S'agissant du racisme anti-Asiatiques en Europe, la grande vague d'immigration asiatique en France date des années 1970-80. Elle se produit après la guerre du Vietnam en 1975, mais aussi après le massacre perpétré par les Khmers rouges au Cambodge de 1975 à 1979. Durant cette période, la France a accueilli des centaines de milliers de réfugiés asiatiques, dont la moitié environ était Chinoise. On estime que la France compte aujourd'hui 600 000 Chinois et un million d'Asiatiques. L'Angleterre en compte environ 400 000 tandis que l'Italie et l'Espagne doivent en compter entre 200 000 et 300 000. L'Italie et l'Espagne ont surtout accueilli des Chinois à partir de 1979 et jusque dans les années 1990.
En France, les enfants des Chinois arrivés massivement dans les années 1970-1980 ont à peu près notre âge aujourd'hui. Ils parlent le français et connaissent bien le système. Les priorités de leurs parents étaient différentes. Venant d'un pays en crise, ils devaient d'abord s'intégrer sur le plan économique, c'est-à-dire trouver et garder un emploi afin de pouvoir se loger et d'élever leurs enfants. La même tendance se retrouvera en Italie et en Espagne dans quelques années. Un reportage a été tourné récemment en Italie sur les Chinois de Prato, une ville où l'activité de textile est très développée. Ils rencontrent exactement les mêmes problèmes qu'en France.
En ce qui concerne le dépôt de plaintes par les personnes victimes d'actes racistes, l'enjeu de la langue est essentiel. Les procédures judiciaires sont très longues. Enfin, quand les accusés sont condamnés, les peines ne sont pas forcément à la hauteur de l'acte commis, mais les dernières décisions de justice que nous avons évoquées peuvent donner bon espoir pour la suite. Quoi qu'il en soit, les associations ici présentes continueront à sensibiliser nos aînés à la nécessité de porter plainte.
S'agissant de l'emploi, le sociologue Yong Li a mené une étude sur la difficulté d'insertion des jeunes diplômés chinois arrivant en France. Alors qu'ils ont réussi leurs études supérieures, ils ont beaucoup de mal à trouver un emploi et sont souvent moins bien payés. Certains sont même exploités, notamment à cause du stéréotype de l'exécutant docile, leurs heures supplémentaires ne sont pas payées. La limite de l'étude de Yong Li est qu'elle n'a pu isoler les comportements racistes d'autres facteurs pouvant expliquer ce mal-être, comme la barrière de la langue.
Le mythe de la minorité modèle comprend aussi la brillante réussite scolaire des Asiatiques. Or, si les meilleurs élèves sont d'origine asiatique, pourquoi ne les retrouve-t-on pas dans les postes à plus haute responsabilité, que ce soit dans l'entreprise ou dans la sphère politique ? Yong Li formule l'hypothèse qu'il existerait aussi un plafond de verre pour les personnes d'origine asiatique, une fois encore associé aux stéréotypes. On n'attend pas d'un dirigeant qu'il soit obéissant et exécute, mais qu'il prenne des décisions. Les stéréotypes associés à l'origine asiatique ne facilitent pas l'accès aux postes de direction.
Enfin, pour rompre le cercle vicieux, il faut commencer par le dénoncer avec suffisamment de force pour qu'il soit repris par la presse. Cela favorisera une prise de conscience générale et des actions pourront être conduites dans plusieurs institutions. Le travail de sensibilisation devrait être mené directement dans les écoles. Certains influenceurs comme « décolonisons-nous », « sororasie » et « stop asiaphobie », ou encore des youtubeurs comme « le rire jaune », ont produit des vidéos qui ont sensibilisé des millions de personnes au racisme anti-Asiatiques. La prise de conscience progresse.