Merci de bien vouloir nous entendre. La CNCDH est une institution ancienne et particulière de la République, notamment en raison de son caractère éminemment collégial. Depuis la loi du 13 juillet 1990, elle compte un rapporteur national indépendant sur le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.
Lorsque j'ai remis notre rapport le 18 juin dernier à Édouard Philippe – alors Premier ministre – j'ai pu m'entretenir après notre entrevue avec Sibeth Ndiaye qui m'a raconté qu'elle avait grandi au Sénégal dans une famille bourgeoise aisée. Six mois après son arrivée en France, elle a découvert ce qu'était « être noire ». Elle percevait en effet un regard différent sur elle-même, même si ce n'était pas forcément un regard hostile. Je ne suis pas sûr que les Blancs qui vivent au Sénégal ou en Côte d'Ivoire subissent aussi de la part de la majorité noire un regard similaire. La suite a montré qu'elle en a souffert aussi dans ses fonctions ministérielles.
Le racisme peut effectivement se manifester au niveau de l'accès à l'emploi, au logement et à l'éducation. Il existe aussi des comportements moins brutaux et moins agressifs qui traduisent un regard différent porté sur des minorités visibles. Dans notre rapport de cette année, nous nous sommes attachés à distinguer davantage les minorités visibles des minorités moins visibles ou apparemment non-visibles. Nous avons alors identifié un paradoxe : les personnes noires sont la minorité la mieux tolérée en France par rapport à d'autres comme les Maghrébins ou les Roms, et pourtant ces personnes demeurent les plus discriminées. Lorsqu'un propriétaire s'apprête à signer le bail avec une personne noire sans qu'il ait pu le soupçonner, il lui arrive de se rétracter, prétendant avoir déjà trouvé un locataire. De même pour l'accès à l'emploi, ce genre de comportement est encore très fréquent. En matière d'éducation, les personnes noires ne sont pas rejetées de la sorte mais elles sont frappées de préjugés, avec des capacités intellectuelles supposées inférieures à celles d'un Blanc du même âge. Pourtant on ne rencontre que très rarement la revendication d'une supériorité fondée sur une prétendue différence des races. Il serait d'ailleurs à mon sens peut-être temps que la représentation nationale puisse contribuer à retirer le mot « race » de la Constitution.
Il revient à la CNCDH non seulement d'établir un rapport sur ces questions, mais aussi de proposer des pistes d'amélioration. Elles consistent principalement en un renforcement de l'éducation. Il s'agirait de mieux mettre en valeur les élèves noirs doués, les employés noirs brillants dans les entreprises et les artistes de couleur noire, qui sont souvent cantonnés à des rôles secondaires dans les productions cinématographiques ou télévisuelles.