Intervention de Ninian Hubert van Blijenburgh

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 12h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Ninian Hubert van Blijenburgh, chargé de cours à l'Université de Genève, chargé de projets au Muséum d'histoire naturelle de Genève, membre du comité scientifique de la Fondation Lilian Thuram :

J'ajouterai quelques éléments au sujet de l'assignation identitaire, qui est absolument terrible. Nous avons, évidemment, le même problème à Genève, comme partout dans le monde. Des enfants de couleur de peau noire, de différentes couleurs de peau, de différentes apparences, qui sont souvent nés ici, et qui sont parfois de la troisième génération – ce sont leurs grands-parents qui sont arrivés –, sont toujours renvoyés à leur pays « d'origine ». Un petit Noir est censé se sentir bien seulement quand il va en Afrique. Vous rendez-vous compte de quel genre d'absurdité il s'agit ? Les enseignants peuvent commettre beaucoup de maladresses, par exemple lorsqu'ils sortent des instruments de musique africains en disant à un petit Noir, qui peut s'appeler David : « regarde, cela vient de chez toi, ce sont tes origines ». Cela correspond parfaitement à la violence que vient d'évoquer Lilian Thuram.

Il est très important de comprendre que ce que l'on a dans la tête vient de l'extérieur : nous sommes des constructions psychosociales. Notre histoire, notre vécu, la manière dont nous avons grandi n'ont rien à voir avec notre apparence physique. Néanmoins, on continue en permanence, ou très régulièrement, à renvoyer les gens à leur origine.

Je suis aussi un immigré, même si cela se voit moins, puisque j'appartiens à la catégorie des Blancs. Il est arrivé qu'on me demande si je me sens maintenant plus suisse ou plus hollandais. Quelle absurdité ! Dois-je avoir le sentiment d'appartenir davantage à un pays qu'à un autre ? C'est une remise en question de mon histoire. Ce que j'ai vécu jeune en Hollande fait partie de mon histoire, comme ce que j'ai vécu par la suite en tant qu'adulte en Suisse. Tout cela me constitue et je refuse d'être assigné à une catégorie.

Je peux le faire parce que j'y ai beaucoup réfléchi. Mais, si on le leur demande, des jeunes vont se sentir obligés de choisir entre la France et le Maroc, par exemple. C'est une grave erreur : il faut leur apprendre à répondre que cela n'a aucune importance, qu'ils sont juste des êtres humains vivant ici et maintenant, avec la culture dans laquelle ils baignent, qui les entoure.

Je rejoins complètement ce qui a été dit : c'est une violence absolument inouïe de ne pas reconnaître que des gens nés ici sont d'ici, qu'ils appartiennent à la même communauté, si je peux utiliser ce terme – il est beaucoup trop caricatural.

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