‑ Nous ne sommes pas fondés à décider que tel ou tel moyen de production d'électricité serait plus acceptable qu'un autre. C'est un débat de société.
La neutralité carbone a trois avantages.
Le premier est qu'elle est bonne pour le climat, mais aussi pour les pollutions, notamment la pollution atmosphérique, du fait de l'absence de particules, et le bruit.
Le deuxième est que la neutralité carbone est bonne pour la souveraineté, notion mise en avant par Madame Cariou. Aujourd'hui, 60 % de l'énergie consommée en France est fossile, importée pour l'essentiel de Russie, d'Algérie et des pays du Golfe. C'est donc un bénéfice gigantesque en termes de souveraineté, quand bien même le système électrique de demain serait un peu plus interconnecté qu'aujourd'hui. Il y a dix ordres de grandeur entre l'enjeu de souveraineté d'aujourd'hui et l'enjeu de souveraineté de demain.
Le troisième avantage est que la prédominance de l'électricité dans le mix de demain protégera les consommateurs du yoyo si souvent observé sur les marchés des énergies fossiles, comme l'augmentation actuellement observée sur le prix du gaz, donc aussi sur la facture d'électricité des Français. La production des 60 % d'énergies fossiles consommés en France ne se « voit » pas en termes d'émissions carbone. Celles-ci se font dans les pays étrangers, puisque les puits de production de pétrole et de gaz ne sont pas chez nous et qu'il n'y a presque plus de raffinerie en France, en tout cas beaucoup moins qu'avant. Les circuits d'approvisionnement en produits pétroliers ne se voient pas. Par contre, la neutralité carbone et la prédominance future de l'électricité supposent de nouvelles installations industrielles dans notre pays. Toutes ces installations – renouvelables, nouveau nucléaire ou futurs pylônes, puisqu'il faudra plus de réseaux – ont une empreinte et elles se verront.
Je ne suis pas sûr – c'est une question ouverte qu'il ne revient pas à RTE de trancher – que l'acceptabilité de nouvelles tranches nucléaires, dès lors qu'elles seront nombreuses, sera plus facile que celle des renouvelables dans le paysage ou, pour le solaire, en termes d'occupation des sols. Nous avons pris la peine de traduire l'impact de nos scénarios en nombre de mâts pour l'éolien et d'hectares pour le solaire : entre 1 500 et 4 200 mâts pour l'éolien offshore, entre 15 000 et 35 000 mâts pour l'éolien terrestre, contre 8 500 aujourd'hui, et entre 50 000 et 250 000 hectares, soit entre 0,1 % et 0,3 % du territoire national, pour le solaire.
Aujourd'hui, l'Allemagne compte 30 000 mâts d'éoliennes. Dans les scénarios qui tendent vers 100 % de renouvelables en France, le nombre maximal de mâts serait, compte tenu de l'efficacité des éoliennes, de 35 000, soit une densité moindre en France en 2050 qu'en Allemagne en 2020. Nous ne nions pas que la question de l'insertion paysagère est un enjeu. Ce que nous avons voulu mettre dans le débat, ce sont des questions de proportion : même dans les scénarios 100 % renouvelables, le nombre de mâts d'éoliennes terrestres serait demain presque égal, en tout cas absolument comparable, au nombre de mâts en Allemagne en 2020. Voilà l'ordre de grandeur. L'acceptabilité de l'appareil industriel de demain, que ce soit du nouveau nucléaire, peut-être des SMR, des éoliennes, du solaire, a fortiori de l' offshore, est une question politique. Nous la documentons, nous écrivons des ordres de grandeur et même des chiffres précis, mais bien évidemment cela relève d'un choix de société, comme la question de la consommation.
En conclusion, je voudrais attirer l'attention des parlementaires sur la discussion stratégique qui va s'organiser au Parlement, en 2022 et 2023, sur la nouvelle stratégie nationale bas carbone (SNBC) et surtout sur la future programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Vous savez que cette question fait l'objet d'un débat parlementaire. Je veux attirer votre attention sur le fait que l'objectif du « Fit for 55 » en 2030, qui sera dans l'horizon temporel de la PPE – environ 2035 – va être un défi absolument redoutable et que cela supposera un effort sur le système électrique décarboné. Aussi, avons-nous formulé des recommandations pour des politiques publiques efficaces de transfert des usages. Faute de telles politiques, combinées à un système électrique grossi et décarboné dès 2030, la France n'atteindra pas l'objectif de « moins 55 % nets » en 2030.