Intervention de Nonna Mayer

Réunion du jeudi 23 juillet 2020 à 12h10
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Nonna Mayer, directrice de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), rattachée au Centre d'études européennes et de politique comparée de Sciences Po, membre de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) :

La CNCDH est composée d'experts et de représentants du monde associatif et syndical ou des courants religieux, qui sont nos premiers relais de diffusion auprès de parties prenantes telles que le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), la Ligue des droits de l'Homme (LDH) ou les différentes organisations syndicales.

Nous avons en revanche plus de mal à nous faire entendre des pouvoirs publics : je partage le constat de l'ancien Défenseur des droits lorsqu'il dit avoir l'impression de parler dans le vide. La délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), avec laquelle nous travaillons pourtant régulièrement, a commandé un nouveau sondage pour obtenir des informations sur le racisme en oubliant qu'un indicateur existait déjà. Il est absurde de procéder ainsi : la recherche est un travail cumulatif.

Au travers de nos formations permanentes, nous nous adressons aux magistrats, aux policiers, aux enseignants. Des MOOC, des cours en ligne ouverts à tous, ont également été proposés, notamment celui du sociologue Michel Wievorka sur le racisme et l'antisémitisme.

Nous avons donc plusieurs canaux de diffusion, les pouvoirs publics restant les interlocuteurs les plus difficiles à atteindre.

S'agissant de l'indicateur longitudinal de tolérance, c'est précisément parce qu'il porte sur les opinions qu'il ne peut servir à comprendre les comportements. Une personne peut très bien avoir intériorisé la norme antiraciste et, malgré cela, lancer une insulte raciste à son voisin. Seule une minorité passe à l'acte, avec des menaces ou agressions physiques graves contre les personnes et les biens, mais selon une autre logique. Or, en droit français, il est difficile d'avoir des statistiques sur les auteurs de propos ou d'actes racistes. Quand un individu est pris en flagrant délit, on ne précise pas si la victime est un Noir ou un Maghrébin ; on est donc obligé de se reposer sur la parole des victimes. Les statistiques recueillies par la police et la gendarmerie sur les actes et les agressions permettent de déterminer les victimes ciblées, mais distillent peu d'informations sur les auteurs, informations dont le recueil demande un travail au quotidien et surtout en contexte. C'est ce que Vincent Tiberj et moi-même essayons de faire actuellement avec l'analyse des données d'une enquête menée à Sarcelles par un sondage téléphonique. Les questions concrètes qui ont été posées permettent de comprendre comment les différentes minorités coexistent et réagissent les unes par rapport aux autres. C'est l'étude du racisme ordinaire dans le contexte du brassage quotidien des populations qui permet d'appréhender les comportements.

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