Intervention de Élisabeth Caillet

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 12h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Élisabeth Caillet, philosophe, membre du comité scientifique de la fondation :

S'agissant de l'éducation, il existe beaucoup d'initiatives et d'outils pédagogiques développés par de grandes associations. Ce qui manque peut-être, au-delà des réunions organisées de temps en temps par la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), par divers préfets ou par des missions telles que la vôtre, c'est un lieu où tous les outils pourraient être mis en commun, une sorte de cité de l'éducation contre le racisme qui dépasserait ce que font déjà le CNDP – Centre national de documentation pédagogique – et la Cité nationale de l'histoire de l'immigration – elle fait un travail formidable mais son champ n'est pas exactement celui dont nous parlons. Il s'agirait de mutualiser les différents outils, de les mettre à la disposition des enseignants, qui se plaignent souvent de ne pas en avoir.

Nous envisageons de publier, au cours des prochaines années, un manuel d'éducation à la différence. Nous pensons qu'il serait très difficile de créer une nouvelle discipline à enseigner dans les écoles : il vaut mieux travailler à la formation des enseignants, dans toutes les matières, en s'efforçant de mobiliser leur attention sur le racisme structurel dans lequel ils évoluent.

J'ai beaucoup travaillé avec un mathématicien, Denis Guedj, qui était aussi cinéaste et homme de théâtre, et qui écrivait des textes pour Libération. Il disait qu'il fallait faire comprendre que l'égalité n'est pas l'identité – ce n'est pas la même chose en mathématique. De chaque côté du signe =, il y a des choses différentes. Un professeur de mathématiques peut contribuer à cette fameuse éducation à la citoyenneté qui est un peu comme une savonnette – on ne sait pas vraiment ce que c'est, et il est très compliqué de la mettre en place.

L'idée est de faire un travail dans toutes les disciplines, en formant des formateurs, de façon obligatoire. Avec la formation continue, on touche aujourd'hui 100 ou 150 personnes parmi la totalité des enseignants de France, ce qui est absurde : on n'est pas à la bonne échelle. Lorsque j'étais au ministère de la culture, on trouvait que l'éducation artistique était formidable alors qu'elle ne concernait que 0,1 % des enfants. Le mur auquel on se heurte est celui de la quantité. Vous pourrez certainement en parler avec Jean-Michel Blanquer.

L'intervention de Lilian Thuram peut susciter un choc, et puis c'est aux professeurs de travailler dans la durée : nous ne pouvons pas le faire. Nous pouvons lancer les choses ou les faire bouger – il y a peut-être un ou deux élèves qui vont vraiment se transformer – mais il faut aussi un travail dans la durée, de longue haleine, réalisé avec modestie et sur tous les fronts à la fois. Je pense qu'il ne faut pas en privilégier un par rapport à d'autres. Il y a la formation des enseignants, les outils pédagogiques, les lieux de mutualisation et l'organisation de rencontres systématiques, plutôt que des actions ponctuelles – il faut un vrai plan. Votre mission pourrait conduire à la création d'un événement vraiment important, qui ne se limite pas à une semaine, dans l'année, contre le racisme.

Il existe déjà des lieux, comme celui qui a été créé par Jean-Marc Ayrault au sujet de l'esclavage, mais il faut probablement les réunir et faire en sorte qu'il y ait des échanges entre toutes les personnes de bonne volonté, vraiment formidables, qui œuvrent dans ce domaine. Il existe des outils pédagogiques magnifiques mais leur diffusion, leur appropriation par les enseignants et leur utilisation sont trop limitées.

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