Je vous remercie, monsieur le député. Nos défis sont nombreux. Il en est un qui me tient à cœur mais qui est difficile à relever : mes effectifs, d'une centaine de salariés, ne sont pas représentatifs de la diversité de la société française. Quand vous accueillez du public, il est important qu'il trouve dans l'établissement la même diversité que celle dans laquelle il vit. Les pays anglo-saxons sont beaucoup plus en avance que nous en ce domaine. Nous avons quand même commencé à faire travailler des doctorants car ce sont des jeunes. Les adolescents ont donc en face d'eux non pas des vieux comme moi mais des gens qui ont l'âge d'être leurs grands frères ou leurs grandes sœurs. Nous venons d'être labellisés par l'Association française de normalisation (AFNOR) au titre de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et au titre de la diversité, mais la labellisation n'est qu'un point de départ et la validation d'un plan d'action. Il importe que nos établissements soient à l'image de la société. Pour être un établissement démocratique, qui plus est financé par la collectivité publique, il faut être ouvert. Or, nous sommes très loin de ce que nous pourrions faire. C'est de l'ingénierie professionnelle mais elle compte beaucoup car quand le public entre dans un établissement, il voit d'abord les personnes qui l'accueillent puis les murs, les bâtiments et les offres. Il faut veiller à raconter des histoires et non pas une histoire, faire la place à la pluralité des points de vue et être ouvert aux débats qui agitent la société et le monde. Nous avons un rapport important aux contenus puisque nous disons qu'il y a une méthode scientifique, que la science n'est pas une opinion et que chacun pense ce qu'il veut de l'utilisation qui est faite de la science dans la société par les entreprises privées et les pouvoirs publics. Nous proposons par exemple une exposition sur Louis Pasteur en ce moment au Palais de la découverte, dans le cadre de laquelle nous démontrons les vertus scientifiques de la vaccination – qui ne sont pas un sujet de discussion. Ensuite, que les pouvoirs publics décident d'une obligation vaccinale est un autre débat mais si vous ne comprenez pas ces vertus scientifiques, vous ne pourrez pas participer à ce débat.
Nous avons d'ailleurs réfléchi, à la demande de la ministre des solidarités et de la santé, à la manière de développer des outils pour réhabiliter une parole experte. C'est sans doute notre deuxième défi. Nous vivons dans un monde où la parole experte est dévaluée, où les politiques ont du mal à se faire entendre et où les corps constitués sont critiqués. Ainsi, depuis Fukushima, les Japonais ne croient plus la presse, les politiques ni les industriels – et ils n'ont pas totalement tort. Ils vont donc dans les centres de science, singulièrement dans celui de Tokyo, pour poser des questions, sachant que c'est un lieu de neutralité dans lequel ils peuvent disposer d'une information de qualité. C'est notre rôle que d'être un lieu public dans lequel puissent être posées et débattues des questions complexes, dans un climat de neutralité.
Il s'agit donc de savoir comment nos institutions, au-delà de leur aspect ludique et divertissant, peuvent contribuer à animer le débat en société au XXIe siècle, dans un contexte marqué par la remise en cause de la parole experte et le développement des fake news. Ce n'est pas facile pour nous car il commence à y avoir des études scientifiques sur nos métiers et on a fait des découvertes horribles (Sourires). Jusqu'à présent, nous vivions dans un monde simple : je m'adressais à vous et ce que je vous disais venait combler une lacune – c'est ce qu'on appelle le deficit model. Nous étions des sachants face à un public ignorant. Il suffisait de nous mettre en contact pour que la lumière jaillisse. Or, les études montrent que plus leur niveau d'études est élevé, plus les gens ont des idées arrêtées, même si elles sont fausses. Autre problème, plus vous donnez aux gens d'informations, plus vous les confortez dans leurs idées fausses. Nous sommes donc en pleine réflexion sur nos méthodes. L'idée est de susciter la curiosité. Sur la vaccination, par exemple, nous essayons d'expliquer ce qu'est un risque – individuel comme collectif. Nous essayons de faire comprendre les choses en prenant des chemins détournés. Il nous faut investir dans la science de nos métiers. Nous allons donc créer au Palais de la découverte d'ici à 2024 une unité de recherche sur la médiation scientifique pour essayer de devenir plus intelligents en utilisant les méthodes de la science que nous promouvons.