Intervention de Lilian Thuram

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 12h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Lilian Thuram, président de la Fondation Lilian Thuram, éducation contre le racisme :

. Le sport, notamment le football, est un moyen vraiment extraordinaire de rencontre, d'échange – je ne parlerai pas d'intégration, car je ne saisis pas précisément ce terme. Quand vous faites du football, vous pouvez arriver comme vous êtes, on vous accepte et, si vous êtes bon, vous pouvez aller vraiment très loin. Il n'y a pas beaucoup de milieux comme cela.

Je suis né aux Antilles, et je suis arrivé à Paris à neuf ans. Ma mère coupait la canne à sucre aux Antilles, et elle a fait le ménage quand elle est venue ici. Avec ce type de famille, il est très compliqué d'aller vraiment très haut dans la société, mais dans le football, on peut devenir un joueur professionnel, réussir sa vie, aller travailler à l'étranger et être reconnu pour ce qu'on est. Franchement, le sport est un lieu où la méritocratie fonctionne encore.

Je comprends ce que vous avez dit, et je crois qu'il faut arrêter d'enfermer certaines personnes dans le sport. Mais je pense qu'il y a moins de racisme dans le football que dans d'autres milieux, j'en suis vraiment persuadé. Lorsque vous appartenez à une équipe, vous vivez avec les autres et vous finissez par ne plus avoir de préjugés. Quand vous êtes supporter d'une équipe dont les joueurs sont de toutes les couleurs et de toutes les religions, vous pouvez aussi évoluer. Dans un stade, il y a ceux qui sont racistes et qu'on entend, mais il y a aussi la grande majorité, qui n'est pas raciste et ne fait pas de bruit. Il faut faire très attention à l'impression qu'on peut avoir. Le racisme est beaucoup plus violent dans d'autres domaines où il n'est pas visible et où certains se pensent même non-racistes.

On pense très souvent que les racistes sont des grands méchants. Or on peut très bien tenir des propos racistes sans l'être. J'ai eu la chance d'être un peu l'élève de Françoise Héritier. J'allais parfois chez elle. Elle me disait avec sa petite voix : « monsieur Thuram, tous les jours je fais attention à ne pas avoir de préjugés racistes ». Chacun peut en avoir, sans être quelqu'un de mauvais. Il est très difficile d'y échapper. Je suis un homme : si on me dit que je tiens des propos sexistes, je peux l'entendre. Il y a un conditionnement, des biais. Il est très important de prendre conscience que nous vivons dans une société où le biais blanc est la norme. Il faut savoir d'où nous venons historiquement. Le biais masculin est aussi la norme. Il faut pousser les gens à faire attention à certaines choses.

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