Intervention de Pierre Ouzoulias

Réunion du jeudi 9 décembre 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Pierre Ouzoulias, sénateur, rapporteur :

J'ai principalement travaillé sur les étudiants en médecine. Sur la population étudiante en général, je n'approfondirai pas car je vous conseille de lire l'excellent rapport de la mission d'information du Sénat sur les conditions de la vie étudiante en France. D'autres documents ont été également publiés, notamment ceux de l'Observatoire de la vie étudiante, qui montrent les importants dégâts liés au confinement et à l'épidémie de Covid sur la santé des étudiants.

Nous avons donc centré nos travaux sur les étudiants en médecine qui sont, hors période Covid, parmi les plus touchés par les problèmes psychologiques. Notre problématique était de savoir s'ils avaient davantage souffert compte tenu des situations extrêmes qu'ils ont dû affronter. Je rappelle qu'au début de la pandémie, les étudiants en quatrième année de médecine et au-delà ont été mobilisés à titre bénévole et qu'ils ont très largement répondu à l'appel, aux quatre cinquièmes, pour travailler dans des services où les conditions étaient très difficiles. Les soins à apporter aux malades y étaient quasiment permanents, compte tenu de l'évolution très rapide de l'état de santé de ces derniers. Cela entraînait une sollicitation de tous les instants pour ces jeunes, qui ont en outre été confrontés à un taux de mortalité peu habituel à l'hôpital.

Nous pensions donc qu'ils avaient subi une pression plus forte que d'habitude et plus importante que chez d'autres catégories d'étudiants. Or ils ont mieux résisté qu'en situation normale. Comment expliquer ce phénomène ? D'abord, il leur est apparu de manière très forte qu'ils avaient un rôle social reconnu par la société ; le fait, un peu anecdotique, qu'ils aient été applaudis tous les soirs par les personnes qui étaient confinées leur a donné une forme de soutien moral et psychologique dont on ne mesure pas les effets. Ils ont eu l'impression de constituer une avant-garde face au virus, tandis que « l'arrière » les soutenait. Ensuite, les étudiants mobilisés dans les services de soins gérant l'épidémie ont été entraînés par un esprit d'équipe très fort, tel qu'ils n'en connaissaient pas jusque-là. Les barrières hiérarchiques ont été abolies et ils ont été pris dans un collectif qui leur a permis de surmonter cette épreuve. C'est ce qu'on appelle en sociologie les effets positifs de la cohésion sociale. Cette cohésion sociale permet à l'individu de dépasser une situation qu'individuellement il aurait eu du mal à surmonter.

La difficulté qui se pose désormais est la gestion de la situation après la Covid. On manque de recul pour saisir quelle va être l'évolution psychologique de cette population. Il est très important de comprendre que, dans notre analyse politique de la Covid, en plus des facteurs médicaux qu'on arrive à quantifier tels que le taux d'incidence ou le taux de mortalité, un autre élément est déterminant : celui de la cohésion sociale.

Dans cette balance qu'on essaye de faire en permanence entre les bénéfices et les risques, le traitement politique de la Covid, doit absolument prendre en compte la cohésion sociale, et bien comprendre que le confinement a sans doute les conséquences psychologiques les plus lourdes pour des adolescents et les jeunes adultes. Il est très difficile de trouver un critère qui permette de quantifier ceci, mais la décision politique doit absolument intégrer aujourd'hui qu'on ne peut maintenir indéfiniment des enfants, des collégiens, des lycéens et encore plus des étudiants chez eux face à un écran. À un moment donné, cette réalité sociale va s'imposer à nous. Elle n'est pas toujours très bien vue par les épidémiologistes, qui considèrent que le plus simple sera de mettre tout le monde sous cloche et d'attendre que la maladie disparaisse d'elle-même. Comme l'ont montré nos collègues Cédric Villani et Gérard Longuet, quand il utilise les méthodes des sciences humaines, l'Office renforce la compréhension des faits donnée par les sciences dures. Sur un sujet comme celui-ci, on voit très bien que les sciences de l'humain en société sont fondamentales pour apporter une réponse politique adéquate à cette pandémie.

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