Lors de nos interventions dans les écoles ou pour le grand public, nous avons l'habitude de travailler avec une carte. Très souvent, on nous demande de la retourner (M. Thuram montre une carte du monde centrée sur l'Afrique). Mais j'explique que la Terre est ronde et qu'elle peut donc être regardée dans n'importe quel sens. Si cela perturbe le public, c'est qu'il n'a pas l'habitude de la regarder sous un autre angle. Très souvent, quand on a quelque chose sous les yeux depuis toujours, le regard est biaisé : ainsi, l'Europe est au centre de la carte que vous avez l'habitude d'observer, mais – on ne le sait pas, en général – sur cette carte, l'Europe et l'Amérique du Nord sont plus grandes que dans la réalité, alors que l'Afrique et l'Amérique du Sud sont plus petites.
C'est la même chose pour le racisme : la façon dont je perçois l'autre est liée à mon regard, qui est le fruit d'une construction, ce qu'on oublie très souvent. La fondation vise à questionner ce conditionnement – chacun de nous est le résultat d'une éducation. On ne réfléchit qu'à partir de ce qu'on connaît : il faut donc enrichir nos connaissances pour multiplier les points de vue.
Le racisme, ce ne sont que des habitudes, qui sont devenues habitudes car il y a toujours eu des lois discriminantes – le racisme est très souvent lié à une volonté politique. Il faut questionner cette volonté politique qui implique que, de génération en génération, on reproduit des schémas de domination. C'est pourquoi nous travaillons sur le sexisme et l'homophobie, en plus du racisme lié à la couleur de la peau ou à la religion. Il faut expliquer l'Histoire.
On pourrait penser que le racisme est naturel ; certains disent : « c'est normal d'avoir peur de l'autre ». Mais c'est faux, violent et dangereux ! Si nous avons peur de l'autre, il n'y a pas de société. « L'autre » qui fait peur, qui est-il et comment l'a-t-on construit ? On parle d'hommes ou de femmes, mais on a construit ces catégories en expliquant que les hommes fonctionnent d'une manière et les femmes d'une autre. C'est la même chose pour le racisme lié à la couleur de la peau : il s'agit d'une construction politique, idéologique. Quand on nous classe dans un groupe, nous avons tous tendance à l'avantager, c'est humain. La question est de savoir si on peut élargir le groupe.