Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 24 juin 2021 à 10h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, président de l'Office :

. Nous avons également évoqué un financement déficient sur les phases 2 et 3, nous avons donc ces deux facteurs qui reviennent.

Nous arrivons à la fin de ce débat ouvert autour du rapport qui nous a été présenté par l'Académie de Médecine. L'Office établira bientôt ses conclusions, mais je souhaite tirer d'emblée une brève synthèse de vos interventions.

Le rapport de l'Académie de médecine a le mérite d'aborder le sujet. Certains éléments devront être approfondis, et s'enrichiront du dialogue d'autres académies, comme celle des sciences. Sur la question du diagnostic, les recherches en biologie et santé sont encore excellentes, comme le démontrent les résultats à l'ERC et la place dans le programme Horizon 2020. Une érosion se fait cependant jour, avec la persistance de freins liés à la complexité du système, à un défaut de financement et à des questions de lisibilité et de complexité. Il faut être très clair par rapport à l'agenda politique, au vu de la succession de chamboulements qui sont survenus dans la dernière décennie et du débat douloureux qui a eu lieu à l'occasion de la loi de programmation de la recherche ; une grande remise à plat institutionnelle n'est pas à l'ordre du jour. Il faut en revanche garder à l'esprit certains de ces défauts structurels en attendant des occasions de modification, il faut mieux utiliser l'existant – notamment Aviesan – pour mieux organiser les coordinations et permettre l'avancée de certains projets. Je retiens vos alarmes sur le modèle hospitalo‑universitaire et sur l'importance de relever la barre en matière d'attractivité. Je prends également note des difficultés et freins existants en matière de réglementation et de moyens, ainsi que de la spécificité des besoins du domaine biologie‑santé en la matière. Le rapport avec les écosystèmes des entreprises et de l'industrie n'est pas le même que dans d'autres pays, la complexité, l'histoire et la culture jouant en notre défaveur. Malgré cela nous avons des grands succès – des prix Nobel, des instituts prestigieux, des succès ERC – mais pour tant de difficultés.

Si nous analysons l'événement traumatique qu'a connu la France en matière de vaccins, en dehors de l'hypothèse d'un aléa, nous ne pouvons qu'être frappés par le manque de réactivité de la réponse et par la faiblesse des montants investis en France. Vous avez également souligné à de multiples reprises la difficulté à lancer les essais : difficultés réglementaires, manque de coordination, multiplicité de petits essais qui n'ont pas été suffisamment efficaces. Il nous faudra prendre le temps de tirer le bilan complet de cette crise en matière sanitaire et de recherche en santé. Nous parlions également de la BARDA, évoquée dans le rapport de l'OPECST de décembre dernier. M. Bernard Charpentier nous a rappelé qu'une démarche était envisagée au niveau européen à ce sujet. La question de l'échelle nationale et de l'échelle européenne a été soulevée à plusieurs reprises. La France rencontre de ce point de vue une difficulté liée au manque de culture de coopération avec les échelons européens. M. Bernard Charpentier nous a rassurés quant au fait que l'interlocuteur unique soit une solution déjà pratiquée par d'autres pays, qui peut s'avérer efficace. Cette suggestion de l'Académie de médecine semble donc pertinente. Il s'agira de déterminer comment mieux utiliser l'Europe.

Le manque de coordination entre le ministère de la Santé et le ministère de la Recherche a également été relevé. Nous l'avons expérimenté au sein de l'OPECST, à l'occasion d'auditions. Il est de notre devoir de parlementaires contrôlant l'action du gouvernement de faire un retour au gouvernement sur ce sujet.

La coordination entre l'amont et l'aval a aussi été évoquée. S'agissant de l'aval, nous nous heurtons au volume des fonds mobilisables en investissement. Nous avons compris qu'une partie de la difficulté était liée à la complexité de l'environnement français ainsi qu'à des questions de réputation et à la façon dont les enjeux écosystémiques sont plus ou moins pris en compte. Il se pose notamment le sujet de la moindre porosité, en France, entre le milieu universitaire et le milieu industriel. Nous devrons travailler à l'amélioration de cette porosité, en étant attentifs aux conflits d'intérêts bien entendu. Il y a une époque où nous pensions que c'était avec des Sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) et des structures chargées de faire le transfert que nous allions résoudre cette question. Le bilan partiel que l'on peut tirer aujourd'hui, comme l'a souligné dans un rapport la Cour de comptes, est que c'est une solution très insatisfaisante. Si certaines SATT parviennent à tirer leur épingle du jeu, d'autres s'avèrent beaucoup moins efficaces, voire agissent de façon contre-productive. Essayer de résoudre une question culturelle avec une évolution institutionnelle n'est pas forcément une bonne idée. Notre pays est aujourd'hui trop cloisonné pour faire face à des défis qui doivent être traités dans un dialogue étroit entre les acteurs.

Faut‑il trancher entre les scénarios évoqués par le rapport de l'Académie de médecine ? La question est posée mais ce n'est pas maintenant qu'elle va venir à l'ordre du jour du calendrier parlementaire, au vu des longs débats que nous avons eus sur la LPR. Mais on sait que plus de 10 ans après qu'il a été lancé, le mouvement d'autonomie des universités n'est pas achevé. On pensait initialement que cette réforme prendrait quelques années, on se rend compte que plusieurs décennies est un horizon plus réaliste.

Chers collègues et invités, l'OPECST a eu le plaisir d'organiser cette audition sur un sujet majeur. Nous resterons en contact pour le suivi de ces échanges. Je vous remercie.

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