Une des clefs est d'avoir toujours quelque chose à dire de nouveau ou, présenté autrement, de renouveler votre offre au public assez fréquemment pour que vous reveniez sur le devant de la scène médiatique. Les musées qui n'ont pas d'activité récurrente voient leurs visiteurs venir une fois, pas deux. Pour fidéliser un public, il faut donc dynamiser sa programmation. C'est pourquoi tous les sites culturels, quels qu'ils soient, ont « événementialisé » cette programmation. Cela a un coût et les équations financières sous-jacentes à cet impératif ne sont pas évidentes. Il faut faire la part entre vos présentations dites permanentes et vos présentations dites temporaires, même s'il existe des modèles hybrides. Si nous avons réussi, c'est que chaque fois que le public nous rend visite, il trouve quelque chose qui n'y était pas la fois d'avant. Nous avons un public de fidèles abonnés qui viennent nous voir régulièrement. La Cité des enfants présente par ailleurs l'avantage que les enfants ne se lassent pas de revenir au même endroit même si notre responsabilité d'opérateur culturel est de faire évoluer ce lieu et d'y apporter progressivement des choses nouvelles. Il faut trouver un équilibre entre renouvellement et familiarité.
Ensuite, un musée qui est dans les beaux quartiers comme le Palais de la découverte n'est pas la même chose qu'un musée qui est dans le 19e arrondissement. Les gens qui passent la porte de la Cité des sciences et de l'industrie incarnent la société française dans sa diversité. Ce n'est pas le même public que celui que vous trouvez au Palais de la découverte. Les lieux font beaucoup. Je dis souvent au président Stéphane Troussel que nous sommes une institution de Seine-Saint-Denis car plus de la moitié des lecteurs de la bibliothèque viennent du « 9.3 ». Il leur suffit de franchir le périphérique, donc ils se sentent chez eux chez moi. Ils ne viennent pas aussi facilement au Palais de la découverte qui est plus éloigné, à de nombreux égards. C'est un atout d'être dans le 19e arrondissement et de faire partie du plus grand parc culturel européen, qui comprend la Philharmonie, la Grande Halle de la Villette, le Zénith, le théâtre de la Villette et le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris – sans parler d'un parc magnifique où l'on fait son jogging, où l'on promène son chien, où l'on se dore au soleil, où l'on pique-nique et où les enfants jouent au ballon.
Enfin, il y a l'école. C'est à elle de faire venir les gens. Les enfants ont moins de préventions culturelles et symboliques que les adultes. Ils ont un rapport beaucoup plus immédiat à l'offre culturelle. Il faut impérativement que les écoles viennent dans nos établissements car après cela, les enfants y font revenir leurs familles. Nous avons d'ailleurs un programme permettant aux enfants qui sont déjà venus dans notre établissement avec leur classe de revenir gratuitement avec un membre de leur famille. Nous soignons donc les enseignants qui sont les prescripteurs. Nous leur proposons des visites privilégiées gratuites, des publications et des dossiers pédagogiques. Un jour, peut-être que la représentation nationale imposera l'obligation annuelle de faire visiter aux enfants un établissement culturel. Il est des pays où la sortie dans un centre scientifique est obligatoire chaque année. Ce ne doit pas forcément être chez Universcience. Cela peut se faire au Muséum, etc.
Je ne suis pas, sinon par échantillons, la catégorie socioprofessionnelle de mes visiteurs. Je sais que nous sommes un peu moins mauvais que la moyenne et que les gens qui ne viennent pas dans nos établissements sont ceux que le progrès n'intéresse pas, qui ont un rapport à la modernité fortement déterminé par leurs origines sociales et qui considèrent que la mondialisation n'a que des effets négatifs. Cette question dépasse un peu mon champ d'action mais je la partage avec vous. Encore une fois, il faut miser sur l'école. Les élèves représentent 30 % de la fréquentation au Palais de la découverte. Les attentats ont entraîné, du jour au lendemain, une diminution par deux de la fréquentation scolaire. Nous en avons récupéré la moitié de cette moitié. Il reste donc un quart des élèves à récupérer. Nous avons été très handicapés par ce phénomène conjoncturel.