Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 9 décembre 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, président de l'Office :

. – La note insiste – et j'en suis très heureux – sur l'importance fondamentale du fait d'être actif, d'être en situation de choix et d'action, ou à l'inverse, d'être passif, en train de subir les événements. Face aux mêmes conditions, il est radicalement différent d'être dans une démarche active de recherche de solutions ou occupé à lutter contre le fléau, et de subir la situation sans pouvoir rien faire. On accepte même des conditions bien plus dures quand on est actif, qu'on se sent respecté et qu'on peut être fier de ce que l'on fait. La note le met bien en avant.

La note explique aussi très bien, avec la référence à Durkheim, un phénomène qui peut sembler paradoxal mais qui avait été très clair dans les auditions du monde universitaire : même s'il a été moins dur pour la société, le deuxième confinement a été beaucoup plus dur psychologiquement pour les étudiants, avec une bien plus grande hausse des pensées suicidaires et des profils en désarroi. L'explication qui avait été donnée est totalement cohérente avec ce que dit la note : pendant le premier confinement, tout le monde était logé à la même enseigne alors que durant le deuxième confinement, les étudiants avaient à subir des restrictions fortes, comme l'absence de cours en amphithéâtre puisque tout se passait en visioconférence, pendant que les employés retournaient au bureau et que les rues retrouvaient leur animation. Les étudiants avaient le sentiment d'être laissés pour compte, abandonnés, oisifs, et d'être négligés par la société qui ne voyait pas leur utilité alors que la machine économique redémarrait. De plus, les étudiants qui, par nature, ont besoin de se projeter dans le futur, de faire des rencontres, de discuter, ont vu l'essence même de leur futur métier vidée de son esprit : à quoi cela sert-il d'être scientifique si vous ne pouvez pas rencontrer les uns et les autres et participer à des colloques ? Ce qui semblait donc paradoxal – ce confinement moins dur a été beaucoup plus difficile pour les étudiants – est parfaitement éclairé par votre note.

Une dernière remarque : comme vous le dites bien, il est évidemment très simple pour un épidémiologiste de prôner des mesures radicales pour limiter la contagion (cloisonner, limiter, confiner), mais le problème se pose différemment pour les questions économiques ou pour les questions psychologiques ou psychiatriques. On retrouve ici le fait que c'est au politique de trancher face aux conseils ou suggestions des experts alors que ces experts peuvent être d'opinions différentes en fonction de leurs champs professionnels respectifs. C'était d'ailleurs le cas pour StopCovid – désormais TousAntiCovid : des réserves très fortes venaient du monde de l'informatique, évoquant notamment des failles de sécurité, alors qu'il y avait parallèlement des recommandations très fortes qui venaient du monde de l'épidémiologie. C'est le rôle du politique de trancher face à ces éclairages contradictoires. Ici aussi, vous montrez l'écart entre les approches relevant de la santé vis-à-vis de la contagion et de la santé au niveau psychiatrique, qui peuvent aller en sens contraire. Il revient aux politiques d'arbitrer et de l'expliquer.

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