Je partage l'ensemble des propos qui ont été tenus. Je représente l'association e-Enfance, qui traite de la protection de l'enfance sur internet depuis 2005. Nous sommes également chargés du numéro vert Net écoute, qui s'occupe de la protection des mineurs sur internet depuis plus de dix ans, et qui collabore avec les autorités judiciaires, le service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger, ou encore les réseaux sociaux, auxquels nous signalons les mineurs victimes de cyber violences.
Je me concentrerai ainsi spécifiquement sur notre cœur de métier : la protection de l'enfance. Nous avons parfois besoin d'extraire l'enfant de l'environnement éducatif familial, qui peut avoir induit chez lui des stéréotypes racistes. Des chercheurs ont montré que ces stéréotypes peuvent être en place dès huit ans ; il convient alors de les déconstruire.
Tout comme Philippe Coen, je considère que l'éducation des enfants n'est pas du seul ressort de l'école. Il appartient à tout un chacun que les enfants apprennent, dès leur plus jeune âge, nos valeurs démocratiques de respect, de tolérance, et d'acceptation de la différence. Cela rendra moins laborieux le travail de déconstruction des stéréotypes, même si personne n'est complètement exempt de certains préjugés.
L'environnement familial n'est pas toujours protecteur et garant des droits de l'enfant, et c'est le rôle de la collectivité de les assurer. Ce travail commence dès la crèche et la maternelle, à un âge où l'enfant apprend à vivre avec d'autres personnes que les membres de sa famille et où il découvre la diversité. Pour les enfants qui ont eu la chance de côtoyer la mixité dès leur plus jeune âge, il n'est nul besoin de les aider à construire des fondamentaux car ils ont effectué ce travail eux-mêmes à partir de leur expérience de vie. Il est essentiel de relancer le travail sur la mixité tout au long de la scolarité car force est de constater que la réforme de la carte scolaire n'a pas rempli ses objectifs. Les enfants qui grandissent dans la mixité seront moins susceptibles de développer des stéréotypes sexistes, homophobes, racistes, antisémites, etc., qu'ils seront ensuite susceptibles de colporter toute leur vie.
Les enfants ne sont pas racistes par nature. Ils peuvent être surpris en découvrant une différence visuelle mais leur regard n'est empreint d'aucun jugement de valeur ou de sentiment de domination comme pourrait l'être une personne raciste. Le racisme est donc une construction mentale.
Je partage les propos de Philippe Coen sur la nécessité du positif, du respect, et de la bienveillance, mots qui ont peu de valeurs en France, mais qui en ont davantage à l'étranger. Notre travail porte aussi sur les émotions et l'empathie, ce sur quoi l'éducation nationale est en train de se pencher. Il est important de connaître ses émotions, de reconnaître la peur, d'en comprendre les déterminants et par empathie, de comprendre la peur de l'autre. La peur est une émotion qui ne doit pas nécessairement conduire au jugement ou au racisme. Ce travail me paraît absolument primordial, car nous sommes des individus avant d'être des êtres sociaux.
Je diverge en revanche avec Philippe Coen dans le sens où le règlement intérieur est censé déjà incarner les valeurs de respect de l'autre, tout comme l'instruction civique est censée inculquer aux enfants les principes contenus dans la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La charte de Respect zone est une initiative formidable, mais s'il apparaît nécessaire de l'introduire à l'école, cela signifie que l'apprentissage des valeurs républicaines a été imparfait. Je pense d'ailleurs que cette fonction de l'école, celle de former les futurs citoyens de la Nation, a été quelque peu oubliée. L'éducation civique ne doit pas être considérée comme une matière secondaire mais elle doit faire partie des acquis fondamentaux. Les enfants doivent absolument connaître la Constitution, leurs droits en tant qu'enfants et les droits du citoyen. Les phénomènes que l'on observe sur internet sont la résultante de cet enseignement imparfait.