Intervention de Meyer Habib

Réunion du jeudi 1er octobre 2020 à 11h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre propos liminaire déterminé et fort, mais je suis un peu plus pessimiste que vous. Il y a près de vingt ans, paraissait l'ouvrage intitulé Les Territoires perdus de la République. Pour la première fois, un livre sans langue de bois, sans tabou, rédigé par des fonctionnaires de l'éducation nationale, mettait en lumière la triste réalité dans certains quartiers, à savoir l'antisémitisme, l'islamisme, la francophobie, la haine du Blanc, la misogynie. Dès cette époque, certains témoignages glaçants faisaient état, par exemple, de l'impossibilité d'enseigner la Shoah sans provoquer des troubles.

Vingt ans après, la situation est-elle meilleure ? Je pense qu'elle est pire. Les élèves juifs ont déserté un nombre considérable d'établissements de la République. Il n'y en a plus un seul dans les écoles du 93, y compris à Drancy – Jean-Christophe Lagarde me le confirmait –, parce qu'ils sont la cible de brimades et de violences. Dans un contexte infesté par l'antisémitisme, marqué par la haine d'Israël, le mot juif est devenu une insulte. Mais, croyez-moi, mon inquiétude est au moins aussi importante pour la France que pour les juifs.

Tout récemment, la polémique autour du rappeur antisémite Freeze Corleone, véritable star pour les lycéens de certains quartiers, nous a rappelé l'ampleur du problème. Je vais citer quelques passages : « rien à foutre de la Shoah », « j'arrive déterminé comme Adolf dans les années 30 », « les rentiers juifs », « fuck un Rotschild ». J'ai interrogé le Premier ministre la semaine dernière, et c'est Roselyne Bachelot qui m'a répondu. Elle a dit d'une façon lapidaire, en moins d'une minute, qu'elle condamnait évidemment l'antisémitisme – quel scoop : comment aurait-il pu en être autrement de la part de la ministre de la culture ? – mais qu'elle trouvait à ce rappeur un talent immense. J'ai été choqué par sa réponse, comme tout mon groupe politique. Nous avons écrit au Président de la République. Le problème n'est pas seulement qu'il s'agit d'un rappeur antisémite, mais qu'il est diffusé sur le Mouv' : le service public fait sa promotion. Je crois qu'il y a encore eu hier un débat où on s'est coupé les cheveux en quatre à ce sujet.

Par ailleurs, certains choix pédagogiques sont incompatibles avec la République. Je vous ai posé une question écrite en juillet dernier à propos d'un manuel des éditions Magnard, destiné aux élèves de terminale, qui fait un amalgame entre Al-Qaida et la bataille de Waterloo, qui reproduit des déclarations entières de Ben Laden et qui comporte de fausses citations, comme celle-ci, prêtée à David Ben Gourion : « Si j'étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C'est normal : nous avons pris leur pays ». Vous avez dit, monsieur le ministre, et je le dis aussi tout le temps, qu'aucun enfant ne naît raciste, antisémite ou radicalisé. Néanmoins, certains le deviennent de plus en plus rapidement : c'est une immense source d'inquiétude. Le contexte familial joue un rôle, bien sûr, mais l'éducation nationale apporte-t-elle réellement toutes les réponses ? Comment peut-on améliorer la situation ? Comment faire en sorte que de tels ouvrages n'aient plus leur place dans l'éducation nationale ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.