Intervention de Mario Stasi

Réunion du mardi 15 septembre 2020 à 18h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Mario Stasi, président de la LICRA, avocat au barreau de Paris :

La proposition de faire entrer Joséphine Baker au Panthéon est importante. Il s'agit d'un symbole. Mais un symbole ne sert à rien si aucune action de fond, de moyen ou long terme, n'est engagée : je songe à la formation dans les écoles et dans les entreprises, par exemple auprès des directeurs des ressources humaines. Quoi qu'il en soit, une femme noire, bisexuelle, libre, dont on connaît le talent artistique, qui a pris la parole juste avant Martin Luther King et son discours I have a dream et qui est fondatrice de la LICRA, a sa place comme personnalité de liberté.

Dans mon mandat, je m'interroge sur les moyens de faire en sorte que ce combat ne soit pas un combat « contre », mais un combat « pour ». Il s'agit d'un combat pour l'émancipation, et pour la liberté. C'est pourquoi je ne suis pas un militant associatif, mais un militant politique. Nous devons être non pas spectateur mais acteur pour une certaine vision de la République.

Je viens de signer dans Le Monde de ce week-end une tribune avec 69 intellectuels et acteurs pour la liberté d'expression, le droit au blasphème, et en soutien à Charlie Hebdo. Je suis avocat, et farouchement attaché à la liberté d'expression. Je considère que l'individu doit être respecté, mais je considère que la religion est de l'ordre de l'intime, et n'est pas une vérité. Le droit au blasphème fait partie de nos libertés. C'est ce qui me fait dire que je me bats tous les matins contre le racisme anti-musulman, et que je considère comme une escroquerie la notion d'islamophobie, qui vise à faire l'amalgame entre le dogme et la défense des individus. Le terme est fort, mais la LICRA est partie civile dans le procès en cours, à la demande des victimes. Nous soutenons sans faille ce droit qui fait partie de la liberté d'expression, et qui fait que la religion, d'une part, le droit, la loi et la République, d'autre part, sont à leur place.

Votre dernière question est très intéressante, car le catholique que je suis ne se pose jamais la question de savoir si je suis plus efficace dans la lutte contre l'antisémitisme ou dans la lutte contre le racisme. Il est vrai que cette question est compliquée. Certaines victimes de racisme sont antisémites. Certains juifs sont racistes. Je suis sur la crête de l'universalisme, je ne suis pas communautariste, et je n'ai donc pas le soutien des associations qui sont fortement ancrées d'un côté ou de l'autre. J'ai une ambition républicaine et politique qui fait que je dois convaincre, car je suis plus convaincant que séduisant. J'appelle à la raison, à la critique, au doute. Je me dois d'être respectueux des autres formes de combats antiracistes, sans être dupe de la malignité de ceux qui se servent d'une cause pour fragmenter la République.

À la LICRA, nous avons des sections à majorité musulmane. Nous ne parlons jamais entre nous d'Israël. Nous nous posons cependant la question des rapports entre antisionisme et antisémitisme, et nous disons en effet qu'aujourd'hui, l'antisionisme tel qu'il est exprimé relève de l'antisémitisme. Mais nous ne nous posons pas la question des diverses origines ou religions. Un député d'origine asiatique, M. Buon Tan, me disait recevoir de nombreuses plaintes, et me demandait si le racisme anti-Asiatiques faisait partie de nos missions. Il en fait partie, bien évidemment. La LICRA vise l'universalisme et si certains ont pu reprocher à l'association d'être composée majoritairement de juifs, ce n'est plus le cas aujourd'hui.

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