Intervention de Franck Mouthon

Réunion du jeudi 24 juin 2021 à 10h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Franck Mouthon, président de France BioTech :

. France BioTech est une association qui fêtera ses 25 ans l'an prochain et fédère les entrepreneurs de la health tech, que ce soit la biotech, la medtech et l'e-santé. En France, 2 000 entreprises animent l'écosystème de l'innovation en santé. Environ 800 biotechs développent des candidats-médicaments dans un certain nombre de domaines, les domaines prioritaires étant l'oncologie, les maladies infectieuses et le système nerveux central. Plus d'un millier de sociétés développent des dispositifs médicaux, de diagnostic ou interventionnels. Et comme nous avons pu le voir entre 2019 et 2021, une croissance des entreprises de l'e-santé et de la santé digitale appliquée au système de santé est en cours. Plus de 75 % des entreprises de biotech sont issues de la sphère académique française, qu'il s'agisse d'actifs ou d'entrepreneurs. Ces entreprises ont un très fort lien avec la R&D en France, à la fois dans leur création puis dans la continuité de leurs activités, d'où un enjeu de pérennisation de la R&D sur le territoire.

J'attire votre attention sur le fait qu'il y aura, jusqu'à la fin de l'année, un cadre fiscal favorable à l'innovation, avec le statut de jeune entreprise innovante et le crédit impôt recherche, et notamment son doublement pour les recherches partenariales avec la sphère académique. L'arrêt de ce doublement du CIR, qui aura lieu en 2022, aura un impact assez fort. Nous estimons, à travers le panorama que nous réalisons chaque année, qu'environ 2 milliards d'euros par an sont injectés sur le territoire national en termes de R&D, qu'elle soit partenariale avec les structures académiques ou en recherche clinique. Sur la partie clinique, un certain nombre de choses se sont améliorées, l'environnement réglementaire est toujours complexe en ce qui concerne les comités de protection des personnes. Un certain nombre de changements ont conduit à des tirages au sort peu efficients sur le plan de l'expertise pour statuer sur la méthodologie et la protection des personnes, et qui contribuent à freiner le choix de de la conduite d'essais cliniques sur le territoire français. Du côté de l'ANSM, en revanche, la situation s'est améliorée, notamment sur les essais précoces. Or on sait bien que lorsque l'on démarre un développement dans un pays, on a tendance à continuer à le faire dans ce même pays, c'est donc là un très bon levier.

Nous sommes générateurs de nombreux brevets, en collaboration avec la sphère académique. Il s'agit d'être vigilant en ce qui concerne les transferts de technologies et des opérateurs. De ce point de vue, il y a un réel besoin de professionnalisation. Certains acteurs sont les plus compétents du domaine en fonction de l'application des métriques. Les modèles d'affaires, dans le domaine des biotechs, sont particuliers ; les sociétés se financent pour la plupart uniquement grâce à des investisseurs en capital-risque et génèrent très tardivement du chiffre d'affaires, quand elles en génèrent. Le modèle de financement est ainsi basé sur des métriques portant sur des jalons de développement et de création de valeur liés à l'atteinte d'étapes clés dans le développement industriel.

Sur le transfert de technologies, il faut avoir des gens qui connaissent le marché et les métriques pour pouvoir faciliter ces liens puisqu'on est ici à la fois dans la fondation et dans le développement, alors que les relations avec la sphère académique restent fondamentales. Il faut donc que ce soit le plus fluide possible, notamment dans tout ce qui est accords de consortium quand il y a un certain nombre de tutelles.

S'agissant du capital risque, 2 milliards d'euros sont injectés en France chaque année de la part des sociétés health‑tech. La France, à travers le PIA, a investi dans des fonds d'amorçage qui peuvent être sectoriels santé. Nous sommes arrivés en deuxième position en 2020 pour les levées de fonds sur les marchés financiers ou en capital-risque, derrière la Grande-Bretagne, l'écart étant proche d'un facteur 2. Un certain nombre d'éléments peuvent être cités, comme la fiscalité générale, qui joue un rôle très important, en particulier sur les aspects patrimoniaux, ou le coût du travail. Certaines sociétés d'investissement demandent aux sociétés de mettre leurs sièges sociaux dans d'autres pays, ce qui veut bien dire qu'un facteur d'attractivité est la fiscalité.

Par ailleurs, les entrepreneurs qui créent ces sociétés sont issus de la sphère académique et n'ont pas nécessairement les ambitions ou les capacités d'exécution que nous pouvons trouver dans d'autres pays, en raison d'une moindre porosité entre les cadres de l'industrie pharmaceutique et nos entreprises. On n'a pas un nombre de success stories suffisamment élevé pour faire en sorte que les investisseurs s'y retrouvent et prennent ce risque. Nous travaillons sur le sujet de l'acculturation de nos investisseurs avec M. Philippe Tibi, qui essaie de combler « ce trou dans la raquette » en allant chercher des investisseurs qui gèrent des fonds très structurés et sont capables de mettre des tickets très significatifs et du coup d'attirer d'autres capitaux. 22 acteurs assurantiels et parapublics se sont engagés à investir jusqu'à 6 milliards d'euros sur les 36 fonds labellisés, dont neuf dans la santé, qui ne sont pas les plus dotés aujourd'hui. Ils ont du mal à collecter auprès des investisseurs, il faut acculturer les investisseurs sur ces domaines‑là.

Il existe en France une forte dynamique entrepreneuriale, avec un secteur santé qui a produit un certain nombre d'actifs en développement, avec un niveau de maturité plutôt bon par rapport au reste de l'Europe. En revanche, nous n'avons pas les mêmes capacités financières. Il manque un alignement entre cette dynamique et la capacité de notre système de soins et de l'ensemble des acteurs des autorités sanitaires à accompagner le processus de création de valeur. La plupart du temps, ces acteurs interviennent en fin de parcours. L'agence de l'innovation en santé pourrait avoir ce rôle et réduire l'asymétrie d'informations qui affecte le ministère de la Santé, et apporter ainsi des éléments clés en matière d'attractivité pour les investisseurs privés. En effet, ceux-ci s'enquièrent de l'accord industriel avec la sphère académique ainsi que des interactions avec les autorités réglementaires et les évaluateurs, en particulier aux Etats‑Unis. C'est ainsi qu'aux Etats‑Unis, la rentabilité d'une entreprise représente environ 70 % de la valeur d'un actif et les autorités sanitaires américaines – la FDA – apportent des informations engageantes, qui sont extrêmement précieuses pour les investisseurs en ce qu'elles réduisent l'aléa. Pour nous il est très important que le système de santé revienne dans la course pour soutenir le développement de valeur de nos entreprises health tech à travers l'ensemble des informations dont elles disposent et pour les accompagner.

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