Il faut effectivement faire preuve de lucidité et ne pas être naïf, quelle que soit la personne ou l'association qui s'exprime – un grand nombre sont passées ici avant vous – et se demander quel est le projet derrière le discours.
L'idéologie indigéniste cherche à mettre à mal certaines des valeurs de la République. Il n'en demeure pas moins que ce discours, même minoritaire, attire une majorité de jeunes, à qui il semble séduisant, facile à comprendre – probablement simpliste, en réalité. Comment expliquer la persistance des discriminations, sinon par le fait qu'un méchant État laisse faire ?
Outre le fait que ce discours est assez séduisant, on peut incriminer le fameux paradoxe soulevé par Tocqueville, souvent rappelé ici : plus on s'approche de la perfection, plus les imperfections deviennent insupportables. C'est certainement un casse-tête pour l'éducation nationale elle aussi : alors qu'elle se rapproche d'un modèle aussi peu raciste et discriminatoire que possible, certains jeunes continuent à se sentir discriminés, comme un certain nombre de nos concitoyens.
S'ajoute à cela une fracture générationnelle : les personnes ayant immigré il y a deux ou trois décennies savent ce qu'elles ont gagné en arrivant en France et ce qu'elles ont laissé derrière elles ; leurs enfants, eux, n'ont pas forcément ce point de comparaison, et ont des exigences d'ailleurs très françaises : ils sont nés en France et, comme tout Français, ils ont le droit de manifester, et l'utilisent dans des mouvements de protestation comme ceux qui ont eu lieu en mai et en juin. C'est un paradoxe auquel je ne vois pas nécessairement d'antidote.
En ce qui concerne la concurrence des mémoires, peut-être faudrait-il des symboles, par exemple la reconnaissance de certains événements de notre histoire – il a souvent été question de l'enseignement de l'esclavage et de la colonisation. Selon vous, cela peut-il être un vecteur ? Y en a-t-il d'autres que nous n'avons pas encore envisagés ?