Intervention de Michel Villac

Réunion du mardi 19 novembre 2019 à 18h05
Mission d'information sur l'adaptation de la politique familiale française aux défis du xxie siècle

Michel Villac, président du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge :

Surtout pas. Il n'échappe à personne que les besoins en termes de dépendance sont assez importants. Cela va accélérer la chute relative de ce qui sera consacré aux enfants et aux besoins des familles ayant des enfants. La nature ayant horreur du vide, il y aura un effet d'aspiration extrêmement important. Au cours du temps, la politique familiale a vu régulièrement son importance décroître, ceci étant lié à l'indexation sur les prix plutôt que sur les revenus, des barèmes de la base mensuelle des allocations familiales. Il y a une tendance historique à la diminution. Aujourd'hui, nous sommes dans une phase où ils ne sont même pas indexés sur les prix. Il y a un vrai sujet de ce côté.

D'un autre côté, j'ai été pendant un moment de ma carrière responsable de la recherche des études statistiques à la CNAF, et nous financions les questions dans une enquête régulière du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC), sur les aspirations des Français. Nous les interrogions sur les différentes politiques sociales. Nous demandions par exemple quels étaient selon eux les postes de dépenses à augmenter et ceux qu'il fallait diminuer, et la politique familiale arrivait en tête. L'universalité est extrêmement importante. Elle a une forte légitimité, parce qu'à un moment ou à un autre, chacun d'entre nous y a eu à faire. L'effet Matthieu est un principe documenté par les sociologues sur les politiques sociales. L'idée est que les gens accepteront plus facilement de payer pour financer cette politique s'ils pensent qu'un jour ils peuvent en bénéficier. Si nous focalisons la politique familiale uniquement sur les plus pauvres, elle va perdre en légitimité et les gens accepteront moins de la financer. De ce point de vue, les politiques d'ultra-ciblage ne sont pas les plus efficaces.

Nous sommes en train de travailler sur des ruptures familiales. Le sujet du paiement des pensions alimentaires est à l'agenda politique. Nous avons mis le doigt un peu par hasard sur un problème. Si un père ne paie pas sa pension alimentaire, la mère a à ce moment-là droit à un certain nombre de prestations. Si pour les ménages les plus modestes, le père paie sa pension alimentaire, le revenu de la mère sera plus faible à terme, parce que le cumul entraîne la diminution ou suppression de différentes prestations sociales. La pension alimentaire vient en déduction – du côté de la mère, si c'est le cas majoritaire – soit de son RSA, soit de sa prime d'activité. D'un certain point de vue, il y a bénéfice nul de ce côté-là. La pension alimentaire arrive, mais elle est annulée parce qu'elle diminue une autre prestation.

En même temps, vous allez perdre sur les aides au logement et éventuellement sur d'autres prestations, sous conditions de ressources. Par conséquent, in fine, votre revenu sera plus bas, alors que l'objectif était l'inverse. Nous ne pouvons pas faire cela sans a minima toucher à ces règles. Nous allons proposer des choses assez ambitieuses et assez coûteuses, mais il faut au minimum dans cette opération que le paiement de la pension alimentaire soit sans incidence sur les primes d'activité, il faudrait au moins annuler cet effet, et si possible faire en sorte que les bénéficiaires gagnent un peu plus, surtout pour les enfants.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.