Intervention de Dominique Schnapper

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 9h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Dominique Schnapper, sociologue et politologue, directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), membre honoraire du Conseil constitutionnel, ancienne présidente du conseil scientifique de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) :

Je vous remercie pour ces précisions. Je crains que ce ne soit simplifier un problème compliqué, ce qui ne serait pas souhaitable. Il est vrai qu'un certain nombre « d'antisionistes » sont en fait des antisémites mais j'aimerais que l'on cesse d'utiliser le terme antisioniste, car cela n'a pas de sens selon moi. On est contre le gouvernement israélien ou antisémite. Antisioniste, on pouvait l'être avant que l'État d'Israël existe et une partie des juifs était antisioniste, ne voulait pas la création d'un État juif au Moyen-Orient. Cela avait une signification. Ce concept est donc inapproprié aujourd'hui pour décrire cette situation et ne devrait pas être consacré, une résolution pouvant constituer d'une certaine façon une forme de consécration.

On est anti-israélien mais on est aussi, je l'espère, anti-chinois, anti-thaïlandais, pour la défense des Ouïghours… Israël n'est pas le seul cas où des gouvernements ne se conduisent pas exactement comme on aimerait qu'ils se conduisent. Concentrer sur le gouvernement israélien autant de haine par rapport à ce qui se passe sur l'ensemble du globe est dans beaucoup de cas inspiré par la tradition antisémite. Mais, si vous me le demandez, je vous réponds, consacrer le terme antisionisme ne me paraît pas être une bonne chose.

Madame Michèle Victory avait dit des choses d'ordre général avec lesquelles je suis d'accord: il ne suffit pas de raconter la Shoah pour empêcher les génocides. Nous avons fait beaucoup d'enseignements autour de la Shoah avec l'idée d'empêcher les génocides et nous avons eu des génocides. Des enquêtes ont montré que l'amélioration de la connaissance des autres ne réduit pas forcément le racisme. Les relations directes personnelles qui peuvent être bonnes n'empêchent pas le développement de la logique du préjugé. J'ai consacré ma vie à ce genre de problème. J'espère que l'éducation, la formation, la réflexion sont utiles mais je dois constater comme vous que ce n'est pas très facile et que l'enseignement obligatoire de la Shoah a eu des effets contre-productifs et qu'on peut s'interroger. En tout cas, c'est un fait, cela n'a pas empêché de nouveaux génocides.

Quant à inventer un troisième terme entre antisémitisme et antisionisme, j'ai peur que l'on ajoute à la confusion ! Il vaut mieux réfléchir sur ces deux termes.

La statistique sur le racisme pose selon moi le problème de l'appartenance des personnes à plusieurs groupes dans nos sociétés.

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