Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés.
Vous avez souhaité entendre des représentants du service des affaires immobilières et du patrimoine sur la problématique de l'accueil du public. À cette fin, je suis accompagné par M. Xavier Brun, ingénieur en chef, membre de la cellule maîtrise d'ouvrage, qui connaît autant nos locaux que les différents projets qui ont pu être conçus pour améliorer cet accueil.
Je présenterai tout d'abord, si vous m'y autorisez, la situation actuelle puis les espaces éventuellement aménageables, sachant que lors de notre entrevue préalable vous avez d'emblée marqué un intérêt pour une extension des espaces actuels du Palais Bourbon.
En vérité, vous connaissez parfaitement les espaces aujourd'hui dévolus à l'accueil du public. Ils sont éclatés, peu pratiques, peu accessibles.
On observe tout d'abord que le public accède au Palais Bourbon par les entrées des 126 et 128 rue de l'Université sur invitation des autorités politiques, et par le Quai d'Orsay pour les visites ou la séance publique. La boutique, qui ailleurs clôt d'ordinaire les circuits de visite des châteaux et des expositions, est excentrée puisqu'elle est située au rez-de-chaussée d'un autre bâtiment, l'immeuble du 110 rue de l'Université, loué à l'assureur Generali.
Les surfaces sont les suivantes : au Palais-Bourbon, 648 m2 sont affectés à l'accueil et, au 110 rue de l'Université, la Boutique représente 191 m2, réserves incluses. Le total ne représente donc que 839 m2.
L'ensemble est indéniablement étriqué, compte tenu de l'importance des flux de personnes et des stockages. Il l'est plus encore au regard des nouvelles nécessités de l'accueil et de la sûreté.
La situation est encore plus mauvaise si on décrit les circuits. Le public arrivant devant l'entrée du Quai d'Orsay – environ 100 000 personnes par an – arrive dans un tout petit espace de contrôle de 57 m2 servant aussi d'entrée pour la presse et ne disposant ni de toilettes ni de vestiaires. Il suit ensuite une sorte de boyau et traverse une zone de bureaux correspondant aux locaux de la division de la Presse, descend un escalier très étroit pour accéder à la salle de projection et aux toilettes, pour remonter par le même escalier et entamer la visite proprement dite du Palais, ou se rend aux vestiaires, distants, pour assister à une séance publique.
Ce circuit n'est pas accessible aux personnes à mobilité réduite, et je sais que cette question constitue pour vous un sujet de préoccupation. Dès l'entrée, sur le Quai, des marches empêchent ces personnes de suivre leur groupe ; elles doivent donc passer par la cour du Pont. À l'intérieur, au sein de la division de la Presse, des escaliers descendant ou montant constituent de nouveaux obstacles. Pour se rendre à la salle de projection située au sous-sol, de nouvelles marches restent à franchir. Les personnes à mobilité réduite ne peuvent donc pas voir le film institutionnel ; aucun contournement n'est possible.
Nous avons essayé d'améliorer les choses. Du côté des sanitaires du sous-sol, ont été installés un élévateur puis une rampe. Les sanitaires eux-mêmes ont été intégralement agrandis et refaits, et des toilettes pour personnes à mobilité réduite ont été conçues. Mais la salle de projection demeure inaccessible et les escaliers qui y mènent ne sont pas aux normes.
Compte tenu des espaces en cause, on ne peut multiplier les élévateurs. Cette solution n'est au demeurant guère satisfaisante : les élévateurs restent chers alors qu'ils sont au total peu utilisés ; ils nécessitent une maintenance coûteuse et il n'est pas rare qu'ils soient hors service – comble de malchance – au moment même où, justement, on a besoin d'eux. Une telle mésaventure, tout à fait fâcheuse, nous est arrivée récemment.
Les difficultés ne s'arrêtent pas là ! Dans l'autre sens, pour sortir, cour du Pont, il faut encore emprunter des marches depuis la rotonde. À cet endroit, aucune rampe n'est concevable compte tenu de la pente exigée par les normes. Un élévateur extérieur, soumis aux intempéries toute l'année, serait une source permanente de soucis et de frais de maintenance. Côté rue Aristide Briand, nous avons prolongé un ascenseur pour desservir la sortie, mais il reste à adapter cette dernière, ce qui est un peu compliqué.
Nous sommes ainsi probablement au bout de ce qui peut être fait. L'amélioration de la situation semble passer désormais par des travaux de gros œuvre impossibles à concevoir sans restructuration complète et sans projet global.
On ajoutera que d'autres interventions techniques seraient nécessaires. Les réseaux électriques de la zone sont à revoir sérieusement. Les équipements audiovisuels de la salle de projection sont en fin de vie après une vingtaine d'années de service : la sonorisation est médiocre et le projecteur très moyen. Ils ne permettent pas, au-delà des films institutionnels, de projections de films de qualité. Avec 94 places, la salle elle-même est par ailleurs probablement trop petite alors que son emplacement, proche de l'Hôtel de Lassay, suscite régulièrement de l'intérêt – ce qui est compréhensible – à la Présidence.
Au-delà de ces aspects techniques, il est clair que les espaces d'accueil – et vous l'avez d'emblée pointé – ne répondent plus aux exigences d'une institution de la République ouverte sur la société – la directrice du service de la communication pourrait vous détailler cette faiblesse – et ne sont pas au niveau d'un espace patrimonial aussi prestigieux que le Palais Bourbon.
Il n'y a pas d'espace d'exposition, soit permanente, soit provisoire, sur le rôle de l'institution ou ses grandes heures, ou son patrimoine. Des expositions ont certes été organisées jadis dans la galerie de liaison entre le Palais et l'immeuble Jacques Chaban-Delmas, mais ce n'est plus possible pour des raisons d'accès, de sécurité, de normes et de sûreté. De son côté, la Bibliothèque organise des expositions, mais elle vise essentiellement la mise en valeur de son fond, dans son propre espace, très limité. Des expositions ont aussi pu être organisées dans la salle des Pas perdus, par exemple sur l'année 1914 et l'engagement des députés de l'époque, mais elles gênaient les circulations, notamment lors des séances, ou étaient gênées par elles. Enfin, la galerie des Fêtes de l'Hôtel de Lassay a pu servir à plusieurs reprises : anniversaire du Code civil en 2004 ou des Congés payés en 2016, mais le cadre s'est révélé peu adapté, les visites impliquant des inscriptions préalables.
On peut aussi naturellement, comme vous l'avez fait, relever qu'il n'existe aucun lieu pédagogique, propice aux débats citoyens ou aux rencontres entre députés et électeurs.
Il n'existe pas plus d'espace de restauration rapide pour les visiteurs. Les scolaires n'ont, par exemple, pas d'autre solution pour déjeuner sur le pouce que de se rendre dans un jardin alentour ou sur l'esplanade des Invalides pour consommer leur sandwich, éventuellement sous la pluie et dans le froid.
Je ne saurais oublier le caractère perfectible de l'accueil au regard de la sûreté. Vous comprendrez toutefois que mon propos soit quelque peu laconique compte tenu du sujet. Quelques travaux seraient nécessaires, sachant qu'ils ne doivent pas de leur côté freiner excessivement les accès. L'exercice, on l'a vu à l'occasion de la rénovation de l'accueil du 128 rue de l'Université en 2016, n'est vraiment pas simple… Actuellement, l'entrée du Quai d'Orsay ne dispose et ne peut disposer que d'un seul scanneur et portique pour le public. Ce qui est peu.
Un mot enfin sur la Boutique. Extérieure au Palais Bourbon, puisque située au 7 rue Aristide Briand, éloignée des circuits de visite et ne permettant pas vraiment d'événements comme des séances de dédicace ou de débats autour de récentes publications, ses surfaces sont limitées. L'espace ouvert au public n'occupe que 117 m2, ses réserves, indispensables, représentant en sus 74 m2 au total.
L'ensemble de ces données est connu de longue date. Si une opération de rénovation devait être lancée, il serait d'ailleurs peut-être opportun qu'elle fasse l'objet d'un reportage public, vidéo ou photo, afin de dissiper tout malentendu sur l'objectif des travaux, à l'instar de ce qu'a fait – assez bien à mon avis – la Chambre des Communes.
Seul en effet – on l'a dit – un projet d'ampleur peut résoudre de façon satisfaisante les problèmes soulevés. Des réflexions ont déjà eu lieu. L'opération actuellement menée sous l'emmarchement, au nord, est l'occasion de les relancer et de repenser ces espaces. Votre groupe de travail est en mesure de fournir le cadre nécessaire ainsi que de nouvelles lignes directrices.
S'agissant des réflexions déjà menées, on doit signaler l'étude présentée au Bureau de l'Assemblée nationale le 23 novembre 2011.
Le projet imaginé par un programmiste était ambitieux ; tellement qu'il n'a pas été mis en œuvre, d'autres priorités ayant été retenues sous la XIVe législature. Ce sont quelque 3 000 m2 supplémentaires qui étaient envisagés grâce à la valorisation des sous-sols situés sous le jardin de la buvette des parlementaires, l'emmarchement, la cour du Pont, le bâtiment actuel de l'accueil et même une partie du jardin de la Présidence. S'agissant du bâtiment d'accueil, deux options étaient présentées : un façadisme, avec démolition des planchers intérieurs, et la construction d'un nouveau pavillon. Une livraison cinq ans après les premières décisions était alors envisagée.
Ce projet ne peut aujourd'hui être repris tel quel : une importante opération sous l'emmarchement est en cours ; le pavillon d'accueil est désormais protégé par le plan de sauvegarde et de mise en valeur du VIIe arrondissement ; l'opération poursuivait des objectifs contradictoires impliquant des croisements de flux en prévoyant un meilleur accueil, mais aussi des espaces pour les députés. En outre, l'ampleur de l'opération impliquait des engagements financiers – 63 millions d'euros, hors travaux dans la zone Presse – peut-être incompatibles avec les orientations budgétaires actuelles, mais devant surtout être revus.
L'ouvrage mérite donc d'être remis sur le métier. La perspective de l'achèvement de l'opération d'emmarchement, au printemps 2019, y invite fortement. Les espaces dégagés n'attentent en effet qu'une utilisation au profit du public.
On rappellera qu'il est prévu, dans le cadre du confortement de l'emmarchement, menacé d'effondrement à la suite d'un lessivage des sols détecté en 2006 et dû à la présence d'une fosse fuyarde de récupération de condensats, de déplacer l'ensemble des installations techniques, à hauts risques, à un niveau inférieur, exactement sous le niveau où elles se situent actuellement. Le précédent collège des questeurs, pressentant les nécessités à venir, a décidé de profiter de l'opération pour faire creuser la partie située sous le parvis, devant l'emmarchement proprement dit. Cette « boîte » est en cours de réalisation, et vous avez eu l'occasion de la voir lors de votre visite de chantier. Elle ne devrait toutefois, au terme des travaux actuels, disposer d'aucun équipement, d'aucune ventilation, d'aucun plancher intermédiaire, d'aucun fluide : tout demeure à concevoir et à créer. Mais la localisation de l'espace est évidemment exceptionnelle. Toute la zone située entre le pourtour de l'hémicycle et le vestiaire du public d'une part et la zone d'emmarchement d'autre part pourrait constituer un lien vers cet espace.
On peut donc imaginer des espaces d'accueil passant de moins de 700 m2 à 3 000 m2 si l'on valorise la totalité de la cour du Pont, soit 1 000 m2, si l'on réhabilite sur plusieurs niveaux le pavillon d'accueil et si l'on intègre bien l'ensemble de la réserve foncière résultant de l'opération emmarchement en cours, soit 1 200 m2 en dehors des espaces techniques. Il faut toutefois prendre cette projection avec une extrême prudence, car des espaces en sous-sols requièrent, en termes de sécurité incendie, des dégagements et des équipements techniques fortement consommateurs d'emprises, très difficiles à évaluer à ce stade. On ne saurait donc aucunement dire aujourd'hui quelle serait la taille d'une salle d'exposition, d'une cafétéria ou d'un lieu de rencontre ouvert.
La Boutique pourrait en tout cas être rapatriée au Palais Bourbon, où elle avait d'ailleurs été créée à la fin des années 1980, et placée au terme des circuits de visite. Ce transfert serait d'autant plus logique qu'il est question, à l'issue de l'indispensable rénovation de l'ensemble de Broglie, prévue mi-2021, de renoncer à la location de l'immeuble qui l'abrite aujourd'hui.
Compte tenu des enjeux architecturaux – il s'agit aussi de donner une nouvelle image de l'Assemblée –, des contraintes techniques comme les passages de fluides, les évacuations, etc. ainsi que de l'importance des questions de sûreté et des estimations financières préalables, la procédure du concours pourrait être pertinente pour obtenir un projet parfaitement cohérent et traitant de tous ces aspects. Cela prend du temps – huit mois au minimum, après une phase programme et de sondages –, mais un projet de qualité, marquant, pour les cinquante ans qui viennent, passe sans doute par là. Concevoir des espaces d'exposition, des lieux d'accueil du public en sous-sol et des équipements interactifs réclame des expertises multiples qui ne s'improvisent pas. Cela vous a été clairement dit tout à l'heure lors de l'audition de M. Maquart. Il ne s'agirait pas d'une rénovation classique – de l'aménagement de locaux standards, de salles de réunion ou de bureaux comme à l'Hôtel de Broglie – mais de créer des espaces véritablement novateurs, à la hauteur du patrimoine historique du Palais Bourbon. Il appartient au collège des questeurs d'en décider.
Il faudra aussi, si l'opération doit être lancée, traiter de très nombreuses difficultés de chantier liées à l'occupation du site, en partie près de la salle des séances. Si l'on ne peut mener des travaux ni le jour ni la nuit pendant que l'Assemblée siège… cela peut être en effet assez compliqué et renchérir singulièrement l'opération. L'avantage de la « façade nord » est sa proximité avec le cœur battant du Palais. C'est aussi son inconvénient.
Il faudra aussi, comme l'a relevé précédemment Mme la rapporteure, traiter des conditions d'accueil du public pendant les travaux, en liaison évidemment avec le service de la communication. L'affaire serait négligeable si l'opération ne devait durer que quelques mois. Or, nous savons que cela ne saurait être le cas. Deux ans de travaux paraissent un minimum.
Compte tenu de ces éléments, le recours à un programmiste pourrait être une première étape éclairante pour tous : pour vous, pour nos autorités comme pour le service technique que nous sommes. Sur la base de vos préconisations et au vu d'un « terrain de jeu » net, il lui appartiendrait de décrire ce qui est envisageable dans l'espace considéré et les calendriers possibles. Le collège des questeurs pourrait être saisi de cette proposition à l'issue de vos travaux.
Des données comparatives seraient aussi sans doute utiles pour affiner un nouveau projet. Je crois savoir que vous en rassemblez, et que vous allez effectuer des déplacements. Je n'ai pas de vision platonicienne de l'enquête à l'étranger, mais je souhaite attirer votre attention sur le fait que si les projets menés au-delà de nos frontières peuvent être instructifs, suggestifs même, ils ne seront pas forcément « importables » au cas où le périmètre de la façade nord serait retenu, et ce pour de multiples raisons. S'il est question d'imaginer un nouvel accueil pour de nombreuses années, il faut par exemple tenir compte de l'environnement patrimonial dans lequel il s'insérerait – fruit d'une histoire plus que bicentenaire –, des règles d'urbanisme et des exigences de sûreté propres à notre pays. Certains parlements étrangers ne connaissent pas nécessairement les mêmes contraintes.
La contrainte est aussi budgétaire. Il nous faut aussi rénover d'autres espaces de l'Assemblée nationale : des salles de réunion supplémentaires et équipées de moyens de captation audiovisuelle nous sont demandées ; le Bureau et le collège des questeurs ont décidé l'acquisition puis la rénovation de l'ensemble de Broglie pour régler les problèmes d'espace dévolus aux députés et à leurs collaborateurs, souvent exigus, inégaux et parfois inconfortables, chauds l'été et froids l'hiver ; le défi environnemental réclame enfin des investissements croissants. C'est dire l'importance des tâches à mener de front. Lancer une opération telle que la rénovation et l'agrandissement de l'accueil actuel exigerait naturellement des moyens budgétaires et humains importants. On ne saurait le dissimuler. Au-delà de la définition des lignes directrices, pour laquelle votre groupe de travail va naturellement jouer un rôle essentiel, il appartiendra à nos autorités politiques de procéder aux choix qui s'imposent pour dégager ces moyens.
Permettez-moi de conclure en disant que le chantier que vous ouvrez répond indéniablement aux exigences du temps présent et qu'il est, par son ambition, ses contraintes, la multiplicité de ses facettes, particulièrement stimulant pour mon service.