée par la loi de programmation de la recherche (LPR), le domaine de la biologie‑santé devrait bénéficier d'une hausse des moyens attribués par le ministère, permettant de progresser de 17,2 % du budget de la MIRES à un niveau comparable à celui attribué dans les principaux pays européens, à savoir 30 à 50 %. Cette recommandation est importante et doit être prise en compte car ce budget insuffisant est l'une des causes de l'état dans lequel se trouve le secteur de la biologie‑santé.

S'agissant du financement de la recherche hospitalière par le ministère des Solidarités et de la Santé, les missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation (MERRI) sont constituées d'une dotation socle qui comporte une part de financement sur publications, s'appuyant sur l'indicateur Système d'interrogation, de gestion et d'analyse des publications scientifiques (SIGAPS), une part de financement qui repose sur les essais cliniques (indicateur Système d'information et de gestion de la recherche et des essais cliniques SIGREC) et une part attribuée en fonction de l'effort d'enseignement. Les moyens sont de l'ordre de 1,3 milliard d'euros pour le financement de cette recherche. Pour les CHU, les crédits MERRI sont actuellement peu incitatifs à l'investissement dans la recherche. La dotation socle est supposée compenser les surcoûts ou les pertes de recettes générés par l'activité de recherche et d'enseignement au sein des établissements de santé. Il s'agit de crédits qui ne sont pas des autorisations d'engagement. Ces dotations sont déterminées mécaniquement, puisque les indicateurs SIGAPS et SIGREC sont automatiquement construits sur les publications ou les essais cliniques. Cette méthode d'allocation ne respecte pas les bonnes pratiques internationales et ne permet pas au ministère de la Santé de déployer une véritable politique de recherche hospitalière. Au Royaume-Uni, le « Department of Health and Social Care » (DHSC) confie à une agence, le « National Institute for Health Research » (NIHR), la mission de distribuer les crédits de recherche, qui sont de l'ordre de 1,2 milliard d'euros.

Sur cette partie, nous avons formulé trois recommandations :

- réformer l'attribution aux structures hospitalières des moyens de la recherche clinique provenant de l'assurance maladie, dite dotation socle des MERRI, soit 1,37 milliard d'euros de crédits en incluant les programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) ;

- confier l'évaluation des crédits MERRI socle et PHRC à un Conseil d'orientation de la recherche hospitalière à mettre en place sous l'égide du ministère des Solidarités et de la Santé et qui fonctionnerait sur des évaluations de qualité scientifique et de pertinence médicale, en coordonnant en amont sa stratégie et sa programmation avec les autres acteurs de la recherche en biologie‑santé ; parallèlement, supprimer la procédure actuelle, qui repose sur l'application mécanique des indicateurs SIGAPS et SIGREC ;

- verser aux structures hospitalières un préciput aligné sur celui qui sera bientôt appliqué par l'ANR, soit 40 % des crédits alloués aux équipes et laboratoires qu'elles hébergent, que cette allocation l'ait été de façon concurrentielle ou sous forme de crédits de fonctionnement pluriannuels contractualisés.

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