Intervention de Jean-Louis Bianco

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 11h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité :

La laïcité peut être une réponse, car elle fabrique du commun, de la citoyenneté. On ne naît pas citoyen, on le devient, en étant éduqué dans les valeurs laïques. La laïcité a une force incroyable, car elle est abstraite. Nous, Français, avons certes tendance à donner des leçons à la terre entière, à nous proclamer à l'avant-garde du monde. Mais il n'en demeure pas moins que la France a apporté la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen au monde, ce qui rend ces principes de citoyenneté et de laïcité adaptables. Cet universalisme de la définition de la laïcité nous offre un outil pour résister aux contre-projets. Par ailleurs, nous insistons fortement sur le respect de la règle de droit. Si nous ne commençons pas par rappeler les règles, la loi du plus fort s'impose. En nous arc-boutant sur l'universalité de la laïcité et de la citoyenneté et sur le respect de la règle, nous offrons des éléments de réponse.

Hier, nous avions une réunion des coordonnateurs nationaux des équipes académiques. Le nombre de cas signalés est extrêmement faible, soit parce que les professeurs se débrouillent seuls, soit parce qu'ils mettent le sujet de côté. Dans 40 % des cas, nous ne savons pas définir la nature d'une atteinte à la laïcité, avec même une interrogation sur la définition de l'atteinte. Dans tous les secteurs, entreprises, hôpitaux, fonction publique territoriale, fonction publique d'État, éducation nationale, nous ne possédons pas d'indicateurs objectifs. En revanche, nous savons que les tensions et les conflits s'accroissent autour de la gestion des faits religieux, partout et fortement, ce qui est extrêmement préoccupant.

Au sein de l'éducation nationale, la pression augmente sur le premier degré, y compris par le biais des parents d'élèves, et sur l'enseignement professionnel, ce qui n'est pas sans rapport avec des inégalités et une culture un peu différente.

Les chercheurs et les intellectuels ont le droit de débattre. En revanche, je regrette que l'on présente une position idéologique, avec une certaine idée de ce que devrait être la laïcité, comme étant le droit ou le bien, les oppositions étant le mal. L'université et la démocratie sont le lieu du libre débat. Il ne faut pas confondre ce que l'on croit, ce que l'on souhaite et ce qui est permis.

Je ne pense pas qu'une hydre cherche à viser la France comme territoire de laïcité, mais elle est une cible, parfois d'une volonté centralisée et parfois d'actions relativement individuelles, au niveau de la barre d'immeubles. Toutes les échelles doivent donc être traitées.

La meilleure réponse est de rester objectif, face aux atteintes à l'égalité entre les femmes et les hommes, la meilleure réponse est de rester objectif, de ne pas accepter les certificats médicaux de complaisance ou le refus d'aller à la piscine par exemple. La démarche doit être entreprise avec pédagogie, en expliquant le but des règles communes.

Je suis cependant perplexe quant à la question du multiculturalisme. Les cultures différentes sont-elles plus nombreuses qu'avant la Révolution française, au temps de la culture occitane, bretonne, alsacienne ? Je ne sais pas, et je ne crois pas que ce soit le débat. L'essentiel est que la règle est commune à tous.

L'enseignement laïc des faits religieux doit présenter les connaissances en histoire et en art. Nous sommes un pays de tradition chrétienne, mais toutes nos origines ne le sont pas. Nous avons aussi des racines dans le monde grec avec la démocratie, dans le monde romain autour du droit, dans le monde musulman qui a joué un rôle au Moyen-Âge dans la transmission de la pensée grecque. Nous devons montrer ces apports intellectuels dans l'histoire de France. Les églises sont devenues le patrimoine national, mais l'État ne doit en aucun cas subventionner les activités cultuelles des institutions religieuses.

Les sondages autour de l'éducation nationale doivent être analysés de près. L'un, du Centre national d'étude des systèmes scolaires (Cnesco), rejoint certains constats de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme sur une tolérance plus grande des jeunes par rapport aux jeunes d'autres pays. En revanche, un sondage réalisé par l'IFOP en 2018, pour le Comité national d'action laïque, est souvent utilisé d'une manière caricaturale : il évoque des tensions croissantes, avec plus d'interventions des parents d'élèves, mais il souligne aussi que la plupart des situations se règlent par le dialogue.

La réalité est difficile et dangereuse. Tout observateur sérieux le reconnaît. En revanche, il est essentiel de ne pas donner de sentiment de panique généralisée à la population, sous peine d'engendrer des phénomènes de racisme.

Le sondage que nous avons commandité comporte la question suivante : « Diriez-vous que dans votre établissement, le climat autour de la laïcité est tendu, plutôt tendu, apaisé, plutôt apaisé ? » 91 % ont évoqué un climat apaisé ou plutôt apaisé. Cela ne doit certes pas nous faire oublier les problèmes subsistants qui doivent être traités.

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