Madame Bessone, vous êtes professeure de philosophie politique à l'Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne et vous avez travaillé avec deux personnes du projet Global Race que nous avons auditionnées au début de l'été. Ces auditions ont été très éclairantes.
Cette mission a été décidée en décembre 2019 ; elle n'est pas concomitante aux évènements et aux manifestations antiracistes que nous avons pu connaître à la sortie du confinement, même si ces manifestations ont déjà eu et auront encore une incidence sur nos questions et nos auditions.
Vous travaillez sur la notion de race. Vous cherchez à savoir s'il faudrait abandonner la formule « supposée race » ou au contraire assumer pleinement l'emploi de cette notion, en tant que celle-ci est une construction historique, une façon conventionnelle de désigner certains groupes en s'écartant de la signification biologique que ce terme avait eue dans le passé. Les scientifiques ont d'ailleurs détruit cette construction biologique dans leurs recherches.
Si, pour certains, la race n'existe pas, l'emploi du mot est-il incompatible avec les valeurs de la République ? Comment, à l'inverse, pouvons-nous lutter contre le racisme en abandonnant cette notion ? Faut-il assumer le mot pour pouvoir lutter efficacement contre le racisme ?