Intervention de Gérard Longuet

Réunion du jeudi 22 juillet 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office :

– Je trouve que vous avez réduit une vraie question à un seul de ses aspects. Je crois profondément que le nucléaire est l'une des conditions de l'énergie renouvelable. C'est un débat qui a très souvent mobilisé l'Office parlementaire et vous le traitez sous l'angle de l'acceptabilité, en prenant l'exemple des gilets jaunes.

Comme vous l'avez dit très justement, les gilets jaunes sont nés pour l'essentiel d'une réaction à l'idée d'une tarification directe et forte du CO2, à travers la consommation des carburants pour les véhicules. Cela montre bien que c'est difficile. Mais vous n'avez pas du tout traité la question de la production d'énergie elle-même. Or, si vous vous référez à des travaux collectifs, c'est une question qui mérite d'être posée dans le monde entier. On peut aimer ou pas le dernier livre de Bill Gates, mais il faut convenir que c'est un homme qui a fait la preuve de son efficacité. Or il conclut qu'il faut mettre en œuvre les accords de Paris et que l'énergie nucléaire est sans doute l'une des conditions de réussite de cette mise en œuvre. On a là un vrai sujet, tout à fait passionnant.

L'aspect quantitatif est incontournable, parce que dans un pays comme le nôtre les surfaces disponibles pour le photovoltaïque ou l'implantation des éoliennes connaîtront nécessairement des limites. J'ajoute que ces énergies sont non pilotables, ce qui, dans l'univers extrêmement rationnel qui est celui de la consommation d'énergie, est un peu déconcertant.

Deuxième remarque, par laquelle je rebondis sur l'observation de Cédric Villani, même si nous ne sommes pas forcément du même avis sur ce point : le nucléaire est né en France d'une volonté d'indépendance nationale qui a été assumée par tous les gouvernements de la Quatrième et de la Cinquième République. Il est malhonnête de dire que ce choix est un choix de technicien. Quand Pierre Mendès France, après les accords de Genève marquant la fin de la guerre d'Indochine, se dit qu'il faut relancer le nucléaire militaire, c'est une décision politique ; on en retrouve de telles dans presque tous les débats politiques, législatifs d'abord, puis présidentiels, puisque l'élection présidentielle est devenue la plus importante.

En revanche, vous avez tout à fait raison de dire que le programme électronucléaire n'a connu de véritable consolidation législative qu'en 1991, lorsque Christian Bataille, député socialiste, a fait voter une loi qui avait été travaillée et préparée avec Dominique Strauss-Kahn, à l'époque ministre de l'Industrie. Désormais, il y a des rendez-vous législatifs réguliers, comme les lois de 2006 et de 2016. L'Office a été créé pour que les parlementaires se saisissent de ces questions et aient une information préalable.

Quelle est la différence fondamentale entre une ONG, un débat citoyen et une décision politique ? C'est que la décision politique a une mission particulière, celle d'intégrer des intérêts de nature différente dans un cadre qui est en général national, de plus en plus international, européen ou multilatéral, ce qui est profondément souhaitable. L'inconvénient des débats citoyens et des conventions, et c'est la raison pour laquelle je n'en fais pas l'alpha et l'oméga de mes références politiques, c'est que, comme les ONG d'ailleurs, ils mobilisent surtout des gens qui sont passionnés par leur sujet, mais qui n'ont ni la responsabilité d'intégrer des contraintes différentes, ni la responsabilité de rendre compte ex post d'avis qui ont été émis et ont peut-être été abandonnés.

Au contraire, la décision politique est soumise à l'obligation d'intégrer des contraintes différentes. Par exemple, je pense qu'il est à peu près impossible de construire une centrale nucléaire en France aujourd'hui et qu'il est à peu près impossible d'en fermer une aussi, car les gens qui n'en ont pas n'en veulent pas et les gens qui en ont veulent les garder. C'est pour cela que je souhaite bien du courage à celui qui aura la responsabilité d'implanter le premier SMR ; je souhaite également bien du courage à ceux qui auront la responsabilité de fermer Chooz, Cattenom, Nogent-sur-Seine et autres centrales du Grand Est que je connais.

C'est la raison pour laquelle j'aurais aimé qu'il y ait dans votre travail plus d'éléments objectifs quantitatifs sur la coexistence pacifique du renouvelable et du nucléaire et que soit montré comment le débat citoyen, comme le débat partisan, doivent solliciter le Parlement pour qu'il prenne position.

Nos institutions ne sont pas satisfaisantes, car elles forment une pyramide qui repose sur la pointe et qui ne laisse pas assez de place au Parlement – mais c'est là une vieille conviction personnelle que je n'impose à personne. Faute de débat parlementaire, les partis politiques sont vides parce que les décisions ne s'y prennent plus. Les gens débattent ailleurs puisque l'on ne débat plus dans des partis qui, de toute façon, prennent des positions que personne n'écoute, puisque les décisions sont prises ailleurs, pour ou contre le président, selon son avis. C'est le degré zéro de la démocratie.

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