Intervention de Florence Lassarade

Réunion du mardi 6 juillet 2021 à 13h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure :

. – J'aborderai les aspects scientifiques et technologiques de la pharmacovigilance.

Les vaccins, comme tout médicament, sont soumis à des règles strictes de mise sur le marché. Les autorités sanitaires doivent en permanence évaluer si le rapport bénéfices/risques est favorable, c'est-à-dire si les effets thérapeutiques attendus l'emportent sur les risques associés.

Les vaccins sont cependant des médicaments particuliers : ils concernent majoritairement des personnes en bonne santé, pour lesquelles le bénéfice individuel reste hypothétique. Si les risques associés à un vaccin sont rigoureusement évalués lors des essais cliniques précédant la mise sur le marché, ils continuent d'être suivis au cours des campagnes de vaccination. La pharmacovigilance a pour objectif de surveiller les effets secondaires associés aux vaccins et de vérifier si ceux-ci sont en accord avec les observations des laboratoires les ayant produits. Ce contrôle est indispensable pour évaluer d'éventuels effets indésirables qui n'auraient pas été identifiés auparavant.

J'en viens à l'organisation de la pharmacovigilance en France. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est responsable de la pharmacovigilance à l'échelle nationale, tandis que le Pharmacovigilance Risk Assessment Committee (PRAC), qui dépend de l'Agence européenne du médicament (EMA), l'est à l'échelle européenne. L'ANSM est en mesure de modifier l'indication des vaccins en cas de survenue de signaux indiquant de nouveaux risques associés aux produits : directement dans le cas où les autorisations de mise sur le marché (AMM) sont nationales ; indirectement, via l'EMA dans le cas d'AMM communautaires, comme c'est le cas des vaccins contre la Covid‑19.

L'ANSM organise la pharmacovigilance au niveau national en s'appuyant sur les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV). S'agissant des vaccins contre la Covid-19, des binômes de centres rapporteurs ont été formés, afin d'effectuer un suivi efficace des effets secondaires rapportés : les CRPV de Bordeaux et de Marseille sont rapporteurs pour le vaccin Comirnaty (Pfizer BioNtech) ; les CRPV de Lille et Besançon sont rapporteurs pour le vaccin de Moderna ; les CRPV d'Amiens et de Rouen sont rapporteurs pour le vaccin Vaxzevria (AstraZeneca/Oxford) ; les CRPV de Lyon et de Grenoble sont rapporteurs pour le vaccin de Janssen (Johnson & Johnson).

Les CRPV analysent les déclarations d'effets secondaires soumises par les patients ayant reçu le vaccin ou leur praticien. Des rapports sur les effets secondaires sont publiés régulièrement.

S'agissant du suivi des campagnes de vaccination, le rôle de la pharmacovigilance consiste à évaluer les effets indésirables liés au vaccin non décelés lors des essais cliniques.

Les essais cliniques évaluent l'efficacité et la sécurité des candidats médicaments. Les études des différentes phases quantifient en particulier la survenue d'effets secondaires indésirables. Dans le cas des candidats vaccins contre la Covid-19, les essais d'évaluation ont été effectués sur des cohortes d'une à plusieurs dizaines de milliers de personnes. Des effets secondaires survenant à faible fréquence, de l'ordre d'un pour cent mille ou un pour un million, ne sont pas nécessairement identifiés au cours de ces essais. En conséquence, il est nécessaire d'effectuer un suivi strict des populations vaccinées, afin de détecter, le plus tôt possible, tout signal qui pourrait correspondre à un effet secondaire non-identifié dû à la vaccination.

Il est important de noter que la pharmacovigilance examine tous les effets survenant après une vaccination, sans qu'un lien autre que temporel avec le vaccin soit connu. Elle doit par la suite évaluer la probabilité d'un lien de causalité, c'est-à-dire que cet effet soit effectivement dû à la vaccination. Des analyses statistiques, épidémiologiques et cliniques sont déployées, afin de confirmer ou d'infirmer un lien causal entre la vaccination et l'effet observé.

Cette évaluation rigoureuse est nécessaire, afin d'éviter d'inférer à tort des effets indésirables de la vaccination. De nombreux biais peuvent en effet conduire à des conclusions hâtives. Par exemple, la campagne vaccinale en France a ciblé en priorité des personnes âgées résidant en EHPAD, à faible espérance de vie. Un décès survenant dans les jours suivant la vaccination n'était en conséquence pas nécessairement associé à celle-ci.

Au 10 juin 2021, les CRPV ont évalué près de 49 000 déclarations d'effets indésirables pour un total de plus de 42 millions d'injections en France, concernant en grande majorité des effets attendus et non graves. Selon l'ANSM, ces données confirment la balance bénéfices/risques favorable de l'ensemble des vaccins utilisés en France dans les populations ciblées par la stratégie vaccinale.

Il faut ensuite mieux apprécier le rapport bénéfices-risques associé au vaccin. Le bénéfice associé au vaccin peut être individuel ou collectif, direct ou indirect, comme l'illustre la décision récente d'étendre la vaccination aux adolescents.

Dans son avis du 3 juin 2021, la HAS dressait la liste des bénéfices que pourrait apporter la vaccination des adolescents : un bénéfice individuel direct, contre des formes sévères rares de Covid-19 pouvant survenir chez les adolescents, particulièrement ceux qui ont des comorbidités ; un bénéfice individuel direct sur le plan psychologique et social, en évitant les fermetures de classes et leurs effets sur la santé mentale ; un bénéfice indirect en protégeant les proches immunodéprimés ou vulnérables ; un bénéfice collectif, s'inscrivant dans l'objectif de diminuer la circulation globale du virus.

L'appréciation du rapport bénéfices/risques est dynamique, et peut évoluer en fonction du contexte épidémique. D'une part, la probabilité de contracter la maladie et de souffrir de formes graves est plus importante dans un contexte d'activité épidémique intense, ou d'apparition de mutants plus contagieux : le bénéfice de la vaccination augmente. D'autre part, de nouveaux effets indésirables peuvent être associés à des vaccins : le risque augmente alors.

Il revient à l'ANSM d'évaluer en permanence le rapport bénéfices/risques. La figure 1 présentée en page 14 du document distribué illustre ce rapport pour une vaccination avec le vaccin Vaxzevria (AstraZeneca/Oxford), qui sera analysée plus en détail par la suite. La balance bénéfices/risques de thromboses varie selon les tranches d'âge : elle est très favorable pour les personnes âgées de plus de 80 ans, les plus à risques en cas d'infection par le SARS-CoV-2. À l'inverse, pour les jeunes de 20 à 29 ans, les bénéfices apparaissent faibles au regard des risques de thrombose associés à la vaccination.

Il faut ensuite pouvoir retirer un lot défectueux du marché. L'ANSM a ainsi un rôle de police sanitaire. Elle est notamment en mesure de retirer un lot de vaccin du marché si une anomalie y était spécifiquement détectée.

Plusieurs signaux d'alerte ont émergé depuis le début de la campagne de vaccination en France. Leur survenue a parfois été suffisamment spécifique pour entraîner une réaction directe de la part des autorités sanitaires françaises. Dans d'autres cas, c'est l'accumulation de signaux faibles à l'échelle de l'Union européenne qui a permis de confirmer un cas spécifique.

En premier lieu, de nombreux syndromes grippaux ont été déclarés chez des personnes jeunes après injection du vaccin AstraZeneca à vecteur adénoviral. Ils ont fréquemment engendré des arrêts de travail de plusieurs jours pour les personnes touchées. Le nombre de cas rapportés dans un court intervalle de temps, ainsi que l'intensité des symptômes, au moment de l'ouverture de la vaccination pour les soignants jeunes, ont conduit l'ANSM à alerter début février 2021 sur ce risque, non grave. L'Agence a alors recommandé de vacciner le personnel d'un service hospitalier ou d'un établissement de santé de manière échelonnée, afin d'éviter une accumulation d'absences simultanées qui aurait été très pénalisante pour un système hospitalier alors soumis à une forte tension.

Ce même vaccin a par ailleurs été associé à une survenue de cas de thromboses rares. En France, l'ANSM comptabilisait, début juin 2021, 12 décès liés à cet effet indésirable. La fréquence de cet évènement après vaccination ne semblait pas excéder au départ celle attendue dans la population générale. Cependant, la réunion des observations à l'échelle de l'Union européenne a confirmé ce signal. Un lien de causalité entre la vaccination avec Vaxzevria et la survenue de thromboses en association avec une thrombocytopénie est depuis lors considéré comme plausible. L'Agence européenne du médicament (EMA) a en conséquence réévalué le rapport bénéfices/risques de ce vaccin, en fonction de l'âge des personnes susceptibles de le recevoir et de la circulation virale.

De nombreux pays de l'Union européenne ont alors suspendu l'utilisation du vaccin, entachant durablement sa réputation. Certains pays, à faible circulation virale, ont préféré exclure ce vaccin de leur campagne de vaccination. C'est le cas du Danemark. D'autres ont choisi de le restreindre à certaines tranches d'âges en fonction du rapport bénéfices-risques. En France, la HAS a déconseillé son utilisation pour les personnes âgées de moins de 55 ans. Cependant, le comité d'évaluation des risques en pharmovigilance de l'EMA ( Pharmacovigilance Risk Assessment Comittee, PRAC), auquel participe l'ANSM, estime que la balance bénéfices/risques globale reste largement positive.

Par ailleurs, une suspicion de signal concernant l'apparition de myocardites chez des jeunes, quelques jours après l'injection de vaccin ARN, est survenue en Israël et aux États-Unis. Cette suspicion est toujours surveillée. Les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis semblent néanmoins considérer qu'un lien avec le vaccin est probable, même s'il n'est pas encore confirmé.

En France, la survenue de ces effets est également surveillée de près. L'ANSM signalait des cas apparaissant principalement chez des hommes, avec un âge médian de 28 ans. Le comité de pharmacovigilance, dans son rapport publié mi-juin, signale retenir « l'hypothèse d'un rôle possible du vaccin Comirnaty dans la survenue des myocardites », mais n'a pu établir de lien de causalité avec certitude. Le même constat est fait au sujet du vaccin de Moderna.

S'agissant du bilan des effets secondaires détectés après la mise sur le marché des vaccins contre la Covid-19, les données de pharmacovigilance des vaccins contre la Covid-19, et en particulier leurs effets secondaires sont librement accessibles sur le site de l'ANSM, régulièrement mis à jour.

Pour résumer, les vaccins sont soumis à des règles strictes de mise sur le marché. La pharmacovigilance évalue en permanence le rapport bénéfices/risques des vaccins contre la Covid-19.

L'ANSM est responsable de la pharmacovigilance en France, en lien avec l'Agence européenne des médicaments. À l'échelle du territoire, l'ANSM s'appuie sur les centres régionaux de pharmacovigilance pour le suivi des effets indésirables de la vaccination.

L'ANSM et l'EMA ont pris en compte plusieurs signaux d'alerte de pharmacovigilance depuis le début de la campagne de vaccination, et ont éventuellement réévalué la balance bénéfices/risques d'un vaccin et les recommandations de son usage.

Les données collectées par l'ANSM en juin 2021 confirmaient la balance bénéfices/risques favorable de l'ensemble des vaccins utilisés en France dans les populations ciblées par la stratégie vaccinale.

Nous proposons les recommandations suivantes : « L'Office considère que la pharmacovigilance des vaccins contre la Covid est organisée de façon rigoureuse en France et en Europe. Il salue l'effort fourni par les autorités sanitaires pour autoriser rapidement leur mise sur le marché tout en respectant rigoureusement les règles de sécurité sanitaire.

« L'Office recommande donc de continuer à communiquer en toute transparence les données sur les effets secondaires indésirables et à informer clairement la population des risques associés. Il recommande aussi de poursuivre l'effort de simplification des procédures permettant de faire remonter des effets secondaires après vaccination. »

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