Je suis arrivé plus tard du fait d'une autre séance publique, aussi ne m'en veuillez pas si je pose une question sur des points que vous avez déjà abordés. Je voudrais savoir comment vous travaillez globalement sur ce sujet, avec la problématique de l'absence ou de l'interdiction des statistiques ethniques. Quelle est la fiabilité des données sur lesquelles vous vous basez pour faire vos études ? Un travail a-t-il été fait sur les biais ? Je découvre par exemple que les enfants issus des couples mixtes sont rangés dans les non mixtes. C'est un choix qui doit être opéré à un moment donné, mais jusqu'à quelle génération cela va-t-il ? Les descendants d'enfants issus de couples mixtes restent-ils dans cette catégorie ? Pendant combien de temps ?
J'ai également une question sur l'évolution de la démographie. Avez-vous des chiffres, par exemple sur une croissance plus rapide de tel « groupe », de telle minorité par rapport à une autre ? La répartition de la population en France évolue-t-elle globalement de façon remarquable sur une ou deux décennies ? La religion n'est-elle pas, en fait, un acteur plus prégnant sur cette évolution que la race ou la couleur de peau ?
J'aurais également une question sur le système éducatif aux États-Unis. J'ai souvent entendu dire que la communauté asiatique est surreprésentée dans les universités américaines. Est-ce un fait avéré ? Y a-t-il des chiffres ou s'agit-il de rumeurs ? Si c'est le cas, le même type de phénomène se produit-il en France ? Surtout, qu'est-ce qui expliquerait cela ? Pourquoi des jeunes d'origine asiatique réussiraient-ils proportionnellement mieux dans les universités américaines ?
Ensuite, je voudrais donner un petit exemple de mixité. J'ai la chance, dans ma circonscription dans le 13e arrondissement, d'avoir un quartier de l'arrondissement qui est très mixte. Nous avons surtout la chance d'avoir ce qui fut pendant longtemps, avant Batignolles, la plus grosse ZAC de Paris. Nous l'avons construite. Nous avons pu avoir une politique moins contraignante en termes de logement et nous avons fait une politique de mixité, non seulement au niveau des quartiers, mais dans chaque immeuble : nous essayons de faire vivre ensemble des catégories socio-professionnelles (CSP) différentes à l'intérieur de chaque immeuble.
Je voudrais témoigner de problèmes que nous n'avions pas imaginés avant. J'étais à l'époque adjoint au commerce. Nous pensions au départ que les gens qui venaient souvent de quartiers difficiles seraient très contents de pouvoir loger dans un nouveau quartier tout neuf, dans des bâtiments tout neufs, etc. Pourtant, rapidement, ces habitants sont venus me voir, mécontents précisément parce que tout était neuf : le prix du mètre carré, 8 000 euros à l'époque, était très élevé par rapport à la moyenne parisienne. Surtout, les personnes me disaient : « Nous sommes très heureux du logement mais, dès que nous sortons, la baguette est à 1,10 ou 1,20 euro et le moins cher des supermarchés, c'est Monoprix qui est trop cher pour moi. En face de chez moi, il y a Lenôtre. Je passe devant, mais jamais je ne pourrai y entrer. »
En fait, nous avons un vrai problème à cause de ce décalage. Ces immeubles abritent des sièges de banques, d'assurances et les commerces qui vont avec. Je n'ai pas la réponse à ce problème mais je pense qu'il faut l'aborder, le prendre globalement, y compris s'agissant des problèmes d'enfants qui ne parlent pas la même langue, n'ont pas les mêmes habitudes ni les mêmes codes et qui se regardent avec méfiance. Je pense qu'il faut repenser complètement cela et ne pas mettre des petits « bouts de mixité » dans ce qui existe déjà. Dans ces nouveaux quartiers qui devraient être exemplaires, nous sommes en train de créer des ghettos.
Je suis pour que la loi qui fixe à 25 % la part de logements sociaux soit appliquée mais, dans Paris, nous n'y sommes pas encore et il faut donc construire des logements sociaux. Mais dans certains quartiers du 13e, nous avons déjà plus de 46 % de logements sociaux. Quand vous devez créer de nouveaux logements sociaux, vous construisez où vous pouvez construire, c'est-à-dire là où ils sont déjà nombreux. C'est un premier problème. Le deuxième problème est que nous essayons d'avoir de la mixité et qu'il existe donc différents niveaux de logements sociaux. Les moins chers, évidemment, sont pris d'assaut tout de suite et les plus chers restent parfois vacants. Lorsque la préfecture a un immeuble qui brûle ou tout autre problème de relogement urgent, on reloge ces familles où l'on peut, donc on réquisitionne les logements destinés normalement à des CSP supérieures encore vacants et on y loge des personnes dans des situations sociales très difficiles, parfois désignées comme des « cas sociaux ». Parmi les enfants qui fréquentent les écoles de ces quartiers, nous n'avons finalement quasiment que des situations sociales très complexes et c'est très difficile à gérer. Voyant cela, les parents déménagent dès qu'ils en ont des moyens ou demandent une dérogation à la carte scolaire. Les parents veulent le meilleur pour leurs enfants. Nous avons créé des ghettos, non pas dans un immeuble des années 70 mais dans un bâtiment qui a été construit il n'y a pas même dix ans. Je ne sais pas si ce problème a été étudié chez vous et, surtout, si vous avez analysé comment nous pourrions en sortir.