Première remarque, l'évaluation et le contrôle se déroulent en aval et sont donc forcément moins motivants que l'action menée en amont : au lieu de rêver à ce qui pourrait être fait, on se retrouve à constater que la réalité est moins intéressante que ce que l'on avait imaginé. Ce n'est ni motivant ni gratifiant. Tout ce qui peut être fait avant même l'élaboration du projet de loi possède donc, en pratique, un plus grand pouvoir de mobilisation et a davantage d'intérêt. Toutefois, bien que n'ayant qu'une année d'expérience dans cette maison, j'ai déjà connu de cruelles déceptions à cet égard.
Dans le cadre de la réforme des institutions, par exemple, je m'étais précipité avec enthousiasme sur l'évaluation de l'influence des différents modes de scrutin sur la composition de l'Assemblée. Nous étions quelques-uns à avoir fait part au président de Rugy de notre volonté de travailler sur ce sujet, qui mélange des questions mathématiques, statistiques, d'une part, et des questions constitutionnelles, d'autre part. Il s'agissait de mesurer, en nous aidant de simulations numériques, l'influence de la dose de proportionnelle, des quantums que l'on met ici et là, de la façon dont on mixe proportionnelle et scrutin majoritaire… En définitive, nous continuons à travailler sur ce sujet à l'Office, mais les arbitrages ont déjà été rendus en amont. Pourtant, je suis frappé de découvrir, au fur et à mesure de l'instruction du dossier, combien les choses sont plus complexes qu'on ne le croyait. Or, pour avoir discuté avec certaines personnes qui se sont exprimées de façon forte dans la presse sur l'influence de tel ou tel choix, je peux vous garantir qu'elles ne sont pas au courant de toutes les subtilités de cette matière.
De même, en ce qui concerne la manière dont les enjeux environnementaux pourraient être inscrits dans la Constitution, le décalage entre les réflexions du groupe de travail et ce que l'on retrouve dans la copie laisse rêveur… Beaucoup se joue donc avant la présentation du projet de loi. J'ignore les mécanismes qu'il faudrait utiliser, mais c'est certainement à ce stade que l'on peut avoir le plus d'impact et que l'on peut mobiliser le plus facilement les gens, en tout cas ceux qui se passionnent pour le lien entre science et politique.
En ce qui concerne l'organisation générale du contrôle, les études d'impact apparaissent bien entendu comme un élément important mais elles sont, pour l'instant, manifestement sous-employées. J'ai suggéré qu'une proposition de loi vise à inscrire explicitement dans la loi organique que l'étude d'impact doit prendre en compte les enjeux scientifiques et technologiques, ne serait-ce que pour forcer le Gouvernement à instruire ce dossier. La loi sur la transition énergétique est l'archétype du texte qui pâtit de l'absence d'une telle étude – cela s'est rappelé douloureusement à nous tout récemment. En effet, on a inscrit dans la loi qu'on allait modifier les proportions du mix énergétique sur une durée donnée mais, à aucun moment, l'étude d'impact n'indique ce qu'il faut faire en pratique – quelles usines ouvrir ou fermer, quelles recherches développer, quels laboratoires impliquer –, si bien que l'on constate, quelques années plus tard, que rien n'a avancé et qu'il faut donc repousser l'échéance. Cet exemple illustre le fait que la démocratie non instruite par des études scientifiques et technologiques est une illusion. Si l'on n'a pas réfléchi aux moyens techniques de mettre en œuvre ses décisions, on n'a pas vraiment le choix.
La véritable question, selon moi, est donc celle de l'amont – avant l'avant-projet de loi et dans le cadre de l'étude d'impact – plutôt que celle de l'aval. Quant au point de savoir comment pourrait être améliorée l'organisation de la semaine de contrôle, je l'ignore.