Intervention de Fiona Lazaar

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 11h10
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFiona Lazaar :

Merci, messieurs, pour ces propos et ces travaux passionnants qui viennent donner un éclairage scientifique au vécu de nombreuses populations dans notre pays. J'ai vécu en banlieue parisienne, dans une banlieue assez populaire, avec beaucoup de jeunes issus de l'immigration, issus de la diversité, mais des jeunes qui sont français. Je suis moi-même française, d'origine marocaine par mon père. J'ai vécu, avec ces jeunes, ces formes de discrimination.

Bien sûr, la question sociale, sur laquelle vous avez tenu des propos intéressants, intervient, mais la question des discriminations est, je pense, très importante. On parle beaucoup de la discrimination à l'embauche, de la discrimination au logement mais, si on regarde plus tôt dans les années de la vie, il y a aussi la discrimination « au faciès ».

Je me souviens d'anecdotes : lorsque nous souhaitions aller en discothèque à Paris, nous nous créions des groupes constitués de façon à avoir une chance de pouvoir y rentrer. Je pense que ceux qui ne sont pas issus de l'immigration, qui ne sont pas issus de la diversité, ne se posent pas ces questions. Même après avoir réussi à organiser ces groupes, lorsque vous arrivez en discothèque et que l'on vous ferme la porte au nez, que l'on vous dit que vous n'êtes pas les bienvenus, une fois, deux fois, trois fois, finalement, la quatrième fois, vous n'essayez plus. Vous allez dans une discothèque dans laquelle vous allez être accepté, par exemple afro-caribéennes, en résumé dans tous les endroits où, lorsque vous êtes issus de la diversité, vous aurez votre place. Je pense que cette discrimination certainement anecdotique, reflète quelque chose et que cela participe de ce sentiment de discrimination qui vient assez tôt, qui fait que vous prenez conscience que vous êtes différent, du fait qu'il faut que vous adoptiez des techniques de dissimulation en quelque sorte, d'organisation, des systèmes de défense pour pouvoir accéder à des choses pourtant très basiques.

Je me demande si ce ne sont pas ces systèmes de discriminations répétées qui, finalement, viennent alimenter le communautarisme. On ne reconnaît pas ce communautarisme en France et je pense que c'est une très bonne chose. Nous sommes une communauté nationale, mais, tant que cette communauté nationale n'ouvre pas ses portes de la même manière à tous, n'y a-t-il pas un échec quelque part ? Les discriminations ne sont-elles pas un des fondements du communautarisme, qu'il faut combattre néanmoins ? Je pense que tout cela ne doit pas être détaché de la lutte contre les discriminations.

Vous avez également parlé des statistiques ethniques. J'émets moi aussi de sérieuses réserves mais je voudrais tout de même savoir s'il n'y aurait pas une forme de pertinence à avoir des politiques de peuplement qui prennent en compte ces questions. On le voit, il y a des territoires qui sont de moins en moins mixtes. Je crois que la mixité est une grande forme de richesse. Ne faut-il pas ouvrir les yeux et parvenir à avoir des territoires qui restent mixtes culturellement, religieusement et socialement ? Je pense que c'est également un sujet essentiel.

Je vous donne un exemple. Lorsque les camps de migrants parisiens sont évacués, que des mises à l'abri sont organisées, c'est très bien. Il faut le faire, c'est essentiel. Mais pourquoi ces mises à l'abri s'organisent-elles dans des territoires où la population est déjà très populaire, précaire, avec des fortes concentrations de populations immigrées ? Est-ce un modèle qui peut fonctionner à terme ?

Enfin, vous avez parlé de la question des couples mixtes. Je pense que c'est un sujet qui est très important et, en banlieue parisienne notamment, une réalité que nous pouvons constater. Ne peut-on pas trouver une forme d'espoir dans cette mixité, ces enfants qui sont français, mais qui bénéficient de la richesse de différentes cultures ? J'y crois. Je ne pense pas que la promesse soit trop belle. Je pense que la promesse est belle et qu'il faut tout faire pour l'atteindre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.