Nous souhaitons tous dépasser le stade de l'indignation et des incantations antiracistes pour passer à des analyses des mécanismes sociaux et des propositions de stratégies effectives. Les nouvelles formes de racisme qui sont abordées aujourd'hui n'ont pas éliminé les anciennes. Elles s'y superposent, les prolongent, elles s'en nourrissent et elles prennent des formes soi-disant plus acceptables, notamment la pseudo-motivation par la peur. Comme le dit le proverbe : « Le serpent peut changer sa peau. Il ne peut pas changer son venin. »
Vous disiez, madame, que le diminutif de « Roms » ne permet pas d'appréhender la question dans sa complexité. Lorsqu'on parle des Roms, on parle d'une population concrète qui a quitté l'Inde du Nord il y a tout juste mille ans, est arrivée en Asie Mineure environ cinquante ans plus tard et qui porte une langue, un héritage, une culture, une identité, spécifiques, quoique celle-ci soit susceptible d'évoluer. Lorsque j'emploie le terme « Tsiganes », je parle plutôt du cliché qui a été élaboré au cours des siècles à propos des Roms. Enfin, lorsqu'on parle des « gens du voyage », mots apparus il y a cinquante ans en France, on se réfère à une catégorie administrative française des gens qui vivent et se déplacent en habitat mobile ou susceptible de l'être, pendant tout ou partie de l'année, c'est-à-dire les nomades et sédentaires qui se réclament du voyage. Je reprends les termes du rapport du préfet Arsène Delamon de 1990 sur la situation des gens du voyage et les mesures proposées pour l'améliorer.
Les notions ne sont donc pas interchangeables : c'est pour cela qu'il faut être très précis. Il n'y a qu'un recoupement partiel entre ces trois concepts, l'immense majorité des Roms de France et surtout d'Europe n'ayant jamais été mobiles, sauf pendant qu'ils arrivaient là où ils sont fixés aujourd'hui.