Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 14h05
Groupe de travail sur la procédure législative et l'organisation parlementaire et les droits de l'opposition

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Je suis frappée par l'évolution du rapport des citoyennes et des citoyens à la vie politique. Je suis devenue députée après avoir exercé d'autres mandats électoraux pendant vingt ans – j'ai notamment été adjointe au maire et conseillère régionale. Au bout de vingt ans d'engagement dans les Hauts-de-Seine, mon organisation politique m'a demandé de partir en Seine-Saint-Denis afin de remplacer Louis Pierna : je ne connaissais absolument pas ma circonscription quand je m'y suis présentée en 1997, mais mon prédécesseur a expliqué aux électeurs que je représentais désormais le vote communiste. Cet électorat, qui était encore structuré, s'est reporté sur ma candidature et la gauche s'est rassemblée autour elle, la dominante étant alors communiste dans cette circonscription. Du point de vue du rapport à la politique, la dernière campagne électorale s'est vraiment déroulée dans un autre monde, et la question de la proximité se pose autrement. D'ailleurs, je ne sais pas quel aurait été le résultat sans la proximité que j'ai avec les habitants de ma circonscription – même si la notoriété nationale compte également. C'est le premier aspect : il y a une modification structurelle qui concerne le rapport aux partis et le vote familial – on faisait parfois les mêmes choix de génération en génération.

Autre élément, nous devenons l'un des derniers guichets humains. Dans la principale ville de ma circonscription, qui compte 54 000 habitants, les caisses d'assurance-maladie et d'allocations familiales ne sont plus présentes, il n'y a plus de centre des impôts et la mairie ferme de plus en plus ses guichets. Il reste alors la permanence parlementaire. Vous avez employé le terme de travailleur social : on vient en effet me voir parce que l'on ne sait pas comment remplir sa demande de carte de séjour par internet. Nous devenons un des derniers guichets, comme les élus locaux, parce que les services publics ont fermé leurs portes, et cela transforme petit à petit notre rôle.

Entre la présence à l'Assemblée et ce rôle de travailleuse sociale, que j'exerce avec beaucoup de plaisir, peut-on trouver le temps du débat politique en circonscription, sur certaines thématiques ? On y parvient encore pour l'élaboration de la loi : cela m'est arrivé deux fois sous la précédente législature, d'une part sur la question de l'autonomie des femmes étrangères, sujet sur lequel des associations de ma circonscription m'ont poussée à construire une proposition de loi, et d'autre part sur l'allocation aux adultes handicapés, où la question est partie de ma circonscription avant de devenir une affaire nationale. Cependant, cela se produit de moins en moins souvent : il faut beaucoup plus de force et d'intelligence qu'auparavant, et l'on n'a plus tellement de temps à consacrer au débat politique compte tenu de la présence à assurer à l'Assemblée et du rôle de travailleur social qu'il faut exercer. Ce serait peut-être le temps le plus utile dans la situation que connaît notre pays, mais il est absorbé par d'autres activités.

Enfin, que se passe-t-il quand on a l'impression que son travail ne sert à rien à l'Assemblée ? On en a encore fait l'expérience jeudi dernier : quand on travaille sur des propositions de loi dans le cadre d'une niche, elles font systématiquement l'objet d'une motion de renvoi en commission ou de rejet préalable. On finit alors par se dire qu'il vaut mieux rentrer chez soi et faire autre chose. Avec la présidentialisation du régime et l'abaissement du rôle de l'Assemblée nationale – même s'il y a encore de beaux moments de débat, des moments où l'on a l'impression d'agir, comme hier sur la question des Jeux Olympiques –, on a parfois l'impression que l'on ne fait que s'occuper : quelle est la finalité de tout cela, en effet ? En ce qui concerne la répartition du temps et le plaisir que l'on peut éprouver dans les différents lieux où l'on travaille en tant que parlementaire, les repères ont beaucoup bougé.

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