Intervention de Daniel Tran

Réunion du jeudi 17 septembre 2020 à 11h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Daniel Tran, ancien président de l'Association des jeunes Chinois de France (AJCF) :

Avec Mme Laetitia Chhiv, présidente de l'AJCF, nous tenterons de vous présenter un bref état des lieux du racisme dans les différents domaines où intervient l'association. Sur internet tout d'abord, les insultes, la haine et le racisme en ligne ne datent pas d'hier. On les trouvait auparavant sur certains sites ou sur des blogs. Ils ont récemment évolué sur les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, Instagram et Tiktok entre autres. On observe une augmentation du racisme anti-Asiatiques surtout liée à l'actualité.

Au début de la covid, nous avons assisté à un déferlement de haine. Par exemple, la page Facebook « les petits mandarins », une école en ligne qui propose des cours de chinois, a fait l'objet du commentaire suivant : « Les Chinois, avec la merde qu'ils ont foutue dans le monde, non merci ». D'une part, pour assurer une modération efficace, il faut avoir du temps, de la motivation et les compétences appropriées. D'autre part, le processus de signalement, que peu de victimes décident d'appliquer, s'avère le plus souvent inefficace. Nous avons signalé plusieurs commentaires haineux à Facebook et à Pharos, mais ils sont restés sans suite.

Concernant le divertissement et l'audiovisuel, dans lequel j'inclus la télévision, la radio, Youtube et les spectacles, un sketch de Gad Elmaleh et Kev Adams diffusé en 2016 sur M6 a blessé de nombreuses personnes d'origine asiatique. Elles se sont senties ridiculisées par l'accent, les clichés et les costumes portés par les humoristes. Les plaintes et les signalements adressés au CSA ont été classés sans suite. Deux ans après, le même sketch a été diffusé sur la même chaîne. En 2019, suite à une séquence jugée raciste envers les Asiatiques dans l'émission Un dîner presque parfait, le CSA a rappelé à l'ordre le groupe M6. Peut-être ont-ils enfin compris.

Dans le domaine de la musique, un rappeur a sorti en mai 2017 une chanson intitulée « Ching Chang Chong ». Elle a été diffusée sur Youtube, puis à la télévision et à la radio ; sur Youtube, la chanson a obtenu plus de 600 millions de vues. Je vous en cite les deux premières phrases : « Ching chang chong, elle parle en thaïlandais. Elle va te ching chang chong ». Intervenant régulièrement dans les écoles, je puis vous affirmer que cette chanson a eu des conséquences désastreuses pour tous les enfants d'origine asiatique, qui ont subi énormément de moqueries de la part d'autres élèves.

S'agissant de la presse, en 2012, Le Point titrait un article : « l'intrigante réussite des Chinois en France ». À la fin du texte, on trouvait les cinq commandements de l'entrepreneur chinois : « tu travailleras 80 heures par semaine, tu dormiras dans ta boutique ou dans ton restaurant, tu ne rémunéreras pas tes employés, car ce sont des membres de ta famille, tu ne cotiseras pas, tu ne paieras pas d'impôts. Et à la fin, tu gagneras 10 000 euros par mois, tu auras une limousine et tu seras assuré d'avoir une retraite dorée ». L'AJCF a porté plainte dès 2012 avec l'aide de SOS Racisme. La justice a condamné Le Point en 2014 à 1 500 euros d'amende pour diffamation. Plus récemment, au début de la crise de la covid 19, le Courrier picard a titré « Coronavirus chinois, alerte jaune », faisant référence au « péril jaune ». Enfin, en avril, pendant la diffusion sur BFM TV de l'hommage rendu aux victimes du coronavirus en Chine, l'éditorialiste Emmanuel Lechypre s'est permis de chuchoter, pensant que son micro était fermé : « Ils enterrent des pokémons ». Cela se passe de commentaire.

Le quatrième domaine est l'éducation au sens large. Dans les classes maternelles, une comptine intitulée Chang le petit chinois comporte les paroles suivantes : « Chang est assis, ses yeux sont petits, riquiquis… T'as mal dans tes tongs, ta tête fait ping-pong. » Au collège et au lycée, peu d'actions de sensibilisation au racisme sont menées. En France, depuis les attentats de 2015, une semaine d'éducation et d'action est organisée contre le racisme et l'antisémitisme au mois de mars. Elle inclut également la journée internationale de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale, le 21 mars. Malgré cela, de nombreux établissements ne connaissent pas ces dates ou bien s'ils les connaissent, ils n'en tiennent pas compte. Bien souvent, la direction, le conseiller principal d'éducation, le corps enseignant et les assistants sont eux-mêmes assez peu sensibilisés aux enjeux du racisme. Il serait souhaitable de rendre cette sensibilisation obligatoire dans tous les établissements, aussi bien pour les élèves que pour les enseignants et les intendants.

Enfin, s'agissant des études supérieures, même dans les écoles les plus prestigieuses, comme HEC, nous avons enregistré en 2018 un cas de racisme. Une étudiante chinoise qui avait perdu ses airpods l'a annoncé sur un forum interne. Un autre étudiant lui a répondu « Salut Ching chong, je ne sais pas où sont tes airpods, par contre j'ai les miens ». Nous saluons la décision du président de HEC qui, très sensible à la lutte contre le racisme, a pris les mesures nécessaires contre ce type de comportement.

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