Intervention de Arnaud Lalo

Réunion du jeudi 22 juillet 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Arnaud Lalo :

– Le nucléaire est un sujet qui mobilise trois registres : technique, politique et sociétal. L'histoire du programme électronucléaire français nous a montré que la question avait été largement le fait d'un dialogue entre l'expert et le politique. Jusqu'à la récente convention citoyenne sur le climat, la question du nucléaire a été exclue des débats citoyens. Or il nous a semblé qu'il était important de pouvoir restituer la dimension sociétale de cette question.

Pour essayer de prendre davantage la mesure de ce que recouvraient les évolutions au regard de la question du nucléaire et de sa place dans la transition énergétique, nous avons eu recours à la méthode des scénarios, qui est habituelle en prospective, à travers des scénarios tendanciels ou plus créatifs. Nous nous sommes fondés sur des éléments de crédibilité du type discours d'acteurs, notamment d'acteurs industriels, ou sur les conclusions des différents rapports auxquels nous avons eu accès.

À travers un premier scénario dit du statu quo, nous entrevoyons un déclin inéluctable de la filière du nucléaire, faute d'investissement suffisant. Dans un deuxième scenario, à l'inverse, à raison d'investissements conséquents, nous avons traité d'une politique volontariste alliant nucléaire et énergies renouvelables. Enfin, à travers un troisième scenario, nous avons essayé de faire un pas de côté en nous intéressant, non pas tellement aux techniques, mais plutôt aux échelles. Et nous avons considéré là un mix énergétique territorialisé qui fait un lien entre la production d'énergie, sa consommation et des ressources locales.

Ces scénarios nous ont permis de tirer plusieurs enseignements. D'abord la place du nucléaire est liée : au type de nucléaire dont il pourrait être question, à travers par exemple le développement de réacteurs modulaires de petite taille, les SMR (Small Modular Reactor) ; à l'influence du contexte européen, avec les interconnexions intelligentes qui permettent d'entrevoir des développements territoriaux différents ; dans tous les cas, à l'impasse que serait l'inaction ou la non-prise de décision.

Quelle que soit l'option retenue, nous avons à faire un choix de société. Une analyse multicritères montre que les éléments déclencheurs de la transition énergétique sont nombreux. Ce sont par exemple les critères environnementaux qui découlent des exigences climatiques, et à travers des analyses de cycle de vie complexes, parfois antagonistes, les choix à faire par exemple en matière d'émissions des gaz à effet de serre ou d'intensité en matières premières. Dès lors que la question est posée et reposée, l'ensemble des critères, et pas simplement celui des émissions de carbone, est interrogé et convoqué, y compris les critères socio-économiques. À travers la sobriété, on fait face à des modifications importantes des modèles et des modes de vie.

Quels sont les modes de gouvernance qui permettraient de changer de mode de vie ? Les sciences politiques et les sciences cognitives ont montré que l'acceptabilité se conçoit essentiellement à travers des dynamiques de co-construction et que l'ensemble de ces critères résonne de manière différente en fonction des catégories d'acteurs.

Nos recommandations s'organisent selon deux axes. D'abord, favoriser l'appropriation citoyenne du débat ; cela suppose de développer de manière diversifiée, pour toucher des publics différents, des mécanismes d'éducation citoyenne et de médiation scientifique sur la question de l'énergie et du nucléaire, et de réintégrer la question du nucléaire dans le débat public et dans le débat citoyen, à travers là aussi différents dispositifs. Il faut par ailleurs porter la question de l'énergie à l'échelle territoriale et approfondir le rôle des territoires au-delà de leurs compétences actuelles, climat-air-énergie, pour qu'ils puissent eux aussi s'emparer de cette question ; cette échelle, bien articulée avec l'échelle nationale et européenne, permet davantage d'intégrer la diversité des citoyens dans les questionnements qui ont trait à l'énergie et aux changements de mode de vie qui en découlent.

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