Intervention de Évelyne Heyer

Réunion du mardi 8 septembre 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Évelyne Heyer, biologiste, spécialiste de l'anthropologie génétique, professeure, directrice de l'unité d'Eco-Anthropologie au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), co-commissaire de l'exposition « Nous et les autres, des préjugés au racisme » au Musée de l'Homme à Paris, membre du conseil scientifique de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) :

Nous avons décidé de faire cette exposition « Nous et les autres, des préjugés au racisme » au Musée de l'Homme, premièrement parce que c'est une question fondamentale de société et, deuxièmement, parce que cela fait partie des racines historiques du Musée de l'Homme que de lutter contre le racisme et de promouvoir un message universaliste. Troisièmement, il nous semblait important de présenter toutes les nouvelles connaissances sur le racisme. Nous avons voulu proposer au grand public une synthèse qui fait appel à un grand nombre de disciplines : l'histoire, la biologie, l'anthropologie, mais aussi la psychologie sociale.

Pour en venir au cœur du sujet, l'idée de l'exposition était d'essayer de comprendre ce qu'est le racisme, d'où il vient et comment il se construit.

Le premier aspect sur lequel nous avons travaillé et que nous avons présenté au public porte sur les trois composantes fondamentales du racisme :

- la catégorisation par laquelle vous mettez les gens dans des boîtes en leur assignant une étiquette ;

- la hiérarchisation qui consiste à considérer qu'une catégorie est supérieure à une autre (au XVIIIe ou au XIXe siècle, les catégories étaient basées sur la couleur de peau) ;

- l'essentialisation qui consiste à considérer que la catégorie dans laquelle nous avons mis l'individu définit son essence.

« Tu es noir donc tu es ceci », etc. On fige l'individu dans une catégorie, on en déduit tout ce qu'il est, on le résume à un ensemble de stéréotypes assignés à cette catégorie et on présuppose que l'individu ne peut pas en sortir et transmettra cette essence de génération en génération.

Nous avons identifié ces trois grandes composantes du racisme, ce qui en donne une définition générale et incluant notamment l'antisémitisme. Nous avons décidé de ne pas séparer les différentes formes de racisme, mais d'adopter une approche universelle.

Les conséquences sont bien sûr fondamentales pour un individu, qui, mis dans une catégorie et exposé à ce qui est attendu de lui, aura tendance à le réaliser – c'est ce qu'on appelle « la prophétie auto-réalisatrice ». Si vous dites à quelqu'un qu'il est nul, il sera nul ; si vous dites à quelqu'un qu'il est bien, il sera bien. De nombreuses expériences en psychologie sociale et en éducation montrent très bien comment ces phénomènes agissent.

Dans l'exposition, nous avons aussi réfléchi à d'autres effets possibles sur un individu qui est racialisé, donc mis dans ces catégories immuables. Que peut-il faire ? Il peut tout d'abord changer de catégorie, nous proposons les solutions. Cela peut se révéler très difficile, notamment si c'est une catégorie basée sur la couleur de peau : vous ne pouvez pas changer de couleur de peau. Des études aux États-Unis ont toutefois bien montré qu'un autre processus peut se mettre en place. Il s'appelle « retourner le stigmate », c'est-à-dire que vous acceptez la catégorisation en la transformant en quelque chose de positif, « Black is beautiful », par exemple. On peut également voir des replis sur sa catégorie et sur sa communauté qui peuvent aller jusqu'à ériger des frontières et stigmatiser les autres, d'où les notions de communautarisme et de racisme anti-blanc.

Cette première partie de l'exposition était essentiellement basée sur les travaux de psychologie sociale qui est une discipline qui a beaucoup travaillé sur ces questions de racisme. Carole va à présent vous expliquer pourquoi on débouche sur des sociétés racistes ou pas.

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