Intervention de Thomas Veyrenc

Réunion du jeudi 28 octobre 2021 à 14h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Thomas Veyrenc, directeur exécutif chargé de la stratégie, de la prospective et de l'évaluation, RTE :

Les six scénarios de production issus de la concertation reflètent les différentes aspirations que nous avons identifiées lors de ce travail. Ils sont répartis en deux familles : d'une part, une famille de scénarios dits « M » où l'on ne relance pas la construction de réacteurs nucléaires et qui sont donc « 100 % renouvelable » en 2050 ou en 2060 selon les cas ; d'autre part des scénarios dits « N » où est prévue la construction de nouveaux réacteurs. Répartir a priori les scénarios entre ces deux familles est un point méthodologique qui a fait consensus lors de la concertation, parce qu'il permet d'étudier des mondes différents. Nous avons bien dit que ces scénarios étaient des chemins possibles pour le pays. Même si certains sont plus exigeants, plus difficiles ou plus incertains, ils garantissent tous, par construction, la sécurité d'approvisionnement et s'inscrivent tous dans l'objectif de neutralité carbone. Tous sont soumis à un certain nombre de prérequis et de conditions mentionnés dans le rapport, mais ils atteignent ces objectifs.

Les scénarios N diffèrent par le rythme de construction des nouveaux réacteurs. Dans le scénario N1, six nouveaux réacteurs sont construits entre 2035 et 2044. Ensuite, on continue au rythme d'environ une paire de réacteurs tous les cinq ans. Dans ce scénario, la part du nucléaire dans la trajectoire de consommation de référence sera donc de l'ordre de 25 % en 2050, puis de 15 % en 2060. Vous voyez que dans le scénario N1, il y a beaucoup d'énergies renouvelables. Le scénario N2 est le scénario N1 en plus rapide, avec 14 nouveaux réacteurs nucléaires entre 2035 et 2050. Le scénario N03 est une combinaison entre le rythme maximal de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, la prolongation des réacteurs actuels pour leur grande majorité jusqu'à 60 ans, voire au-delà pour certains, et la construction de petits réacteurs nucléaires, les fameux SMR. Ce scénario conduit à une capacité de production nucléaire de 50 gigawatts en 2050, qui correspond à la proposition la plus haute de la filière industrielle. J'insiste sur ce point : 50 gigawatts, ce n'est pas une question de part du nucléaire. Celle-ci est d'environ 50 % dans la trajectoire de référence, mais 60 % dans le scénario « sobriété » et 40 % dans le scénario de réindustrialisation. Cette proposition industrielle la plus haute n'est pas un maximum technique, mais une photographie, à date, de nos facultés de construction de réacteurs nucléaires qui conduit à ne pas couvrir l'intégralité de nos besoins énergétiques. Il y aura donc forcément une contribution des énergies renouvelables, même dans les scénarios N : un socle minimal de l'ordre de 70 gigawatts de solaire, sept fois plus qu'aujourd'hui, de plus de 40 gigawatts d'éolien terrestre, trois fois plus qu'aujourd'hui, et de l'ordre de 22 gigawatts d'éolien en mer. C'est un point important.

A contrario les scénarios M vont vers 100 % de renouvelables. On atteint 100 % de renouvelables en 2050 dans le cadre du scénario M0, qui est donc un scénario de sortie du nucléaire d'ici 2050. Dans les scénarios M1 et M23, le 100 % renouvelables est atteint en 2060, mais avec des configurations différentes. Le scénario M1 repose beaucoup sur le solaire, notamment individuel et distribué. Dans ce scénario, en 2050, une maison sur deux est dotée de panneaux solaires et produit une partie de son électricité. Le scénario M23 repose sur de grands parcs – solaires, éoliens offshore et à terre – pour faire des économies d'échelle et baisser les coûts. Les scénarios M supposent de formuler une hypothèse pour le rythme d'installation nécessaire à la création de telles capacités de production. Notre conclusion est assez simple : dans ces scénarios, il faut non seulement accélérer considérablement le rythme d'installation par rapport à ce qu'a fait la France au cours des dernières années, mais aussi se placer à un rythme plus élevé que celui de nos voisins les plus dynamiques : l'Allemagne pour l'éolien terrestre et le solaire et le Royaume-Uni pour l'éolien en mer. Ce chemin est praticable, mais il n'est pas facile. Nous pouvons tirer deux enseignements de ces scénarios : atteindre la neutralité carbone est impossible sans développer de façon significative les énergies renouvelables ; se passer de nouveaux réacteurs nucléaires implique des rythmes de développement des énergies renouvelables plus rapides que ceux des pays européens les plus dynamiques.

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