Intervention de Simeng Wang

Réunion du mardi 7 juillet 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Simeng Wang, chargée de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) :

En effet, la covid-19 constitue un tournant. Dans les entretiens que nous avons réalisés, les personnes interrogées nous disent qu'auparavant, elles n'étaient pas certaines d'avoir déjà expérimenté des formes de racisme et que la covid-19 leur a offert une opportunité pour nommer ce qu'elles ont vécu. Une réelle prise de conscience a vu le jour.

Un autre phénomène semble émerger progressivement et constitue la thèse centrale de notre projet financé par l'Agence nationale de la recherche : au sein de la population d'origine chinoise, plusieurs sous-groupes commencent enfin à communiquer entre eux pour lutter de manière convergente contre ces formes de racisme anti-Asiatiques. De nombreux descendants français de migrants chinois et asiatiques ont vu le film dont je vous ai parlé tout à l'heure, qui leur a fait prendre conscience de ce que vivent les primo-arrivants chinois qualifiés ; ils disent vouloir désormais davantage coopérer avec eux, en mutualisant leurs ressources et leurs réseaux d'accompagnement mais, aussi, leurs dispositifs de conscientisation. L'AJCF a constitué un recueil de témoignages sur le racisme et les discriminations ; par l'intermédiaire de notre réseau de recherche, il s'agit d'entrer en contact avec ces primo-arrivants qualifiés.

Ces populations d'origine asiatique demandent d'abord à être représentées de manière plus diversifiée, afin de lutter contre les stéréotypes en tenant compte de l'existence de différents groupes en leur sein. Les primo-arrivants qualifiés expriment par ailleurs la volonté de lutter contre toutes les formes de racisme ordinaire. C'est surtout lorsque leur propre enfant naît en France qu'ils deviennent sensibles à cette question, car ils se rendent compte que leur enfant pourrait y être confronté à l'école, dans la rue ou dans l'espace public. Derrière cette revendication, il s'agit de lutter de manière plus générale et plus profonde contre tous les traitements différenciés. La lutte contre le racisme peut ici être reliée aux luttes contre le sexisme ou contre l'homophobie.

J'ai eu la chance d'échanger avec des collègues en Allemagne, en Espagne, en Angleterre et aux Pays-Bas à propos du racisme anti-Asiatiques au temps de la covid-19, ce qui nous a permis de rassembler un certain nombre de données et d'observations. La politique migratoire allemande est très différente de la nôtre, et les personnes d'origine chinoise sont majoritairement beaucoup plus qualifiées en Allemagne qu'en France ; au quotidien, elles vivent plutôt des formes de racisme ordinaire que des agressions physiques. En Espagne, les descendants de migrants chinois nés sur place sont relativement plus jeunes qu'en France ; une différence générationnelle se dégage donc : alors que l'AJCF milite depuis plus de dix ans contre le racisme anti-Asiatiques, les associations de ce type sont relativement nouvelles en Espagne et leurs manières de lutter sont différentes. En Angleterre, lorsqu'on parle des personnes d'origine asiatique, on ne désigne pas du tout les mêmes populations qu'en France : dans le contexte anglais, le terme « Asians » se rapporte davantage aux personnes d'origine indienne, ce qui n'induit pas les mêmes représentations. Celles-ci sont ainsi profondément ancrées dans les passés coloniaux de chaque pays.

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