Tout à l'heure, on parlait de ce que l'on savait et de ce que l'on ne savait pas. Cette note sur les risques psychosociaux en est un témoignage puisqu'elle conclut… qu'il est encore prématuré de tirer des conclusions. Lorsque Pierre Ouzoulias et moi avons commencé cette note, nous n'étions pas dans la nouvelle phase de l'épidémie que nous connaissons actuellement. Je le dis avec d'autant plus d'humilité qu'hier, la commission des affaires sociales du Sénat entendait le professeur Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique Covid-19, qui nous a fait part de tout ce qu'il ne savait pas sur ce virus, qu'il a qualifié de « vacherie ».
Pour aborder ce sujet des équilibres psychosociaux, nous nous sommes intéressés à des aspects qui concernaient le travail des soignants, mais également la situation des étudiants en médecine – nous avons voulu éclairer la façon dont ces jeunes ont vécu les premiers isolements, confinements et distanciations. Nous nous sommes aussi intéressés à l'emploi tertiaire, domaine dans lequel des évolutions étaient déjà observées.
Le premier constat, qui nous a étonnés, est la baisse tendancielle du nombre de suicides alors qu'on aurait pu s'attendre à une hausse en raison de l'anxiété et de l'angoisse dont souffraient les personnes qui se trouvaient soudainement isolées dans leur domicile. Cependant, il faut être très prudent sur ce phénomène, qui demande à être confirmé et qui doit continuer à attirer notre attention.
En revanche, il a été observé une montée de l'anxiété et des troubles liés, notamment en santé mentale, qui se traduisent par des troubles du sommeil, des troubles de l'alimentation, des addictions, etc. Ils s'expliquent par l'accumulation de facteurs de risque, tels que le deuil de proches.
Je vais maintenant évoquer les effets du télétravail contraint, pratique largement diffusée dans l'emploi tertiaire, et les signaux de vigilance qui se dégagent. Une étude américaine sur les liens entre les comportements sédentaires et l'hypertension était en cours au moment où la pandémie s'est déclarée. Les chercheurs ont saisi cette opportunité pour mesurer sur leurs cohortes les effets négatifs du confinement, tels que des changements des rythmes d'activité – l'horloge biologique n'est pas toujours respectée lorsqu'on se retrouve seul devant son écran –, une hausse du « temps écran » et une détérioration de la santé mentale. Les changements de rythme de travail peuvent toutefois être contrebalancés, pour certaines personnes, par une plus grande liberté dans l'organisation du travail.
Avec l'audition de Nina Tarhouny, nous avons découvert la notion de sociovigilance. C'est une démarche qu'on peut rapprocher de la pharmacovigilance ou de la gynécovigilance. Elle consiste à détecter et étudier ces phénomènes, pour mieux les prévenir, afin de réduire les risques qui y sont liés – le mal-être et les difficultés de santé, qu'elles soient psychiques ou physiques, et qui sont en relation avec la sédentarité et le télétravail.
Si nous avions eu plus de temps, nous nous serions aussi penchés sur le trio « activité, sommeil et alimentation » qui sont les composants essentiels de la santé globale.
J'ai beaucoup apprécié de travailler sur ces sujets, qui sont peut-être secondaires pour l'Office…