– Le passé éclaire le présent et le futur !
Je suis très heureux de voir que le sujet a été traité de façon très systématique. Cette note scientifique approfondit, sur un aspect particulier, la note remise en 2019 par notre collègue Jérôme Bignon sur le risque d'extinction ou d'effondrement de la biodiversité, la « sixième extinction de masse ». Même en se limitant aux insectes, nous découvrons encore ici un sujet d'ampleur considérable.
Ces notes ouvrent des fronts nombreux sur des questions de société ; elles touchent à des modèles technologiques et économiques. Il aurait été précieux de disposer de celle que nous examinons aujourd'hui dans les grands débats que nous avons eus l'an dernier, soit sur les néonicotinoïdes, soit sur le texte qui est devenu la loi Climat-Résilience. Mais je ne m'inquiète pas. L'Office mène avec raison un travail de fond. Il avance en traitant des sujets structurants. Et ces sujets sont aux fondements de débats de société qui sont appelés à durer.
La présente note creuse donc son chemin en insistant sur la diversité des causes du déclin, sans oublier de mentionner que certaines sont prépondérantes. Car, parfois, certaines institutions et entreprises, ou même certains laboratoires, ont eu intérêt à brandir comme un argument cette diversité des causes, jusqu'à tenter de s'en servir pour étendre un écran de fumée… afin d'éviter qu'on s'attache plus particulièrement à telle ou telle problématique, tels les pesticides ou certaines pratiques agricoles.
Le sujet abordé est très récent. L'essor des travaux sur les écosystèmes, les liens entre les espèces et l'écologie au sens large ne datent guère que des années 1960. Sur les relations des espèces les unes avec les autres, un grand nombre de recherches sont encore en cours. On estime qu'on ne connaît même pas 10 % des espèces existant sur la planète, d'où l'incertitude qui pèse sur les données quantitatives disponibles.
Ce n'est pas un hasard si les rapports de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (ou Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES) présentent une marge d'incertitude qui est sensiblement plus importante que les rapports du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Pour nous guider dans cette complexité, la note de notre collègue Annick Jacquemet est un travail remarquable. Elle arrive à être exhaustive tout en sachant dégager l'essentiel.
Une première question de fond retient mon attention. Vincent Bretagnolle apparaît au nombre des scientifiques entendus. Il anime ce centre des Deux-Sèvres où l'on conserve des registres et des comptages d'insectes qui courent sur plusieurs décennies. La note soutient pourtant qu'« en France, il n'existe pas d'étude globale sur les connaissances relatives à l'état et aux tendances des communautés d'insectes ». Pourquoi ce travail fait à Chizé n'est-il pas qualifié comme tel ? Est-il trop partiel ou trop restreint à un terrain géographique particulier ?
Le sujet du déclin des insectes était passé dans la sphère médiatique il y a quelques années. Le journaliste Stéphane Foucart y avait consacré un article en 2017, dans Le Monde. Il y mettait précisément en lumière les travaux du centre CNRS de Chizé, en soulignant la perte de biodiversité qui était observée.
Deuxièmement, vous exposez le peu de succès de la PAC à enrayer cette chute de biodiversité. Un rapport récent de la Cour des comptes insiste quant à lui sur le peu de succès de la PAC à enrayer les émissions de gaz à effet de serre. La synthèse d'engrais en dégage des quantités non négligeables. On dit parfois que l'agriculture représente 15 % de l'empreinte en gaz à effet de serre mondiale, ainsi que l'élevage, pour 15 % également. La Cour des comptes indiquait que, sur les quelque 100 milliards d'euros consacrés, sur une durée de 7 ans, à enrayer les émissions de gaz à effet de serre au titre de la PAC, les milliards avaient bien été dépensés… mais que lesdites émissions n'avaient pas baissé. Nous ne pouvons que constater l'incapacité de la PAC à convertir les dépenses en amélioration environnementale. Qu'en disent les scientifiques que vous avez pu interroger ? Formulent-ils des préconisations particulières propres à la rendre plus efficace ?
Troisièmement, vous insistez sur les services écosystémiques fondamentaux rendus par les insectes et sur les conséquences induites pour les écosystèmes et l'humanité. Je me permets de suggérer qu'il soit fait mention un peu plus explicitement, au troisième point du résumé, de la valeur intrinsèque que constitue également la biodiversité. En effet, nos concitoyens doivent apprendre à reconnaître que la richesse et la diversité de la vie sont une valeur en soi, au même titre que la préservation d'un paysage. Il ne s'agit pas seulement des services qu'elle rend aux humains ou à d'autres espèces, mais de sa valeur intrinsèque.
Il y a peu, il était recommandé aux collectivités locales, de passer aux LEDs pour des motifs écologiques et notamment pour réaliser des économies d'énergie. Dans ma circonscription, une commune a radicalement renouvelé son éclairage pour des LEDs et elle en est très fière. Je constate cependant en vous lisant qu'en raison de ce que l'on appelle un « effet rebond » – avec des LEDs, on éclaire davantage ou avec des fréquences différentes – l'impact pour la biodiversité serait encore plus nocif qu'avec un éclairage traditionnel.