Je suis opposé à la suppression du mot « race » de la Constitution, non par interrogation ou doute à l'égard des intentions du législateur. Je comprends les bonnes intentions qui président à cette purge. Néanmoins, je remarque deux choses. Cette suppression du mot n'aura aucun effet pratique, ce qui m'interroge de la part d'une majorité qui se réclame du pragmatisme plutôt que de grands gestes législatifs. De plus, la présence du mot « race » dans l'article premier de la Constitution en fait un article antiraciste. Il s'agit de dénoncer la possibilité que des gens agissent en fonction d'une représentation de la société fondée sur les races.
En 1946 comme en 1958, le législateur ne s'est pas lancé dans une considération douteuse sur l'existence objective ou ontologique des races. Il s'agissait d'affirmer l'unité de la République contre tous ceux qui auraient l'idée de séparer la population selon des critères raciaux. Ce n'est donc pas un article raciste, mais un article antiraciste qui occupe une place éminente dans notre Constitution. Si cette suppression devait être actée – il me semble que nous n'en sommes pas là –, cela reviendrait à supprimer la place tenue par une déclaration antiraciste en tête de la Constitution.