‑ J'en viens aux développements du rapport, relatifs à la dimension économique. En coûts complets annualisés, les coûts de production sont approximativement équivalents dans tous les scénarios, avec ou sans nouveau nucléaire, à l'horizon 2060. Ce qui commence à faire la différence, ce sont les coûts de flexibilité et, plus encore, les coûts des réseaux de transport et de distribution.
Qu'entend-on par flexibilité ? Ce sont cinq choses : le pilotage de la demande, le pilotage de la consommation, les interconnexions, le stockage hydraulique, les batteries et les centrales thermiques à gaz – qui fonctionneront demain à l'hydrogène. Tous les scénarios demanderont plus de flexibilité à l'avenir. Bien évidemment, plus les scénarios intègrent d'énergies renouvelables, plus ils demandent de flexibilité ; celle-ci est le grand déterminant du coût des différents scénarios. Pour vous donner une illustration, dans les scénarios qui tendent vers 100 % d'énergies renouvelables, la France aurait besoin de 40 à 60 nouvelles centrales thermiques à gaz qui fonctionneraient à l'hydrogène, ce qui reviendrait à doubler, voire tripler le nombre actuel de centrales à gaz.
Quelques précisions, quelques points d'alerte s'imposent sur ces résultats économiques. Premièrement, la dimension économique pèsera dans la décision, mais elle n'est probablement pas le seul critère à prendre en compte. D'autres concernent les technologies elles-mêmes. Deuxièmement, l'avantage économique des scénarios comportant du nouveau nucléaire est conditionné – je pèse mes mots – à un financement qui ne s'écarte pas de celui des autres moyens de production bas carbone. Nous avons pris pour tous les moyens de production la même hypothèse de financement à 4 %. Troisièmement, cet avantage économique réalisé par une base nucléaire minimale se retrouve dans la quasi-totalité de nos variantes et de nos stress tests, voire de nos crash tests.
Dans tous nos stress tests et nos crashs tests de comparaison économique entre les deux scénarios représentatifs N2 et M23, la différence de 10 milliards s'annule rarement, sauf lorsque nous cumulons des hypothèses strictement défavorables pour le coût du nouveau nucléaire et un coût bas pour un certain nombre de technologies renouvelables. C'est la raison pour laquelle nous considérons que nos résultats économiques sont résistants à différents stress tests.
Nous en avons tiré quatre grands enseignements. Le premier est que construire de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinent du point de vue économique, a fortiori quand cela permet de conserver en France un parc d'une quarantaine de gigawatts en 2050, avec le nucléaire existant et le nouveau nucléaire. Le deuxième enseignement est que les énergies renouvelables électriques – c'est un fait – sont devenues des solutions compétitives. Cela est encore plus marqué pour les grands parcs solaires, éoliens à terre et en mer. Troisièmement, nous avons toujours intérêt à accroître le pilotage de la consommation, à faire des interconnexions, à développer le stockage hydraulique, ainsi qu'à installer des batteries, surtout lorsqu'il y a beaucoup de solaire ; mais au-delà de ces moyens de flexibilité, le besoin de construction de nouvelles centrales à gaz, qui fonctionneraient essentiellement à l'hydrogène, deviendrait important dès le scénario N1 et massif, donc coûteux, dans les scénarios tendant vers 100 % d'énergies renouvelables.
Enfin, un point d'alerte très important dans tous les scénarios concerne la nécessité de redimensionner rapidement les réseaux électriques, parfois massivement, pour rendre possible la transition énergétique.
Nous avons rapporté le coût complet annualisé de nos scénarios en 2050 au mégawattheure. Je n'entre pas dans le détail et je vous livre simplement l'enseignement que nous en avons tiré : le système électrique de la neutralité carbone peut être atteint en 2050 à un coût maîtrisable pour la France, si on le compare à celui du système électrique de 2020.