Cette question est très intéressante et renvoie à un dilemme, qui est un peu un crève-cœur. Dans son organisation actuelle, l'OPECST tire une partie de sa richesse du fait que ses membres appartiennent à diverses commissions permanentes, ce qui leur permet à la fois d'importer l'expérience acquise en leur sein et d'exporter celle qu'ils ont accumulée en participant aux travaux de l'Office. Par exemple, Thomas Gassiloud, membre de la commission de la défense, est très actif sur les questions numériques ; quant à Émilie Cariou, de la commission des finances, elle se consacre plus particulièrement au nucléaire, du fait de la proximité de sa circonscription de la Meuse avec deux centrales, et aux modèles économiques des publications scientifiques. Il n'empêche que dans la configuration actuelle, cette richesse est en grande partie marginalisée par la simple impossibilité de réunir tous les membres de l'Office. La dynamique de groupe fait défaut. La base qui travaille efficacement est très restreinte. Avec les administrateurs de l'OPECST, nous avons pesé de manière systématique les avantages et les inconvénients du fonctionnement actuel et, pour l'heure, les inconvénients l'emportent, compte tenu des contraintes liées à l'organisation de la semaine parlementaire.
Si l'OPECST se transforme et que deux commissions permanentes se créent, il faudra, bien sûr, que leur travail reste synchronisé, notamment à travers des réunions communes, et qu'elles partagent des ressources. La première de ces ressources est le conseil scientifique composé d'experts nommés ès qualités avec pour mission d'attirer l'attention de l'Office sur des sujets intéressants, de formuler des recommandations, de lui donner des grandes orientations et de lui fournir des indications sur des réseaux scientifiques pour les auditions. Même s'il ne se réunit pas souvent, ce conseil scientifique joue un rôle fondamental d'orientation. Et il n'est pas si facile de trouver des scientifiques suffisamment intéressés par la politique et le débat public pour s'y impliquer. Nous pourrions aussi envisager que ce même conseil scientifique joue un rôle auprès du Conseil économique, social et environnemental (CESE), dont les nouveaux contours se dessinent peu à peu, même si c'est encore de façon fort floue.
Il serait naturel de poursuivre le travail de long terme autour de rapports de prospective rassemblant les deux commissions du Sénat et de l'Assemblée mais il serait bon aussi de découpler leur travail respectif. Nous l'avons déjà expérimenté avec les notes courtes : certaines ont été élaborées par l'Assemblée seule, d'autres conjointement par l'Assemblée et le Sénat. Le découpage bicaméral permettrait d'apporter plus de souplesse.
Les commissions permanentes devraient reposer sur un principe directeur : la réflexion scientifique et technologique doit irriguer tout le reste. Il y a, d'une part, l'organisation de la science et de la technologie – doit-on sélectionner ou pas ? faut-il financer des grands projets ou plutôt des petits ? Le financement doit-il passer par des appels à projets ou donner carte blanche aux chercheurs ? –, qui relève de choix politiques au service de la science. Il y a, d'autre part, l'apport de la science à la décision politique. Le conseil scientifique de la Commission européenne, dont j'ai été membre, est très attentif à distinguer ces deux problématiques : science for policy et policy for science. En l'occurrence, il ne s'occupe pas de l'organisation de la science. Pour l'instant, l'OPECST couvre aussi bien le conseil scientifique aux politiques que l'évaluation de la politique scientifique. Pour ce qui est des choix politiques pour la science, la commission pourrait être amenée à légiférer. En matière de conseil scientifique, elle aurait pour simple but d'instruire des dossiers pour les autres commissions, soit en anticipation, soit en réaction : « Voici l'état de la science, maintenant les choix vous appartiennent. »