‑ Les hypothèses relatives aux EPR2 sont issues des audits réalisés par l'État, qu'il nous a transmis dans le cadre de la concertation sur les hypothèses médianes et les hypothèses hautes. Ensuite, de sa propre initiative, RTE a ajouté un certain nombre de stress tests, notamment un stress test dans lequel nous avons considéré que tous les nouveaux réacteurs nucléaires seraient réalisés au coût de l'EPR de Flamanville 3. Je précise que nous n'avons pas appliqué ce principe méthodologique uniquement au nouveau nucléaire, mais également à l'éolien flottant, là où il y a une incertitude. Nous prenons donc les références de coûts qui nous semblent les plus sérieuses ou les plus documentées et nous faisons des stress tests. En théorie, nous avons été prudents.
Sur les SMR, Monsieur Prud'homme a raison, nous n'avons pas d'idée de ce que peuvent être les coûts. Ce sujet est peu documenté et l'on voit des estimations très diverses, certaines étant des annonces commerciales et d'autres des articles de chercheurs. Notre principe de prudence nous a fait appliquer aux SMR le coût des têtes de série des nouveaux réacteurs nucléaires, les têtes de série d'EPR2, même si les SMR étaient développés plus tard. En théorie, on peut considérer que s'ils étaient développés plus tard ils ne seraient pas au coût de la tête de série, mais on a quand même pris ce coût pour être prudent.
Les questions de Madame Cariou sont très bienvenues, car nous avons beaucoup réfléchi à l'aval du cycle et à la façon de prendre en compte l'incertitude associée. Dans le chapitre 11, en ligne depuis le début de la semaine, une longue discussion méthodologique sur l'aval du cycle est présentée de la page 459 à la page 471. Pour la prolongation des réacteurs et le démantèlement, nous nous sommes basés sur les références de la Cour des comptes, qui nous a aidés à avoir accès à plus d'informations, ce dont nous devons les remercier.
La gestion des déchets et le traitement recyclage sont des sujets importants. Nous avons pris en compte un renouvellement des installations de La Hague et de Melox. C'est un point méthodologique important, parce que ce n'est pas souvent fait dans les chiffrages. La Cour des comptes nous y avait incités. Nous avons donc ajouté plusieurs milliards d'euros dans le chiffrage des scénarios. Ceci n'a pas le même impact selon les scénarios, puisque si la relance du nucléaire est modérée, ces installations s'amortiraient sur une production nucléaire moindre. De tels scénarios sont donc susceptibles de montrer des évaluations de coûts plus hautes sur la question traitement recyclage que d'autres analyses économiques. Encore une fois, cela découle du parti pris de prudence. De plus, nous avons ajouté plusieurs milliards d'euros au titre de la densification et de la création de nouvelles piscines de stockage à La Hague.
Sur le stockage des déchets ultimes, nous avons pris l'évaluation la plus haute des coûts de Cigéo. Nous avons intégré une majoration de 10 milliards d'euros, propre à RTE, qui n'engage pas l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), pour intégrer les coûts potentiels liés à la gestion de déchets supplémentaires. Enfin, par prudence, nous n'avons pas actualisé ces dépenses, ce qui conduit à les surestimer. Encore une fois, notre chiffrage veillait à appliquer un principe de prudence sur l'aval du cycle, parce que nous étions conscients des questions que vous avez mentionnées.
Par contre, l'analyse ne conduit pas à soulever un point de vigilance sur les ressources en uranium, ni même sur son coût. Le cadrage relatif au traitement recyclage a beaucoup plus d'impact sur le coût du nucléaire que le prix de l'uranium. C'est pourquoi nous n'avons pas formulé de conclusions sur la ressource uranium, à l'inverse du cuivre, mais sur l'ajustement nécessaire de la stratégie de gestion de l'aval du cycle dans les scénarios « N ». Je pense que c'est prévu par les opérateurs du secteur.
J'espère que ces garanties méthodologiques peuvent vous convaincre du fait que nous avons été volontairement prudents sur ces questions, parce que nous étions conscients de leur sensibilité.
Sur la question de la consommation, Monsieur Piednoir a raison : les pays européens n'ont pas les mêmes trajectoires. En France, nous discutons d'une prévision de consommation qui serait trop élevée dans la trajectoire de référence, mais si l'on se compare aux autres pays européens, il faudrait plutôt se demander si elle n'est pas trop faible, puisqu'un grand nombre de nos voisins montrent des perspectives d'électrification plus importantes. Néanmoins, l'augmentation en pourcentage est peut-être trompeuse, parce qu'en France la part d'électricité dans la consommation énergétique est plus élevée que dans un certain nombre de pays voisins, notamment l'Allemagne ou le Royaume-Uni, qui ont une forte tradition gazière. Si la cible au Royaume-Uni est 700 ou 750 térawattheures en 2050, cela correspond à une augmentation en pourcentage plus importante que celle de la France, qui est déjà à 475 et qui cible 645 térawattheures. Il faut cependant rappeler que certaines études allemandes vont jusqu'à 1 000 térawattheures et certaines études britanniques entre 600 et 800 térawattheures. Dans le chapitre qui va être publié cet après-midi, la partie Europe analyse 40 scénarios européens de décarbonation, pour situer l'effort français par rapport aux autres pays. Donc, il y a bien un enjeu. La stratégie française, dans la trajectoire de référence présentée par Xavier Piechaczyk, intègre un objectif d'efficacité énergétique situé dans le haut de la fourchette de ce qui est prévu par d'autres pays européens.
Pour finir, nous avons très rapidement, à l'issue de la conférence de presse, mis en ligne les différents chapitres, en commençant par l'analyse économique. Nous avons mobilisé quarante personnes pour réaliser cette étude. Malheureusement, je ne dispose que d'une compositrice pour traiter les 500 graphiques du rapport, ce qui explique que celui-ci ait un peu de retard – moins cependant que d'autres organismes qui publient des scénarios en ce moment. Nous mettons en ligne les chapitres manquants le plus rapidement possible. Ce sera fini cet après-midi : il y aura bien les douze chapitres et les 650 pages.
S'agissant des coulisses, la concertation est notre garantie ultime. Les 1 400 pages que nous avons envoyées à la concertation permettent de suivre sur deux ans l'évolution de notre pensée, ainsi que la façon dont nous avons pris en compte les avis et les remarques des parties prenantes. La concertation a fait bouger les scénarios. Il n'y aurait pas eu un scénario de réindustrialisation profonde en 2019. C'est vraiment un produit de la concertation. On parle peu de ce scénario, pourtant c'est celui qui a le meilleur impact sur l'empreinte carbone du pays.
Par ailleurs, nous avons beaucoup détaillé le scénario « sobriété », à la demande d'un certain nombre de parties prenantes, sur les rythmes, l'évaluation économique, les prélèvements de ressources, etc. On voit bien, quand on regarde l'ensemble des documents, qu'une pensée mouvante a conduit à faire évoluer non pas notre discours, mais notre dispositif.
Un certain nombre de compléments suivront au premier trimestre 2022, notamment parce que nous ne pouvions pas, même dans 650 pages, croiser l'ensemble des trajectoires de mix avec l'ensemble des scénarios de consommation. Et encore, nous vous avons épargné les variantes « hydrogène plus » et celles de réindustrialisation plus ou moins marquée, ainsi que les différentes variantes européennes : que se passe-t-il si les pays voisins vont plus vite ou plus lentement ? Que se passe-t-il si l'on développe moins les interconnexions ? Tous ces croisements seront traités dans le rapport des analyses approfondies qui sera publié au premier trimestre 2022.
Enfin, nous avons bien établi des collaborations décisives avec des universitaires. Je pense que ceux qui ont participé à notre concertation n'auront vraiment pas à se plaindre quant à la prise en compte de leurs contributions dans les scénarios. Par contre, nous avons refusé des scénarios repoussant la neutralité carbone de 2060 à 2070, demandés par certains participants à la consultation publique. Nous n'avons pas non plus pris en compte de trajectoire irréaliste d'un point de vue industriel. C'est pour cela qu'un certain nombre de scénarios ne se retrouvent pas dans notre restitution de lundi dernier, notamment un scénario avec 75 % de nucléaire en 2050, qui n'était pas cohérent avec la proposition industrielle que nous avions sur la table.